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ALCESTE.

C'est que jamais, morbleu! les hommes n'ont raison,
Que le chagrin contre eux est toujours de saison,
Et que je vois qu'ils sont, sur toutes les affaires,
Loueurs impertinents, ou censeurs téméraires.

CKLIMÈNE.
Mais..

ALCESTE,

CLITANDRE.

ACASTE.

ALCESTE.

.Non, madame, non, quand j'en devrois mourir, Vous avez des plaisirs que je ne puis souffrir ; Et l'on a tort ici de nourrir dans votre âme Ce grand attachement aux défauts qu'on y blâme, Pour moi, je ne sais pas; mais j'avouerai tout haut Que j'ai cru jusqu'ici madame sans défaut. De grâces et d'attraits je vois qu'elle est pourvue Mais les défauts qu'elle a ne frappent point ma vue. Ils frappent tous la mienne; et, loin de m'en cacher, Elle sait que j'ai soin de les lui reprocher. Plus on aimne quelqu'un, moins il faut qu'on le flatte : A ne rien pardonner le pur amour éclate; Et je bannirois, moi, tous ces lâches amants Que je verrois soumis à tous més sentiments, Et dont, à tous propos, les inolles complaisances Donneroient de l'encens à ines extravagances.

CÉLIMÈNE.
Enfin, s'il faut qu'à vous s'en rapportent les cours,
On doit ,pour bien aimer, renoncer aux douceurs,
Et du parfait amour mettre l'honneur suprême
A bien injurier les personnes qu'on aimne.

ÉLIANTE.
L'amour, pour l'ordinaire, est peu fait à ces lois ,
Et l'on voit les amants vanter tonjours leur choix.
Jamais leur passion ne voit rien de blåmable,
Et dans l'objet aimé tout leur devient aimable;
Ils comptent les défauts pour des perfections,
Et savent y donner de favorables poms.

La pale est aux jasınins en blancheur comparable;
La noire à faire peur, une brune adorable;
La maigre a de la taille et de la liberté;
La grasse est, dans son port pleine de majesté ;
La mal-propre sur soi , de

peu

d'attraits chargée, Est mise sous le nom de beauté négligée; La géante paroît une déesse aux yeux ; La naine, un abrégé des merveilles des cieux; L'orgueilleuse a le coenr digne d'une couronne; La fourbe a de l'esprit; la sotte est toute bonne ; La trop grande parleuse est d'agréable humeur; El la muette garde une honnête pudeur. C'est ainsi qu'un amant dont l'ardeur est extrême Aime jusqu'aux défauts des personnes qu'il aime.

ALCESTE.

Et moi, je soutens, moi...

CÉLINÊNE.

Brisons là ce discours,
Et daos la galerie allons faire deux tours.
Quoi! vous vous en allez, messieurs ?

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ALCESTE.

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La peur

de leur départ occupe fort votre âme! Sortez quand vous voudrez, wessieurs; mais j'avertis Que je ne sors qu'après que vous serez sortis.

ACASTE.
A moins de voir madame en être importunée,
Rien ne m'appelle ailieurs de toute la jouinée.

CLITANDRE.

Moi, ponrvu que je puisse être au petit couché,
Je n'ai point d'autre affaire où je suis attaché.

CKLIMINE à Alceste.
C'est pour rire, je crois.

ALCESTE.

Non, en aucune sorte. Nous verrons si c'est moi que vous voudrez qui sorte. SCÈNE VI.

ALCESTE, CÉLIMÈNE. ÉLIANTE, ACASTE,

PHILINTE, CLITANDRE, BASQUE.

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BASQUE , à Alceste. Monsieur, un homme est là, qui voudroit vous parler Pour affaire, dit-il qu'on ne peut reculer.

ALCESTE.

Dis-lui que je n'ai point d'affaires si pressées.

BASQUE.
Il porte une jaquette à grand’basques plissées,
Avec du d'or dessus.

CÉLTMÈNE, à Alceste.

Allez voir ce que c'est, Ou bien faites-le entrer.

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SCÈNE VII.

ALCESTE, CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ACASTE,

PIILINTE, CLITANDRE, UN GARDE DE LA MARÉCHAUSSÉE.

ALCESTE, allant au-devant du garde.

Qu'est ce donc qu'il vous plaît Vencz, monsieur.

LE GARDE

Monsieur, j'ai deux mots à vous dire.

ALCESTE.

Vous pouvez parler haut, monsieur, pour m'en ins

truire,

LE GARDE.

Messieurs les maréchaux, dont j'ai commandement, Vous mandent de venir les trouver promptement, Monsieur.

ALCESTE.

Qui? moi, monsieur?

LE GARDE.

Vous-même.
ALCESTB.

Et pour quoi faire ?
PILINTE,

à Alceste.
C'est d'Oronte et de vous la ridicule affaire.

CELI MÅNB, à Philinte. Comment?

PHILINTE.

Oronte et lui se sont tantôt bravés
Sur certains petits vers qu'il n'a pas approuvés;
Et l'on veut assoupir fa chose en sa naissance.

ALCESTE.
Moi, je n'aurai jamais de lâche complaisance.

PHILINTE.
Mais il faut suivre l'ordre: allons, disposez-vous.

ALCESTE.
Quel accommodement veut-on faire entre nous ?
La voix de ces messieurs me condamnera-t-elle
A tronver bons les vers qui font notre querelle ?
Je ne me dédis point de ce que j'en ait dit,
Je les trouve méchants.

PHILINTE.

Mais, d'un plus doux esprit...

ALCESTE.
Je n'en démordrai point; les vers sont exécrables.

PILINTE.
Vous devez faire voir des sentiments traitables.
Allons, venez.

ALCESTE.

J'irai; mais rien n'aura pouvoir
De me faire dédire.

PHILINTE.
Aliens yous faire voir.

ALCESTE.
TI rsqu'un commandeinent exprès du roi me vienne
De trouver bons les vers dont on se met en peine,

Je soutiendrai toujours , morblen! qu'ils sont maıvais Et qu'un homme est pendable après les avoir faits.

(ů Clilandre et Acaste, qui rient.) Par la sambleu! messieurs, je ne croyois pas être Si plaisant que je suis.

CÉLIMÈNE.

Allez vite paroître Où vous devez.

ALCESTE.

J'y vais, madame ; et sur mes pas Je reviens en ce lieu pour vuider nos débats.

FIN DU DEUXIÈME ACTE.

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