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le jour ni la nuit. Son poids ordinaire eft de cinquante à foixante livres ; mais on en a vu qui pesoient jusqu'à deux cents. Sa pefanteur est plus ou moins forte, selon que le délit eft plus ou moins grand.

La durée de ce fupplice, pour le vol, pour avoir troublé foit le Public, foit une famille, pour avoir été reconnu joueur de profeffion, &c. eft communément de trois mois. Le coupable n'a point la liberté de fe réfugier chez lui il est en station durant tout ce temps, foit dans une place publique, foit à la porte d'une ville ou d'un temple, ou même du Tribunal qui l'a condamné. Le temps de fa punition expiré, on le présente de nouveau au Mandarin : ce Magiftrat l'exhorte amicalement à fe corriger, le débarraffe de la cangue, & le congédie après lui avoir fait adminiftrer vingt coups de bâton.

D'autres fautes, qui font d'une claffe inférieure à l'homicide, font punies ou par le bannissement, qui est souvent perpétuel, fi c'est en Tartarie qu'on exile, ou par la peine de tirer les barques royales durant trois ans, ou par celle d'avoir les joues marquées avec un fer chaud. Le figne qui résulte de cette opération indique la nature de leur crime; ils ne peuvent fe mon trer, fans être à l'instant connus pour ce qu'ils font.

Tout vol entre parens eft plus févérement puni que s'il étoit fait à des étrangers.

C'est un vol des plus graves, lorfque les freres cadets ou les neveux s'approprient d'avance quelque chofe dans une fucceffion qu'ils doivent partager avec leurs freres aînés, ou leurs oncles.

Loix & Procedure criminelles.

Loix & Procédure

criminelles.

Le délateur de fon pere ou de sa mere, de fon aïeul ou de fon aïeule, de fon oncle, ou de fon-frere aîné, est condamné à cent coups de pan-tsée, & à trois ans d'exil, quand même l'accusation seroit vraie. Il est étranglé, fi elle eft fauffe.

Toute fréquentation criminelle entre parens de différent sexe eft punie : elle l'est plus griévement, felon que le degré de parenté eft plus proche.

Le fils ou le petit-fils qui néglige de servir fon pere ou fa mere, fon aïeul ou fon aïeule, eft condamné par la Loi à cent coups de pan-tfée : il est étranglé, s'il leur dit des injures; il eft décollé, s'il ofe lever la main fur eux; &, s'il les blesse, il est tenaillé & coupé en

morceaux.

Si un frere cadet dit des injures à fon aîné, la Loi le condamne à recevoir cent coups de pan-tfée. Elle le condamne à l'exil, s'il ofe lever la main fur lui.

Le lieu de la fépulture de chaque famille est sacré, inaliénable, & infaififfable. Il est défendu, fous peine de la vie, d'en couper les arbres, finon lorfqu'ils font morts, & qu'une vifite du Mandarin a constaté leur état. On eft poursuivi & puni comme facrilége, fi on enleve à l'une de ces fépúltures le moindre de fes ornemens.

L'homicide eft puni de mort. L'homme qui, dans une fimple rixe, aura tué son adversaire, est étranglé fans rémission; mais la potence est inconnue à la Chine. On paffe en noeud coulant, autour du cou du criminel, une corde longue de fix à fept pieds; deux valets du Tribunal la tirent fortement en fens contraire, puis ils la lâchent tout à coup; un instant après, ils la tirent comme

ils avoient fait d'abord. Une feconde reprise deviendroit fuperflue.

ment par

Dans certains cantons de la Chine, la même opération s'exécute avec une espece d'arc. Le criminel est à genoux; on lui paffe autour du cou la corde de cet inftrument; on tire à foi l'arc, qui ferroit déjà fortesa détente. Le patient est promptement étouffé. Un fupplice qui ne déshonore point parmi nous, celui d'avoir la tête tranchée, eft regardé chez les Chinois comme le plus honteux des châtimens. On le réserve pour les affaffins proprement dits, & pour ceux qui ont commis quelque crime de la même énormité. Voici, disent les Chinois, pourquoi cette mort eft la plus ignominieuse de toutes : c'est que la tête est la plus noble partie de l'homme, & que s'il la perd quand il expire, il ne conferve pas fon corps auffi entier qu'il l'a reçu de fes parens. Cette réflexion tient aux mœurs de ce Peuple, & à l'efpece de culte qu'il rend à fes peres.

Haché en dix mille morceaux. C'est un genre de fupplice, qui ne fut jamais connu qu'à la Chine. Il regarde les criminels d'Etat, les révoltés. On attache le coupable à un poteau; l'exécuteur lui cerne la tête, en détache la peau, qu'il rabat fur les yeux; enfuite, il enleve, différentes parties du corps, qu'il taillade en plufieurs morceaux : il ne quitte cet horrible travail que par laffitude. Il abandonne le reste du corps à la férocité de la populace, qui acheve ce qu'il n'a pu finir.

Voilà le fupplice que plufieurs Souverains ont fait exécuter à toute rigueur; d'autres l'ont mitigé. La Loi elle-même n'étend point fa févérité jufque là; elle ordonne, &

Loix & Procédure

criminelles.

criminelles.

cela fuffit fans doute, d'ouvrir le ventre au criminel, Loix & Procédure de couper fon corps en plufieurs morceaux, & de le jeter ou dans la riviere, ou dans une foffe qui fert de sépulture commune aux grands criminels.

On a beaucoup & bien écrit en France contre la queftion ordinaire & extraordinaire. La premiere eft heureusement fupprimée; la feconde subsiste encore; elles fubfiftent l'une & l'autre à là Chine. La question, même ordinaire, y est très-rude; elle fe donne aux pieds ou aux mains. On se sert, pour les pieds, d'un instrument qui confifte en trois morceaux de bois croifés. Celui du milieu eft fixe, les deux autres fe tournent & se remuent. On place les pieds du patient dans cette machine; ils y font fi étroitement ferrés, que la cheville du pied s'applatit. La torture appliquée aux mains, femble devoir être moins douloureuse. On infere entre les doigts du coupable de petits bois diagonalement placés; on lie très-fortement les doigts avec des cordes, & on laiffe, durant 'quelque temps, le patient dans cette pénible situation.

La queftion extraordinaire eft terrible: elle confifte à faire de légeres taillades fur le corps du criminel, & à lui enlever la peau par bandes, en forme d'aiguillettes. Mais elle n'a lieu que pour les grands crimes, fur-tout pour ceux de leze Majefté, & lorfque le criminel eft parfaitement convaincu. Il s'agit alors de connoître fes complices.

Au furplus, l'Hiftoire de la Chine peut entraîner fes Lecteurs dans certaines méprises relativement aux Loix pénales de cette Nation. Quelques uns de fes Souverains ont eu des caprices fanguinaires, qui n'étoient point autorifés par la Loi, & qu'on a fouvent confondus avec

elle mais ces Princes font encore aujourd'hui placés au nombre des Tyrans; leur nom eft en horreur à tout l'Empire. Les Chinois, dans leur procédure criminelle, ont un grand avantage fur toutes les autres Nations: il eft prefque impoffible que l'innocent y fuccombe fous une fauffe accufation; elle devient trop dangereuse pour l'accufateur, les délateurs, & les témoins. La lenteur & les révisions multipliées de la procédure font une autre fauvegarde pour l'accufé. Enfin, nul Arrêt de mort n'est mis à exécution fans avoir été ratifié par l'Empereur. On lui préfente une copie au net de toute la procédure; on en tire un nombre d'autres copies, tant en Langue Chinoise qu'en Langue Tartare, & l'Empereur les foumet encore à l'examen d'un pareil nombre de Docteurs, foit Tartares foit Chinois.

Tels font les foins que le Maître de plus de cent millions de fujets s'impofe à lui-même, pour ne pas risquer d'en perdre un feul mal-à-propos.

Loix & Procédure

Lorfque le crime est très- énorme & bien prouvé, l'Empereur écrit de fa main au bas de la fentence: Aussi-tôt qu'on aura reçu cet ordre, qu'on l'exécute fans aucun délai. S'agit-il d'un crime rangé dans la claffe ordinaire, mais que la Loi punit de mort, l'Empereur écrit au bas de l'Arrêt: Qu'on retienne le criminel en prifon, & qu'on' l'exécute au temps de l'automne. C'est que généralement on n'exécute les criminels qu'en automne, & tous le même jour. L'Empereur ne figne jamais un Arrêt de mort, nous ne dirons point qu'à jeun, mais qu'après s'y être préparé par le jeûne.

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criminelles.

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