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ses partisans, et la gérance des assurances par l'État est un fait qui, au moment où nous écrivons, est annoncé. (Caisse des Assurances agricoles (1).

L'assurance par l'État!!! voilà bien la théorie de ceux qui veulent immobiliser l'esprit humain. En effet, l'action de l'État s'emparant de l'industrie qui, depuis longtemps, a progressé (l'assurance contre l'incendie et maritime du moins), ne peut avoir d'autre résultat que de paralyser toutes les grandes institutions que l'industrie privée peut seule créer et féconder, parce qu'elle a mieux que personne l'intelligence du besoin des masses.

Mais à un autre point de vue, l'État assureur ne pourrait l'êtré qu'en imposant l'assurance ou en la laissant volontaire; dans le premier cas c'est un impôt, et l'on sait combien les impôts doivent être établis avec prudence.

Si l'assurance était volontaire, loin de faire des progrès, elle resterait nécessairement stationnaire, car l'État n'aurait pas, sans doute, la mission de confier à des agents spéciaux le soin de réveiller l'indifférence de ceux qui ne veulent point se faire assurer; or, c'est là le plus grand nombre, et l'indifférence tue, a dit un grand écrivain.

:

Il faut donc qu'on aille à l'État librement l'assuré ne peut pas être sollicité autrement que d'une manière géné

(1) A ce projet on rattache le crédit agricole en naturę ou en espèces; les grandes entreprises pour le drainage, les irrigations, les dessèchements; l'apparition de Compagnies financières pour l'exploitation du sol; des Caisses pour l'amortissement de la dette hypothécaire, etc., etc.

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rale; mais la sollicitation étant réduite aux proportions indiquées plus haul, l'assuré reste indifférent.

Faut-il encore rappeler que l'État assureur se lie nécessairement dans un contrat synallagmatique avec l'assuré; dans certains cas, les intérêts seraient donc opposés. Or, c'est là une source de mécontentements peu réfléchis de la part de l'assuré dont le gouvernement deviendrait l'objet et le but.

L'État qui comprend ses véritables intérêts, ne peut donc être assureur, ni en rendant l'assurance obligatoire, ni en la laissant volonta re, sous une forme quelconque qui l'engage ou ne l'engage pas (1).

A l'industrie privée seule il faut laisser le soin de faire progresser une institution qui intéresse les masses au plus haut degré, mais qui n'est pas aussi liée qu'on veut le dire avec la fortune générale (2).

Ce qui peut intéresser surtout un État, c'est de régle

(1) Voyez notre Dictionnaire des Assurances, Introduction. (2) Dans un mémoire qui fut publié en 1848 à l'occasion des assurances par l'Etat, on lit ces justes réflexions.

« On dit que l'intérêt général exigeant que tous les désastres soient réparés, parce que chacun souffre des souffrances de tous, la fortune publique doit garantir la fortune privée. C'est là une objection spécieuse; il ne faut pas confondre l'utilité particulière, quelque étendue qu'elle soit, avec l'utilité publique. Si, par l'assurance, on créait une richesse venant remplacer la richesse détruite, on pourrait dire que l'intérêt général est engagé dans la question. Mais la valeur détruite par l'incendie est perdue pour la société tout entière. L'assurance, en cicatrisant la plaie individuelle, ne peut rien pour la réparation du malheur social, puis

menter les intérêts privés. Que l'État, si l'on veut, s'immisce dans l'assurance, qu'il décrète une loi, ce sont là les moyens d'action qui appartiennent à son initiative, et qui peuvent faire grandir, sous sa protection, l'industrie privée. Hors de là il n'y a qu'embarras pour le gouvernement, et principalement en matière d'incendie; car le risque est en la possession de l'assuré, et, qu'on nous permette de le dire, dans ces conditions, l'assuré a toujours une lettre de change à vue sur le gouvernement.

Si l'État ne peut être assureur, convient-il qu'il soit gérant d'assurance? Nous croyons qu'alors aussi ses vues seront mal comprises, car l'État, gérant d'assurance, se trouve encore nécessairement en présence d'un assuré réclamant une indemnité; or, c'est là la partie du risque de l'assurance la plus dangereuse pour un gouvernement qui doit éviter d'être exposé à froisser les intérêts privés.

qu'elle ne peut pas faire qu'il n'y ait toujours une valeur perdue, détruite, qu'elle ne peut rendre à la consommation générale. Où s'arrêterait-on, d'ailleurs, une fois engagé sur cette pente de la garantie de tout contre tout ? Le principe admis pour toute perte résultant d'un fléau devrait l'être pour une perte résultant de quelque accident, de quelque perturbation que ce soit. »

DE

DROIT MARITIME.

PREMIÈRE PARTIE.

Des Assurances.

CHAPITRE PREMIER.

DU CARACTÈRE DE L'ASSURANCE; DES ASSUREURS.

Sommaire.

1. Origine de l'assurance; difficultés de la matière; fautes du capitaine;

2. Définition de l'assurance; le contrat d'assurance est synallagmatique, aléatoire; conséquences qui découlent de la définition du contrat; conditions essentielles du contrat;

2 bis. Forme des sociétés d'assurances.

1. Dans notre Dictionnaire des Assurances terrestres, Introduction, p. 17, nous avons assigné l'origine des assurances en la plaçant au quatorzième siècle et en la faisant découler de la décrétale du pape Grégoire IX, qui con

damnait le contrat à la grosse comme entaché d'usure (1). Mais on reconnut enfin que le risque dont on se chargeait devait être considéré comme la justification de la prime prélevée sur le capital, ce qui conduisit à l'assurance.

« Une fois cette distinction trouvée, il fut aisé d'accorder les prohibitions de l'Église avec les besoins du commerce. En effet, le prêt d'argent qui forme la première partie du contrat à la grosse était licite, pourvu qu'il fût fait sans intérêt, et, suivant l'expression des jurisconsultes de l'époque, merá caritate (2). Or, si, cette première convention ainsi passée, la somme prêtée étant remise à l'emprunteur, gratuitement et sans stipulation d'intérêt, il convient aux deux parties de former entre elles une seconde convention` par laquelle, moyennant le paiement éventuel d'un profit maritime, l'emprunteur sera déchargé, vis-à-vis du prêteur, de toute perte, de tout sinistre et de tout dommage fortuit dont il aurait été responsable de droit commun, cette seconde convention n'est pas moins licite que la première (3). »

Sous le rapport de l'aléa du contrat, il est certain que la loi a voulu tenir la balance égale entre l'assureur et l'assuré, le risque étant, d'un côté, menaçant pour le premier, en compensation d'une prime peu élevée, et, d'autre part, le risque ne devant pas seulement s'appesantir sur l'assuré.

Quant au risque maritime en lui-même, il embrasse non

(1) Voy. Lemonnier, Commentaire sur les polices d'assurances maritimes, Préface.

(2) Straccha, nomb. VIII, p. 31.

(3) Lemonnier, ubi suprà, page XLIV.

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