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les membres des conseils souverains chargés de rendre la justice. Le Roi donna plus de 6,000,000 de notre monnaie d'aujourd'hui pour faire réussir une entreprise qui devait influer sur la prospérité du Royaume.

Il invita plusieurs personnes à s'y intéresser; la reine, les princes et toute la cour fournirent 2,000,000 de numéraire de ce temps-là; les Cours supérieures donnèrent 1,200,000 livres ; les financiers 2,000,000; le corps des marchands 650,000 livres; toute la nation seconda son maître (1).

Dans la même année, une autre compagnie fut formée pour le commerce des Grandes-Indes avec un capital de 7,000,000 et des priviléges considérables.

Advint cependant la ruine de la compagnie des Indes-Occidentales par l'absence d'une direction puissante.

Mais en 1669, une compagnie nouvelle se forma sous le nom de la compagnie du Nord. « Louis XIV, dit Voltaire, y avait mis des fonds comme dans celle des Indes, et il parut bien alors que le commerce ne déroge pas, puisque les plus grandes maisons s'intéressaient à ces établissements, à l'exemple du monarque. »>

En 1673, on voit s'établir encore la compagnie du Sénégal; en 1683, celle de l'Arcadie; en 1685,

(1) Voltaire, loco citato.

la compagnie de Guinée fait aussi un commerce, mais odieux, qu'un auteur du temps cependant appréciait moins sévèrement (1).

Enfin, dans les années 1698, 1706, 1710, trois associations nouvelles s'établissent.

En 1698, la compagnie de Saint-Domingue; en 1706, celle du Canada; et en 1710, la compagnie de la baie d'Hudson.

Ces compagnies ne réussirent pas, et la compagnie de l'Inde, fondée en 1717 par le célèbre Law, ne put relever ces entreprises du discrédit dans lequel elles tombèrent.

(1) « Ce commerce (la traite des noirs) paraît inhumain à ceux qui ne savent pas que ces pauvres gens sont idolâtres ou mahométans, et que les marchands chrétiens, en les achetant de leurs ennemis, les tirent d'un cruel esclavage, et leur font trouver, dans les îles où ils sont portés, non-seulement une servitude plus douce, mais même la connaissance du vrai Dieu et la voie du salut, par les bonnes instructions que leur donnent des prêtres et religieux qui prennent soin de les faire chrétiens; et il y a lieu de croire que, sans ces considérations, on ne permettrait pas ce commerce. »>

Et après avoir parlé du désespoir de ces infortunés, à la vue du rivage qu'ils quittent pour jamais. de leurs efforts pour briser leurs fers, ou pour mettre un terme à leur misérable vie, l'auteur ajoute:

« ..... Quand ils ont perdu leur pays de vue, ils commencent à se consoler, et particulièrement quand on les régale de l'harmonie de quelque instrument; c'est pourquoi il serait bon, pour la conservation des nègres, d'embarquer quelque personne qui sût jouer de la musette, de la vielle, du violon, ou quelque autre instrument, pour les faire danser et tenir gais le long du chemin; car c'est un bon moyen pour les transporter en santé, et quand on les expose en vente, on les vend toujours davantage, quand ceux qui les achètent les voient gais et gaillards. (Savary, p. 229.) »

Notre puissance coloniale devait aussi bientôt décliner.

Sous Louis XV, quelques-unes de nos Antilles et les vastes régions de l'Arcadie et du Canada furent perdues par suite des revers de nos escadres.

La splendide colonie de Saint-Domingue fut détruite par l'insurrection des esclaves, et en 1804, la Louisiane fut cédée aux Etats-Unis, afin qu'elle ne tombât pas au pouvoir de nos ennemis.

Mais ces désastres ne pouvaient pas anéantir la navigation qui, se relevant bientôt, fut toujours croissante depuis comme sous l'empire, la restauration et de nos jours, sous la protection du Code de 1807 (1) et des règlements ou ordonnances qui ont suivi (2). Ce progrès doit encore grandir, car, en apprenant les faits actuels, qui n'a aujourd'hui

(1) Ce Code a été précédé par:

1o Le Consulat de la mer (Il Consolato del mare), compilation remarquable des us et coutumes des villes commerçant au Levant; 20 Les Jugements ou rôles d'Oléron, qui servaient de règle aux villes libres océaniques;

3o Le recueil appelé Règlements de Wisby (quelques auteurs écrivent Wisbuy), retraçant les usages maritimes de la mer Baltique; 40 Le Guidon de la mer;

50 La Table de Malfi qui, suivant Frescia, fut en vigueur jusqu'au commencement du dix-septième siècle.

(2) Il serait injuste, en mentionnant les progrès de la navigation, de ne pas citer les noms de Bougainville, Lapérouse, Bruni d'Entrecasteaux, Baudin, Freycinet, Duperrey; le capitaine de frégate Dumont d'Urville, et, plus près de nous, l'intrépide Bellot; les courses scientifiques du prince Napoléon dans les mers du Nord.

entre autres créations, mesuré dans l'avenir, la conséquence du percement de l'isthme de Suez (1), comme impulsion donnée à la navigation générale!

(1) On sait quelles discussions M. de Lesseps a eues à subir sur le projet du canal de Suez. Voici, à cet égard, la réponse remarquable qu'il faisait à lord Palmerston le 14 juillet 1857, en l'adressant aux Chambres de commerce d'Angleterre favorables à son projet. Nous reproduirons ce document parce que nous croyons devoir, dans l'intérêt de la science, nous associer à l'hommage rendu aux laborieuses recherches de M. de Lesseps :

« Messieurs,

« Je ne dois pas laisser sans réponse auprès de vous les assertions que le premier lord de la Trésorerie a cru pouvoir se permettre sur l'affaire du canal de Suez, dans la séance de la Chambre des communes du mardi 7 juillet 1857.

« Lord Palmerston, en répondant à l'honorable M. Henry Berkeley, membre du parlement pour la ville de Bristol, a combattu l'ouverture de l'isthme de Suez par des raisons commerciales, techniques et politiques, et par des personnalités que je m'abstiens de qualifier.

« Sur le premier point, en ce qui regarde les avantages commerciaux pour la Grande-Bretagne, je réponds par votre autorité et votre compétence après un examen et une discussion approfondis.

« Je réponds par votre unanimité, par celle des dix-huit cités commerciales et industrielles que j'ai consultées dans le RoyaumeUni. Vous avez tous déclaré qu'une communication directe maritime entre la Méditerranée et la mer Rouge, abrégeant de moitié la route de l'Inde, serait avantageuse au commerce anglais.

« Sur le second point, j'oppose à lord Palmerston le rapport de la Commission internationale, composée d'ingénieurs et de marins éminents anglais, français, espagnols, autrichiens, allemands, hollandais, italiens, qui, après deux ans des plus minutieuses études et une exploration attentive des lieux, ont décidé, au nom de la science, que le canal était d'une exécution non-seulement praticable, mais encore facile. J'oppose au premier lord de la Trésorerie

En France, n'avons-nous pas eu à applaudir tout récemment à la création du service transatlantique

la sanction donnée à l'opinion des ingénieurs et à leurs plans par l'Académie des sciences de l'Institut impérial de France.

« Vous jugerez, Messieurs, entre l'autorité de ce verdict émané de la science européenne, et l'autorité dont semble s'armer vaguement lord Palmerston sans la faire connaître.

« Sans m'arrêter à la contradiction dans laquelle on est tombé en traitant de chimérique un projet dont l'inévitable réalisation inspire en même temps des craintes et des défiances si singulières, je passe au troisième point.

« Les arguments politiques de lord Palmerston semblent fondés sur de prétendus dangers que le canal de Suez ferait courir à l'Inde, ainsi qu'à l'intégrité de l'empire ottoman. La presse anglaise a déjà répondu elle-même que les maîtres de l'Inde n'ont rien à redouter des puissances méditerranéennes, lorsqu'ils possèdent Gibraltar, Malte et Aden, et qu'ils viennent de s'emparer de Périm. La Turquie est certainement aussi intéressée que lord Palmerston à maintenir l'Égypte dans la situation réglée par les traités. Or, le Divan considère si peu le canal de Suez comme une cause de séparation, que l'ambassadeur anglais est obligé de peser de tout son poids pour faire suspendre la ratification du projet. Il est évident pour la Porte, comme pour tout esprit réfléchi, que l'ouverture de l'isthme, en garantissant l'Égypte contre toute ambition étrangère, ajoutera une force nouvelle à l'intégrité de l'empire, et aura pour la Turquie des conséquences religieuses et économiques du plus grand intérêt.

« Si l'on persiste dans un système d'opposition insoutenable, on pourra créer à l'entreprise des difficultés qui la grandiront encore au lieu de l'affaiblir; mais l'exécution en sera poursuivie résolûment, et le concours universel en rendra le succès infaillible. En attendant, il appartient aux classes commerciales de l'Angleterre de décider si, contrairement à leurs manifestations, les obstacles doivent venir de leur propre gouvernement. Elles auront à juger s'il est permis de pratiquer en leur nom une politique aussi contraire aux principes de libres communications et de libre échange

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