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PHILIXTE.

Je n'ai jamais ouï de vers si bien tournés.

ALCESTE , bas , à part, Morbleu !

ORONTB,

å Philinte. Vous me flattez, et vous croyez peut-être...

PHILINTE.

Non, je ne flatte point.

ALCESTE, bas, á part.

Hé! que fais-tu donc, traître ?

ORONTE , à Alceste, Mais , pour vous, vous savez quel est notre traité : Parlez-moi , je vous prie, avec sincérité.

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2 ALCESTE.

Monsieur, cette inatière est toujours délicate,
Et sur le bel esprit nous aimons qu'on nous satte.
Mais un jour à quelqu'un , dont je tairai le nom,
Je disois, en voyant des vers de sa façon,
Qu'il faut qu'un galant homme ait toujours grand

empire
Sur les démangeaisons qui nous prennent d’écrire ;
Qu'il doit tenir la bride aux grands empressements
Qu'on a de faire éclat de tels amusements;
Et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages,
On s'expose à jouer de mauvais personnages.
Est-ce que vous voulez me déclarer par-là
Que j'ai tort de vouloir...

ALCESTE.
Je pe dis

pas

cela. Mais je lui disois, moi , qu’un froid écrit assomme; Qu'il ne faut que ce foible à décrier un homme ; Et qu'eût-on d'autre part cent belles qualités, On regarde les gens par leurs méchants côtés. Est-ce qu'à mon sonnet vous trouvez à redire ?

ORONTE.

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ORONTE.

ALCESTE.

Je ne dis pas cela. Mais, pour ne point écrire,
Je lui mettois aux yeux comme dans notre temps

ORONTE.

ALCESTE.

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Cette soif a gâté de fort honnêtes gens.
Est-ce que j'écris mal? et leur ressemblerois-je ?
Je ne dis pas cela. Mais enfin, lui disois-je ?
Quel besoin si pressant avez-vous de rimer ?
Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer ?
Si l'on peut pardonner l'essor d'un mauvais livre,
Ce n'est qu'aux malheureux qui composent pour

vivre.
Croyez-moi , résistez à vos tentations.
Dérobez au public ces occupations;
Et n'allez point quitter, de quoi que l'on vous somme,
Le nom que, dans la cour, vous avez d'honnête hom-

ine,
Pour prendre de la main d'un avide imprimeur
Celui de ridicule et misérable auteur.
C'est ce que je tâchại de lui faire comprendre.
Voilà qui va fort bien , et je crois vous entendre.
Mais ne puis-je savoir ce que dans mon sonnet...

ALCESTE.
Franchement, il est bon à mettre au cabinet.
Vous vous êtes réglé sur de méchants modèles ,
Et vos expressions ne sont point naturelles.

Qu'est-ce que nous berce un temps notre ennui?

Et que, rien ne marche après lui ?
Que, ne vous pas mettre en dépense ,
Pour ne me donner que l'espoir ?

,Philis ,on désespère

Alors qu'on espère toujours ? Ce style figuré dont on fait vanité Sort du bon caractère et de la vérité ; Ce n'est que jeu de mots, qu'affectation pure, Et ce n'est point ainsi que parle la nature. Le méchant goût du siècle en cela me fait peur : Nos pères, tout grossiers,l'avoient beaucoup meilleur Et je prise bien moins tout ce que l'on adinire, Qu'une vieille chanson que je m'en vais vous dire :

ORONTE.

Et que,

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Si le roi m'avuit donné

Paris sa grand'ville,
Et qu'il me lalôt quitter

L'amour de ma mie ,
Je dirois au roi Henri :
Reprenez votre Paris,
J'aime mieux ma mie, ch gay!

J'aime mieux ma mie.
La rime n'est pas riche, et le style en est vieux :
Mais ne voyez-vous pas que cela vaut bien unieux
Que ces

chets dont le bon sens murpure ; Et que la passion parle là toute pure

Si le roi m'avoit donné

Paris sa grand’ville,
Et qu'il me fallat quitter

L'amour de ma mie,
Je dirois au roi Henri :
Reprenez votre Paris,
J'aime mieux ma mnie, oh gai!

J'aime mieux ma mnie.
Voilà ce que peut dire un cæur vraiment épris,

(á Philinte qui rit,)
Oui, monsieur le rieur, malgré vos beaux esprits,
J'estime plus cela que

la pompe

Neurie
De tous ces faux brillants où chacun se récrie.

?

ORONTE.

Et moi, je vous soutiens que mes vers sont forts bons.

ALCESTE. Pour les trouver ainsi vous avez vos raisons : Mais vous trouverez bon quej'en puisse avoir d'autres Qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres.

ORONTB.

Il me suffit de voir que d'autres en font cas.

ALCESTE.

ORONTE.

C'est qu'ils ont l'art de feindre; et moi, je ne l'ai pas.
Croyez-vous donc avoir tant d'esprit en partage ?
Si je louois vos vers, j'en aurois davantage.

ALGESTE.

ORONTE

Je me passerai fort que vous les approuviez.

ALCESTE

Il faut bien, s'il vous plait , que vous vous en passiez.

ORONTE.

Je voudrois bien, pour voir, que de votre manière Vous en composassiez sur la même matière.

ALCESTE.

ORONTE,

J'en pourrois, par malheur, faire d’aussi méchants;
Mais je me garderois deles montrer aux gens.
Vous me parlez bien ferme; et cette suffisance...
Autre part que chez moi cherchez qui vous encense.

ALCESTE.

ORONTE. "

Mais, mon petit monsieur, prenez-le un peu moins haut.

ALCESTE. Ma foi , mon grand monsieur, je le prends comme il faut.

PHILINTE , se mettant entre deux. IIé! messieurs, c'en est trop. Laissez cela, de grâce.

OR ONTE. Ah! j'ai tort , je l'avoue, et je quitte la place. Je suis votre valet, monsieur, de tout mon cœur.

*** ALCESTR. Et moi , je suis, monsieur, votre humble serviteur,

SCENE III.

PHILINTE, ALCESTE,

PHILINTE.

Hé bien! vous le voyez : pour être trop sincère,
Vous voilà sur les bras une fâcheuse affaire ;
Et j'ai bien vu qu'Oronte, afin d'être fatté...

ALCESIB.

Ne me parlez pas.

PHILINTB.
Mais...
ALCESTE.

Plus de société.

PHILINTB.
C'est trop...

ALCESTE
Laissez-moi là.

PHILINTE.

Si je...
ALCESTE.

Point de langage.

PHILINTE.
Mais quoi....

ALCESTE.
Je n'entends rien.
PHILINTE.

Mais...
ALCESTE.

Encore.
PHILINTE

On outrage...

ALCESTE. Ah! parbleu! c'en est trop. Ne suivez point mes pas.

PHILINTE. Vous vous moquez de moi; je ne vous quitte pas.

FIN DU PREMIER ACTE

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