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Nonne vides? cum præcipiti certamine campum
Corripuere; ruuntque effusi carcere currus.

..Et frustrà retinacula tendens

Fertur equis auriga, neque audit currus habenas.
Ac velut in somnis oculos ubi languida pressit
Nocte quies, nequicquam avidos extendere cursus
Velle videmur, et in mediis conatibus ægri

Succidimus.

« Ces deux derniers exemples suffiraient seuls pour « faire sentir aux jeunes gens la beauté des vers. Cette « cadence suspendue, fertur equis auriga, ne marque<<t-elle pas d'une manière merveilleuse le cocher courbé «et suspendu sur ses chevaux? (1) Et cette autre ca«dence, velle videmur, qui arrête le vers dès le << commencement et le tient comme suspendu, n'est«elle pas bien propre à peindre les vains efforts que fait un homme endormi pour marcher? »

III. Cadences coupées.

Ipsius antè oculos, ingens à vertice pontus
In puppim ferit: excutitur pronusque magister

Volvitur in caput...

....Simul hæc dicens attolit in ægrum

Se femur...

M. Rollin n'a pas non plus oublié l'élision qui

(1) Il fallait que M. Rollin fût bien convaincu de l'harmonie imitative de la poésie pour en trouver dans cet endroit. Son observation ne se sent-elle pas un peu trop de la passion extrême qu'il avait de développer les beautés des auteurs anciens? Et qu'eût-on dit de nous si nous nous étions permis de pareilles assertions?

contribue le plus à la beauté du vers. Il en cite un nombre infini d'exemples.

IV. Elisions.

« L'élision sert également pour rendre le nombre << doux, coulant, rude, majestueux, selon la différence « des objets qu'on veut exprimer : »

Illa graves oculos conata attollere, rursus
Deficit....

Quinquaginta atris immanis hiatibus hydra.
Grandiaque effossis mirabitur ossa sepulchris.

M. Rollin finit par faire remarquer combien les mots placés à la fin contribuent à l'harmonie; il fait encore un article séparé de cette matière.

« Les mots ainsi placés produisent cet effet, parce qu'ils achèvent de donner au tableau le dernier coup « de pinceau, ou parce qu'ils ajoutent même un nou« veau trait à une pensée qu'on croyait déjà parfaite, « qu'ils servent à la mieux caractériser, et à rendre « l'esprit de l'auditeur attentif à ce qu'elie a de plus « important et de plus intéressant: >>

Vox quoque per lucos vulgo exaudita silentes
Ingentes....

Hi summo in fluctu pendent.

Jacuitque per autrum

Immensum, etc..

EXTRAIT

DES

OBSERVATIONS DE DEBELLOI

SUR LA LANGUE FRANÇAISE.

De l'Harmonie expressive et imitative. ETALONS maintenant les richesses de l'harmonie expressive et imitative qui règne dans la poésie française ; déployons-les en tout genre. On va voir que sur cet article nous le disputons aux plus célèbres poëtes de l'antiquité. Je me livre avec une douce satisfaction à cette recherche utile des beautés de notre langue, travail si agréable, si éloigné de la triste et ennuyeuse tâche que s'imposent tant de mauvais critiques, sans cesse occupés à écarter l'or et à recueillir le sable! Rassemblons ici les vraies beautés de notre littérature; examinons-les scrupuleusement de tous côtés pour en mieux sentir le prix. Les gens du monde, qui ont le goût moins exercé que les poëtes de profession, ne seront pas fâchés de s'initier dans les secrets de l'art, et de découvrir, en suivant mes obsérvations, des beautés fines et délicates qui leur échappent ordinairement, et qu'on a presque toujours le perfide soin de

leur cacher. Je ne citerai guère que

des morceaux con

nus; mais les remarques dont je les accompagnerai ayant pour objet de les faire mieux connaître, j'espère qu'ils produiront une sensation toute nouvelle.

Pour mettre quelque gradation dans notre marche commençons par un exemple de cette harmonie presque indéterminée, mais riche et noble, qui convient au discours ordinaire ou à la narration générale lorsque le poëte ne s'arrête sur aucune image particulière. On ne trouvera rien de ce genre dans Homère ni dans Virgile qui surpasse l'ouverture du récit de la Henriade:

Valois régnait encore, et ses mains incertaines

◄ De l'état ébranlé laissaient flotter les rênes; (1)
Les lois étaient sans force et les droits confondus,
Ou plutôt en effet Valois ne régnait plus:
Ce n'était plus ce prince environné de gloire,
Aux combats dès l'enfance instruit par la victoire,
Dont l'Europe en tremblant regardait les progrès,
Et qui de sa patrie emporta les regrets
Quand du nord, étonné de ses vertus suprêmes,
Les peuples à ses pieds mettaient les diadêmes:
Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier:
Il devint lâche roi d'intrépide guerrier.
Endormi sur le trône, au sein de la mollesse,
Le poids de sa couronne accablait sa faiblesse;
Quélus et Saint-Maigrin, Joyeuse et d'Epernon,
Jeunes voluptueux qui régnaient sous son nom,

(1) Les lettres italiques, qui sont communément employées à indiquer les prétendus défauts des vers que l'on cite, serviront ici au contraire à désigner les beautés sur lesquelles l'œil doit s'arrêter.

D'un maître efféminé corrupteurs politiques,

Plongeaient dans les plaisirs ses langueurs léthargiques.

Quel nombre dans chaque vers! quelle variété dans la coupe des périodes! quel assemblage de sons brillans! comme l'oreille est remplie, caressée, enchantée par tous ces mots sonores qui se succèdent perpétuellement les uns aux autres! comme les / multipliées dans le second vers peignent ces rênes flottantes! La répétition de la syllabe blai dans accablait sa faiblesse peint très-heureusement la tête affaissée et chancelante sous le poids de la couronne.

Lisez encore le commencement si pompeux du poëme de Fontenoy; lisez l'ouverture d'Athalie, celle de Mérope; comparez-les à celle d'OEdipe et de l'Electre de Sophocle, et donnez la palme si vous osez choisir.

Voici maintenant un beau contraste d'une peinture fortement terrible avec une peinture doucement majestueuse :

Cependant sur Paris s'élevait un nuage

Qui semblait apporter le tonnerre et l'orage;
Ses flancs noirs et brúlans, tout à coup entr'ouverts,
Vomissent dans ces lieux les monstres des enfers.
Aux remparts de la ville ils fondent, ils s'arrêtent;
En faveur de d'Aumale au combat ils s'apprêtent:
Voilà qu'au même instant du haut des cieux ouverts
Un
ange est descendu sur le trône des airs,
Couronné de rayons, nageant dans la lumière,
Sur des ailes de feu parcourant sa carrière,
Et laissant loin de lui l'occident éclairé
Des sillons lumineux dont il est entouré.

Il n'y a personne qui ne soit frappé du changement

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