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plus diverses, les plus caractérisées, et nécessiter une expertise, toutes les fois enfin qu'il se présente quelque chose d'insolite, d'imprévu. M. Tardieu a été requis dans les cas suivants: 1° pour une fenime morte d'une méningite hydrocéphalique, à la suite d'un drastique violent; 2o dans un cas de méningite suraiguë purulente, chez un enfant mort à la suite de douleurs fixes, persistantes de l'oreille, qui s'étaient aggravées sous l'influence de 2 pilules de 5 centigrammes d'extrait d'opium, prescrites par un médecin, contre lequel les parents voulaient exercer des poursuites; 3° celui d'un enfant, soupçonné être empoisonné par l'opium, qui avait succombé à une pneumonie (Ann. d'hyg. et de méd. lég., 1854). Dans ces expertises, la cause de la mort était évidente, et on n'avait nullement à s'occuper de l'influence des médicaments sur sa production. Dans les cas où les lésions seraient moins caractéristiques, il pourrait se faire qu'on ait à se prononcer sur l'opportunité de tel ou tel médicament, s'il n'a pas concouru à produire la mort, etc.

MALADIES CHRONIQUES. - Nous avons indiqué, au chapitre I, sous les paragraphes B et C, les effets consécutifs aux empoisonnements aigus, ainsi que les accidents produits par les poisons donnés par doses successives. Ces accidents pouvant être pris pour d'autres états morbides chroniques, toutes les fois qu'il ne sera pas possible de les rattacher à une maladie déterminée, il faudra s'assurer s'ils ne dépendent pas des aliments, des boissons, des condiments renfermant quelque substance toxique, des vases où ils ont été préparés ou conservés, de la profession, de l’habitation, etc.; s'ils n'offrent pas les caractères spéciaux à certains poisons, au mercure, au plomb, au cuivre, etc. Dernièrement, à Paris, plusieurs personnes ont éprouvé des symptômes d'intoxication qui n'ont été reconnus qu'après la mort de quelques-unes d'elles. Ils étaient dus à du

cidre plombique: c'est ce qui est arrivé aussi, dans le département de la Nièvre, chez un grand nombre de personnes qui avaient mangé du pain préparé avec de la farine mêlée accidentellement à de l'acétate de plomb.

M. Duchenne, chez un habitant de Lille, diagnostiqua une paralysie saturnine dont la nature était restée inconnue, par son siége dans les muscles extenseurs des doigts, du pouce, des radiaux, du cubital postérieur qui, en outre, avaient perdu leur contractilité électrique. Dans la paralysie par dégénérescence graisseuse, les muscles ne sont plus contractiles, mais elle n'a pas de siége électif. Il en est de même des paralysies spinales, des apoplectiques, des aliénés; d'ailleurs, les muscles conservent leur contractilité. Cet homme prenait pour boisson de la bière, distribuée à l'aide de tuyaux en plomb. Chez plusieurs autres habitants de Lille, aussi atteints de paralysie, il fut démontré qu'elle dépendait de la même cause. Les coliques, les paralysies, etc., contractées dans les pays chauds ou par l'usage des fruits acides, offrent la plus grande analogie avec les mêmes accidents produits par le plomb (voyez ce poison).

IV.-Erreur quant aux lésions.

Dans l'article précédent nous avons donné les caractères distinctifs des lésions succédant aux états morbides qui peuvent simuler l'empoisonnement; celui-ci sera consacré aux altérations cadavériques qui peuvent entraîner de semblables erreurs. Malheureusement, la science est fort peu avancée à cet égard, surtout lorsque le cadavre est en putréfaction. Cependant, en ayant égard aux circonstances antérieures, aux caractères physiques des lésions, à leur siége, aux modifications de structure, comparativement à celle des tissus continus ou contigus, on peut arriver, si ce n'est à une certitude complète, du moins à des données plus ou moins probantes.

Après la cessation de la vie, les liquides, le sang, tendent

MADRIO

à s'infiltrer dans les tissus, à se porter vers les parties les plus déclives, à y produire des hypostases, des colorations sanguines, des lividités cadavériques, etc.

LIVIDITÉS CADAVÉRIQUES.—Quand elles siégent sur les tissus membraneux, elles sont sous forme de taches violacées, lie de vin, brunes ou noires, de forme et d'étendue variables. Celles de la peau occupent le tissu muqueux. Si on les divise, la couleur noire du réseau capillaire contraste avec la décoloration de l'épiderme et du derme. A la pression, le sang s'en écoule par gouttelettes, Elles prennent le nom de vergetures lorsqu'elles sont sillonnées de lignes blanches, dues à ce que, comprimées par les aspérités du sol, des vêtements, le sang n'a pu s'y épancher. Les lividités du tube intestinal siégent aussi sur les parties les plus déclives, en occupent toute l'épaisseur; leur couleur contraste avec celle des autres parties, qui, quelquefois, sont exsangues. Leur circonférence est parfaitement limitée; elles n'offrent ni l'aspect arborisé, capilliforme, pointillé, piqueté, strié, ni les modifications de texture, lá congestion des vaisseaux que présentent les lésions analogues résultant de l'action d'un poison.

Le cœur, les gros vaisseaux, le canal de l'urétre et autre conduits muqueux, les portions du tube intestinal en contact avec le foie, la rate ramollis, peuvent présenter des hypostases sanguines, des colorations dues aussi à des phénomènes d'imbibition, car elles se produisent artificiellement par leur contact avec le sang. Elles se distinguent aux mêmes caractères des congestions actives. La vésicule biliaire, la bile peuvent aussi, par leur contact, colorer en jaune le tube intestinal, en imposer pour des colorations dues à l'iode, à l'acide azotique (voyez Taches).

Les organes parenchymateux (poumons, foie, rate, reins, etc.) offrent souvent, dans leurs parties déclives, de ces hyposthases sanguines; comme le sang n'y est qu'épan

ché, la texture de l'organe n'est pas altérée, et on peut l'en séparer par des lavages: en ce cas, il serait peut-être possible de les confondre avec celles qui résultent de la liquéfaction du sang dans la dernière période de l'empoisonnement, si celles-ci n'offraient un caractère plus général par leur siége, leur étendue, etc. L'état congestionnel produit par les gaz asphyxiants, les narcotiques, est aussi moins limité; il y a plénitude des vaisseaux, et lorsqu'il y a travail phlegmasique, le sang est en quelque sorte combiné avec les tissus, qui sont comme hépatisés, et on ne peut l'en séparer par les lavages.

Le tube intestinal peut être le siége de RAMOLLISSEMENTS pultace et gélatiniforme, sur la nature desquels on n'est pas tout à fait d'accord. Le premier est ordinairement spontané, sans symptômes appréciables pendant la vie, s'observe surtout chez l'adulte, est plus fréquent en été qu'en hiver, siége sur la muqueuse de la partie splénique de l'estomac, laquelle est réduite en une pulpe brunâtre, sans épaississement des parois (M. Cruveilhier). Le ramollissement gélatineux peut dépendre d'un travail morbide, se manifestant pendant la vie par des vomissements bilieux, muqueux, avec constipation, soif, assoupissement, amaigrissement rapide, s'il siége à l'estomac; avec diarrhée et sans vomissement, si c'est à l'intestin; alors il occupe les diverses portions du tube intestinal, offre des traces d'arborisations, de phlegmasie, consiste dans l'infiltration d'une matière molle entre les fibres des tissus, qu'il transforme en une gélatine transparente. Lorsqu'il est spontané, il siége dans les parties les plus déclives, qui sont plus épaisses, réduites en une espèce de matière gélątiniforme, sans traces de travail phlegmasique. Il peut envahir la totalité de l'estomac, de l'intestin, sans manifestation pendant la vie. Ces deux genres de lésions sont excessivement rares dans l'empoisonnement. Nous les avons notées seulement avec l'acide oxalique sur les ani

maux, et encore lorsque l'autopsie était différée. Dans une expertise légale, à Riom, les experts ont trouvé une portion de l'estomac gélatinisée, et n'ont pas voulu prononcer si la lésion était due à l'arsenic ou cadavérique. Lorsque le ramollissement est le résultat de la putréfaction il est rare que les diverses parties de l'organe ne soient pas aussi envahies.

Des perforations, des ulcérations dépendant soit d'un travail phlegmasique, par conséquent à manifestation symptomatique, soit spontanées ou sans symptôme évident, soit succédant aux ramollissements précédents, peuvent siéger sur les diverses parties du tube intestinal. Le caractère de ces lésions, le travail phlegmasique, la congestion des vaisseaux, les colorations spéciales, etc., qui accompagnent les perforations, les ulcérations déterminées par les poisons, en outre de leur forme spéciale, serviront à établir le diagnostic.

Enfin des gaz résultant de l'altération spontanée des aliments, des liquides, des tissus, peuvent se développer soit dans le tube intestinal, en chasser les matières dans le pharynx et faire supposer la mort par asphyxie; soit dans les organes, et les rendre emphysémateux; soit dans les gros vaisseaux, rendre le sang mousseux et donner à supposer un empoisonnement par les anesthésiques; ou bien en expulsant ce liquide du cœur, des gros vaisseaux, produire dans les tissus, les organes des hyposthases, des colorations, des arborisations qu'on pourrait attribuer à l'action d'un poison.

Il suffit d'avoir signalé ces diverses altérations cadavériques, leurs caractères spéciaux, afin d'éviter ces causes d'erreur; dans les cas douteux, l'analyse doit toujours intervenir.

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