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transportaient quantité de riz hors de la Chine, et entretenaient d'étroites liaisons avec les Chinois qui demeurent à Batavia. Sur quoi l'Empereur défendit, sous de grièves peines, qu'aucun vaisseau Chinois n'allât, sous prétexte de commerce, dans les contrées qui sont au midi de la Chine. Cette défense fut portée à la fin du mois de Janvier de cette année 1717, et fut insérée dans la gazette. Un Tsong-ping (1) de la province de Canton a pris de là occasion de présenter une Requête à l'Empereur, dans laquelle il se déchaîne violemment, et contre les Européens qui trafiquent à la Chine, et contre l'exercice de notre sainte Religion. Voici la Requête aussi fidèlement traduite, que le permet la différence de la langue Chinoise et de la nôtre.

Tchin-mao (c'est le nom de notre accusateur.) Hie-che-tchin (2) Tsong-ping; sur les précautions qu'on doit prendre par rapport aux côtes maritimes. (3)

« Moi, votre Sujet, j'ai visité exactement, >> selon la coutume et selon le devoir de ma >> charge, toutes les Iles de la mer. A la » sixième lune j'ai parcouru toutes les côtes >> maritimes qui sont vers l'Occident: à la » seconde lune j'ai visité toutes celles quisont

(1) Mandarin de guerre du second ordre. (2) Lieu de la juridiction de ce Mandariu. (3) Les Chinois mettent toujours à la tête de leur Requête le sujet dont ils veulent parler.

» vers l'Orient du côté de l'île de Nanngao, » et dans le cours d'une année j'ai parcouru >> toutes les Iles de la mer qui sont de ma » juridiction. Il n'y a point de golfe ni de » détroit que je n'aie examiné par moi» même. J'ai trouvé que la haute sagesse et » l'autorité absolue de Votre Majesté main» tiennent dans une tranquillité parfaite les » Pays les plus reculés de l'Empire. Mais » quand je suis arrivé à Macao, qui est de » la dépendance de Hiam-xan-hien, j'avoue » que j'ai été effrayé de voir dans le Port » plus de dix vaisseaux (1) Européens qui » fesaient voile vers Canton leur compour

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merce je prévis aussitôt ce qu'on en de»vait craindre, et j'eus la pensée de pré»senter une Requête à Votre Majesté, pour » l'informer du génie dur et féroce de ces » Peuples; mais j'appris que le dix-hui»tième jour de la douzième lune, Votre » Majesté avait porté l'Edit suivant. »

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A l'égard des lieux les plus éloignés du côté de la mer, qu'on ait soin de tout observer, et sur-tout qu'on soit très-attentif aux Royaumes des étrangers. C'est pourquoi, qu'il soit fait très-expresses défenses à tous les vaisseaux de cet Empire de naviguer vers la mer du Midi. Avec cette précaution on empêchera qu'il ne vienne du secours

(1) Il y dans l'original Chinois des vaisseaux de cheveux roux; c'est ainsi que les Chinois appellèrent les Hollandais, lorsqu'ils prirent sur eux l'ile de Formose. T'chin-mao comprend aussi sous ce nom les Anglais.

de la part des étrangers; l'on ira au-devant du mal qu'on appréhende.

>>

<«< Notre auguste Empereur ne s'est pas contenté de consulter sur cette affaire les >> neuf suprêmes Tribunaux de l'Empire, >> il a daigné écouter encore les avis de personnes d'un rang beaucoup inférieur. Si »sa sagesse n'était pas fort supérieure à celle » de Yaoet de Xun (1), jouirions-nous d'une » paix si profonde? Qui serait assez hardi » pour entretenir l'Empereur de ce qui se » passe dans les Royaumes étrangers, s'il

ne s'en est pas instruit par lui-même ? » Pour moi, dès ma plus tendre jennesse » j'ai été engagé dans le commerce, et j'ai » traversé plusieurs mers; j'ai voyagé au » Japon, au Royaume de Siam, à la Cochinchine, au Tunquin, à Batavia, à Manille, etc. Je connais les mœurs de ces » Peuples, leurs coutumes, et la politique » de leur gouvernement, et c'est ce qui me » donne la hardie:se d'en parler à mon > grand Empereur.

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» Vers l'orient de la Chine, il n'y a de » Royaume considérable que le Japon; les >> autres sont fort peu de chose, et le seul » Royaume de Liou-kicou mérite quelque >> attention. Tous les fleuves de ces Royau

mes ont leurs cours vers l'Orient ; et à dire » vrai, on ne trouve nul autre Royaume jus

(1) Deux anciens Empereurs de la Chine, regardés des Chinois comme des modèles que doivent imiter les Princes qui veulent gouverner sagement.

» qu'à la province de Fou-kien, de laquelle » dépend l'ile de Formose.

» Al'Occident sont les royaumes de Siam » de la Cochinchine et du Tunquin, qui >> confine avec Kium-tcheou-fou qui est à » l'extrémité de notre Empire.

כן

>> On découvre au Midi plusieurs Royaumes >> de Barbares, tels que sont Johor, Malaca, » Achem, etc. Bien que ces Royaumes ne » soient pas d'une grande étendue, ils ont cependant leurs Lois particulières auxquelles ils se conforment. Mais ils n'ose>> raient jamais porter leurs vues ambitieuses » sur les terres des autres Princes. Ainsi » l'Edit de Votre Majesté, que je viens de >> rapporter, ne regarde que les Ports de » Batavia et de Manille qui appartiennent » aux Européens. Ils y vinrent d'abord sim>plement pour commercer, et ensuite, sous » prétexte du commerce ils subjuguèrent >> tout le Pays.

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» Moi, votre Sujet, lorsque je considère » tous les Royaumes barbares qui sont au» delà des mers, il me semble que le royaume » du Japon surpasse tous les autres Royau>> mes en force et en puissance. Sous la » dynastie des Ming, il s'éleva une grande » révolte, excitée par quelques scélérats de >> notre Empire; cependant les Peuples du » Japon ont toujours fait paisiblement leur » commerce avec nous. Le royaume de » Lieou-kieou tient de nous les Lois, selon lesquelles il se gouverne depuis plusieurs » siècles; l'île de Formose nous est sou

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>> mise : les royaumes de Siam, du Tunquin » et les autres, nous paient tous les ans un tri» but, et ils n'ont nulle mauvaise intention. >> On n'a donc à craindre que des Européens, » les plus méchans et les plus intraitables » de tous les hommes.

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Hong-mao est un nom commun à tous » les Barbares qui habitent les terres situées » entre le Septentrion et l'Orient, savoir Ya» koueli (1), Yutse Laholansi, et Holan (2). » Ces Royaumes sont ou d'Europe ou des In» des; mais bien qu'ils soient différens les >> uns des autres, les Peuples en sont égale >>ment barbares. Les Laholansi le sont en>> core davantage; semblables à des tigres et » à des loups féroces, ils jettent la conster>> nation et l'effroi dans tous les vaisseaux » soit des Marchands, soit des Barbares, » et il n'y en a aucun qui puisse tenir contre >> leurs efforts. S'ils abordent à quelque terre, >> ils examinent d'abord par quel moyen

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ils pourront s'en rendre les maîtres : les » vaisseaux qu'ils montent sont à l'épreuve » des vents les plus furieux et des plus fortes » tempêtes; chacun de ces vaisseaux est au» moins de cent grosses pièces de canon; » rien ne peut leur résister. Nous l'é » prouvâmes l'année dernière dans le port

(1) Noms qui nous sont inconnus, peut-être au-lieu de Fa-kouei, a-t-il voulu mettre Fnkeli, nom que les Chinois donnent aux Anglais.

(2) Laholansi et Holan sont deux noms qu'on donne indifféremment aux Hollandais. L'accusateur en fait deux Royaumes,

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