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Ai-je dit ou non en tête du second chant de mon poëme ?

N'allez pas toutefois, outrant un tel système,
Soumettre Richelet aux règles de Barême,
Et tourmenter la langue au point de calculer
Des vers que
le lecteur craindrait d'articuler.

De même n'allez point, ainsi que Dubartas,
Prendre pour harmonie un vain galimathias.

Ai-je imprimé ou non cette note à la suite de mon ouvrage? « Quel est le poëte << raisonnable qui pourra dire que je l'engage à tomber dans l'abus de mon système, et

«

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qui ne sentira pas au contraire qu'il doit disperser en détail ce que le plan de mon poëme m'a forcé de présenter en masse.»

Comment, après cela, plusieurs d'entre vous ont-ils été d'assez mauvaise foi pour diriger ces mêmes observations contre le poëme? (1) Comment plusieurs d'entre vous ont-ils été assez passionnés pour soustraire de leur examen et ces vers et cette note? Ne

sont-ce pas des pièces essentielles au procès,

(1) Les Petites Affiches et les Etrennes du Parnasse se sont permis cette gaieté.

ou plutôt y aurait-il eu procès si on les avait citées ?

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J'ai prouvé par mon poëme et par ses notes l'existence et l'utilité d'un système d'harmonie imitative en poésie en supposant que l'exécution de ce poëme ne répondit pas à mon intention patriotique; ce ne serait pas une preuve de la défectuosité du sujet. Personne n'a contrarié le juste accueil qu'on a fait à la Poétique de la Musique, excellent ouvrage de M. le comte de Lacépède; on s'est prêté en le lisant à l'enthousiasme du compositeur: pourquoi avez-vous cherché à troubler le plaisir de ceux qui goûtaient ma Musique de la Poésie? Il faut en déclamant mon poëme se pénétrer de l'enthousiasme national qui me l'a dicté. Lamothe a dit que les vers étaient enfans de la lyre, et qu'il fallait moins les lire que les chanter; c'est surtout des vers d'imitation que cela est vrai.

Cependant l'un de vous a déclaré que mon sujet était absolument vicieux; l'autre qu'il était bon tout au plus pour fournir le sujet d'une épître; un troisième que tous mes vers étaient durs, sans exception; un quatrième qu'il n'y avait dans l'ouvrage ni sujet, ni plan, ni poésie ceux d'entre vous que la

partialité n'aveugle point n'ont osé en dire tout le bien qu'ils en pensaient, de peur de choquer leurs confrères. Enfin, il est résulté de cette harmonie de critique un préjugé défavorable à l'ouvrage dans l'esprit de ceux qui sont accoutumés à croire l'autorité des journaux infaillible leur influence est malheureusement telle, que des littérateurs plus ou moins estimables, ébranlés par leur décision, ont été jusqu'à me dire d'abandonner tout cela, et de faire des opéras comiques, genre auquel, ajoutaient-ils, je suis exclusivement appelé.

Mais que répondait Boileau quand les journalistes de Trévoux déchiraient ses productions? Pars, disait-il à l'Equivoque,

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Et si plus sûrement tu veux gagner ta cause,
Porte-la dans Trévoux, à ce beau tribunal

Où de nouveaux Midas un sénat monachal
Tous les mois, appuyé de ta sœur l'Ignorance,
Pour juger Apollon tient, dit-on, sa séance.

Une vengeance aussi éclatante, je dirai même aussi dure, n'appartenait sans doute qu'au législateur de la critique. Les journalistes de Trévoux en valaient d'autres par leur esprit et leur malignité; mais quand il serait vrai de diré que vous les surpassez à tous

égards, comme il est vrai de dire que j'ai cherché à imiter Boileau dans sa versification, je laisserais encore à des écrivains plus ulcérés que moi à vous donner de pareils coups de massue.

C'est à vous-même, le public assemblé, que je me plains de vous. Vous n'avez point tenu compte des recherches immenses qu'il a fallu que je fisse, et de la versification laborieuse à laquelle il a fallu me soumettre. Vous aviez prévu que l'intention et l'ensemble effaceraient aux yeux des gens de goût les défauts de détail. Vous avez donc conspiré unanimement contre ce poëme en haine de ma réputation naissante! Au reste, il a marqué malgré vous cet essai poétique, dont l'objet est d'étendre les priviléges de notre langue, et j'ai bien mérité de la patrie en le composant. Mais vous, êtes-vous entrés dans les vues de l'administration en décriant dans le royaume un panégyriste de la langue française? « I] « ne faut point, dit Montesquieu, argumen«ter contre un ouvrage fait sur une science des raisons qui pourraient attaquer la

K

par

<< science même. »

Jamais journaliste n'a dit qu'il avait eu tort, et n'est revenu sur son premier jugement,

quelque forte raison qu'on ait eue pour en appeler; je suis autorisé plus que personne à le croire plusieurs d'entre vous m'ont refusé la voie de leur journal pour me justifier, sous le prétexte spécieux que le public était ennemi des controverses littéraires; mais quel est le Français lettré à qui des observations sur l'harmonie de la langue auraient pu paraître indifférentes? Quelque fécondes que soient vos feuilles, n'y a-t-il pas des lacunes et des momens de stérilité dont vous auriez pu profiter pour rendre mon apologie publique ?

Si, comme vous l'avez observé, les bornes de vos feuilles sont telles qu'une discussion grammaticale il est vrai, mais poétique à la fois, n'y puisse trouver place; si, comme je l'ai observé moi-même, il n'est permis qu'à vous, à vos coopérateurs et à vos amis de s'y disculper, rien ne vous empêchait d'annoncer purement et simplement que je ne me tenais pas pour battu, et que je publierais incessamment l'apologie de mon ouvrage.. Vous m'avez refusé cette satisfaction légitime; l'autorité, selon vous, eût été compromise en vous forçant à me la rendre. Mais je dévoilerai au public votre prévention et votre malveillance; ce public saura que j'ai sollicité vaine

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