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ancienne de la

Chine.

de notre part, nous rempliffons tous nos devoirs, le De la Religion Tien se laiffera fléchir par notre conduite bien réglée, & nous attirerons fur nous fa paix & fa protection. Je ne puis trop vous le répéter; pour prévenir les calamités, il n'y a pas de moyen plus sûr que de veiller fur foi-même, de fe tenir dans la crainte, & de travailler à fa perfection. Quand on vous dit de prier & d'invoquer les Efprits, que prétend-on ? C'est tout au plus d'emprunter leur entremise, pour représenter au Tien la fincérité de notre refpect & la ferveur de nos défirs. Prétendre donc, en quelque forte, s'appuyer fur ces prieres, fur ces invocations, pour éloigner de nous les infortunes, les adverfités, pendant qu'on néglige fon devoir, qu'on ne veille pas sur soi-même, qu'on ne tient pas fon cœur dans le respect & dans la crainte à l'égard du Tien pour le toucher, c'est vouloir puifer dans le ruiffeau après avoir bouché la source; c'est laiffer l'effentiel pour s'attacher à ce qui n'est qu'acceffoire. Comment pourriez-vous efpérer, par une telle conduite, d'obtenir l'accomplissement de vos défirs?......

» Voici donc, encore une fois, ce que je pense. Je fuis véritablement & intimement persuadé qu'il y a entre le Tien & l'homme une union réciproque & une parfaite correfpondance. Je fuis bien éloigné d'ajouter foi à ces Efprits qu'on appelle Couei-chin. C'est pour vous inftruire, vous fur-tout grands Officiers de la Couronne & des Provinces, que je n'ai pas dédaigné de prendre la plume, & d'expofer clairement ma pensée, afin que vous vous conformiez à mes sentimens. C'est-là l'unique fujet de cette inftruction «.

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De la Religion

Cette doctrine fur l'existence & les attributs d'un fouverain Etre, fur le culte & les hommages qui lui font dus, ancienne de la a fubfifté à la Chine, fans altération & fans mélange, Chine. pendant une longue fuite de fiecles. Qu'on confulte en effet tous les monumens, tous les ouvrages canoniques de cette Nation; qu'on parcoure la partie ancienne de ses Annales, on n'y découvrira, pendant une longue fucceffion de regnes, aucune trace d'idolâtrie. L'Histoire Chinoife, fi minutieuse dans fes détails, fi attentive à indiquer toutes les innovations dans les ufages, ne fait mention d'aucun Rit superstitieux, contraire à la croyance & au culte que nous venons d'attribuer aux premiers Chinois elle en eût parlé, fans doute, avec la même exactitude qu'elle a rapporté l'établissement de la Secte des Tao-ffée, & l'introduction de l'abfurde Religion du Dieu Fo, Idole apportée des Indes dans les temps postérieurs. La premiere de ces deux Sectes s'établit à la Chine pendant la vie de Confucius; la feconde n'y parut que plufieurs fiecles après lui. Ce n'est pas que du temps ce Philofophe célebre, la magie & différentes erreurs n'euffent déjà fait quelques progrès dans plufieurs Provinces, à la faveur des troubles & de la corruption sensible des mœurs peut-être même le peuple avoit-il déjà quelques Idoles, & faifoit-il usage de quelques pratiques superstitieuses; mais on ne peut en produire aucune preuve tirée des monumens historiques.

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L'existence du Tribunal des Rits, l'une des Cours fouveraines de l'Empire, a dû contribuer beaucoup à la conservation de l'ancienne doctrine religieufe: c'eft aux Juges qui compofent ce Tribunal qu'eft attribuée la surveillance

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fur tout ce qui concerne le culte; ils font chargés d'emDe la Religion pêcher les innovations, de réprimer les superstitions

ancienne de la

Chine.

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pulaires, de châtier & de flétrir les Ecrivains impies ou trop licencieux; leur févérité ne pardonne point aux infultes faites à la Divinité ou aux mœurs; & tel Auteur, difent les Miffionnaires, jouit de l'impunité en Europe, qu'on eût, dès fon premier écrit, dévoué à la Chine aux plus prompts fupplices. L'ancienne doctrine du Tien a toujours trouvé fon appui dans ce Tribunal, & c'est à l'uniformité conftante de fes décrets qu'elle doit particuliérement l'avantage d'être restée la Religion dominante. Ce n'est pas que les Mandarins mêmes qui forment ce Tribunal, ne fe livrent quelquefois, dans le fecret de leurs maisons, à un grand nombre de pratiques fuperftitieuses : mais cet attachement personnel à des cultes particuliers n'influe point fur leur miniftere public; dès qu'ils montent fur leurs fiéges, ils ne connoiffent plus que la Religion de l'Etat.

CHAPITRE II.

Sacrifices anciens des Chinois. Leurs premiers temples..

LES premiers facrifices que les Chinois inftituerent en Sacrifices unsiens des Chinois. l'honneur du Chang-ti, lui furent d'abord offerts fur le Tan, en pleine campagne, ou fur des montagnes. Le Tan fignifie un amas de pierres amoncelées en rond, ou fimplement un tas de terre orbiculairement élevé.

Autour du Tan, régnoit une double enceinte, appelée

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Kiao, formée de branchages & de gazon. Dans l'efpace que laiffoient ces deux enceintes, on élevoit à droite & à gauche deux moindres autels, sur lesquels, immédiatement après le facrifice offert en l'honneur du Tien, on alloit facrifier aux Chen & aux Cheng, c'est-à-dire, aux Esprits fupérieurs de tous les ordres, & aux vertueux Ancêtres (a). Le Souverain, qu'on regardoit comme le Grand Sacrificateur de l'Empire, pouvoit seul offrir fur le Tan. Les Commentateurs les plus eftimés des anciens Livres, & tous les Ecrivains qui ont discuté la doctrine de l'antiquité, conviennent que cet usage d'offrir aux Chen & aux Cheng, après avoir facrifié au Chang-ti, remonte aux premiers temps, qu'il fut pratiqué par Fo-hi lui-même, & transmis d'âge en âge à ses fucceffeurs, qui l'ont confervé, fans mélange d'aucun autre Rit, pendant la durée des trois premieres dynasties. Ces mêmes Ecrivains ajoutent, qu'en adressant leurs fupplications & leurs vœux au Chang-ti, ces anciens Empereurs & leurs Sujets le regardoient comme le fouverain Maître, revêtu de la toute-puiffance néceffaire pour les fatisfaire fur les divers objets de leurs demandes ; mais qu'en offrant leurs prieres aux Efprits & aux Ancêtres, ils ne faifoient qu'implorer leur protection auprès du Chang-ti. De là vient fans doute la différente maniere de s'exprimer

(a) Les Chinois, par Chen & Cheng, entendent les bons Efprits de tous les ordres, & les hommes juftes, qui, après avoir quitté leur dépouille mortelle, font affociés, pour prix de leurs vertus, au bonheur de l'Etre Suprême. Confucius & les autres Sages célebres de la Nation font de ce nombre. On donne mêine encore aujourd'hui à l'Impératrice mere & à l'Empereur le titre honorable de Cheng; & l'on dit Chengmou, la Sainte Mere; Cheng-Tchou, le Saint Maître.

Sacrifices anciens des Chinois.

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ciens des Chinois.

pour défigner ces deux fortes de facrifices: On prie le Sacrifices an- Chang-ti; on avertit les Ancêtres, on leur rend hommage, on pratique en leur honneur des cérémonies refpectueuses. Il n'étoit pas néceffaire que ce fût le Souverain qui offrît le facrifice aux Chen & aux Cheng; tout autre pouvoit le suppléer dans cette fonction religieuse.

Dans les premiers temps, lorfque l'Empire, renfermé dans d'étroites limites, n'offroit encore qu'un petit Etat & une population naissante, une seule montagne fuffifoit pour les facrifices au Chang-ti. Pendant que le Souverain & fes Miniftres, enfermés dans la double enceinte de branchages & de gazon, offroient leurs hommages à l'Etre Suprême, les Sujets fe tenoient dans un respectueux filence aux environs du Kiao, ou fur le penchant de la montagne fur laquelle on facrifioit. Mais dans la fuite, l'Empire s'étant considérablement accru, Hoang-ti détermina quatre montagnes principales, fituées à l'extrémité de fes Etats, & qui correfpondoient aux quatre parties du Monde, pour être déformais comme des lieux confacrés au culte religieux de toute la Nation. Pendant le cours de l'année, ce Prince alloit fucceffivement facrifier fur une de ces montagnes, & prenoit de là occafion de se montrer à fes peuples, de s'informer de leurs befoins pour y pourvoir, de rétablir l'ordre en réformant les abus.

Depuis les Empereurs Yao & Chun, on a des notions plus détaillées fur ces grands facrifices. On lit dans le Chou-king & les autres fragmens de l'ancienne Histoire, que Chun détermina, 1°. qu'à la feconde lune, dans la

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