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MM. Millon, Laveran, Orfila neveu, Duméril, Demarquay et Lecointe, etc., le renfermer dans une anse intestinale. le donner en boulettes afin que les animaux avalent sans mâcher, ou en dissolution dans les boissons. Par ce mode d'expérimentation on peut s'assurer si une substance est toxique, mais non à quelle dose d'une manière absolue, parce qu'elle peut être rejetée en totalité ou en partie, à moins que, dans ce dernier cas, on ne constate la quantité qui a été expulsée. Afin d'obvier à cet inconvénient on propose de lier le museau de l'animal, mais on n'y remédie qu'incomplétement, et les matières peuvent alors passer dans le larynx, ce qui complique singulièrement l'expérience. Orfila était très-partisan de la ligature de l'œsophage après l'introduction du poison par la gueule ou par une ouverture pratiquée à ce conduit, se fondant sur ce que cette ligature ne donne lieu à aucun accident grave, que les animaux ne succombent que vers le 7° jour; par conséquent, si la mort à lieu en 24, 48 heures ou les premiers jours, elle doit être attribuée au poison. Sans être partisan de ce mode d'expérimentation, nous pensons que si Orfila en a abusé en quelque sorte, d'autres l'ont trop décrié. On peut ainsi, en graduant la dose, déterminer celle qui est toxique.

III.-Voie intestinale. Les chiens pouvant vivre en bonne santé avec une ouverture stomacale, le poison pourrait être introduit par cette voie, soit dans l'estomac, ou mieux encore, à l'aide d'une sonde, comme le conseille M. Segond, dans les petits intestins, cet organe étant la partie absorbante du tube intestinal dans les diverses espèces animales, chez les carnassiers comme chez les ruminants (page 19); en ce cas on aurait moins à craindre l'expulsion par les vomissements, et l'on pourrait mieux apprécier la dose toxique.

IV. Voie rectale. Préalablement vidé de matières féca

les, le rectum absorbe bien plus rapidement que l'estomac (page 16); aussi ce mode d'expérimentation n'est point à dédaigner, d'autant plus que par le tamponnement ou autres moyens, l'on pourrait s'opposer à l'expulsion du poison. Les autres muqueuses servent rarement à l'expérimentation, si ce n'est l'oculaire, la buccale pour les poisons trèsactifs. Dans un cas d'empoisonnement arsénical par le va gin, les experts ont expérimenté sur une jument par la

même voie.

V.-Tissu cellulaire. Voie d'expérimentation assez souvent employée, surtout pour les poisons très-actifs. Étant moins modifiés que par la voie gastrique, non expulsés, on peut, en quelque sorte, mieux apprécier la dose absolue, soit en la graduant, soit en défalquant la portion de poison non absorbée. L'absorption n'est pas également active dans toutes les parties du tissu cellulaire (Orfila). C'est ordinairement sur celui de la partie interne des cuisses, du cou, du ventre, du dos qu'on dépose le poison.

VI.-Injection des poisons dans les veines. Ce mode d'expérimentation est employé pour s'assurer si une substance est toxique, et à quelle dose, car tous les poisons sont délétères par cette voie; mais il représente moins bien les faits d'intoxication chez l'homme. Il faut tenir compte de leur solubilité dans le sang, de leur action chimique; les sels d'étain, de bismuth, de plomb, qui sont toxiques, injectés à la dose de quelques centigrammes, ne le sont pas par la voie gastrique, à dose bien plus forte. Nysten a observé que plusieurs gaz, considérés comme poisons par les voies de la respiration, ne l'étaient pas par les veines; fait quelques auteurs ont expliqué par leur peu de solubilité, leur prompte élimination par l'expiration. M. Bernard nous disait dernièrement que, probablement, les poisons qui étaient éliminés ainsi sans pénétrer dans le sang artériel, ne produisaient pas d'effet toxique. Les substances

que

insolubles, non miscibles au sang, les huiles fixes, etc., quoique non toxiques, peuvent déterminer la mort, en interceptant la circulation.

VII.-L'injection des poisons dans les artères est peu usitée, si ce n'est pour connaître leur rapidité d'action, et surtout sur quel organe ils agissent primitivement ou spécialement; on les injecte alors dans l'artère qui se rend le plus directement à l'organe.

VIII.-Le cerveau, les nerfs, la peau non dénudée, les mys‐ cles ne servent comme voie d'expérimentation que pour résoudre quelques questions physiologiques ou toxicologi. ques relatives à la sensibilité, à la contractilité, etc. Plusieurs poisons ne sont même pas absorbés, ou que trèslentement, par les trois premières voies.

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En outre des expériences sur les animaux pour la solution des questions de toxicologie générale, nous en citons quelques-unes qui ont servi à élucider des questions de toxicologie spéciale dans l'empoisonnement par l'acide tartrique, par la nicotine, et autres poisons (voyez Rapports), De l'extrait de belladone avait été donné pour de l'extrait de genièvre MM. Bussy et Chevallier, n'en ayant pas assez pour l'analyser, conclurent comparativement et expéri mentalement sur les chiens, que c'était l'extrait de belladonne, par la dilatation des pupilles, la démarche vacillante, la perte momentanée de la vue, etc,

LES OBSERVATIONS SUR LES ANIMAUX, spécialement sur les chiens, les chats, ne sont pas à dédaigner comme moyen diagnostique de l'empoisonnement; bien souvent même elles ont mis sur la trace du crime. Une famille mange une omelette aux champignons, en donne le restant à un de ces animaux, qui meurt dans les convulsions, avant que les accidents toxiques se soient déclarés chez les personnes. Le traitement aurait donc pu être institué à temps d'après cet indice. Un homme trouvant

très-amère la soupe préparée par sa femme, la donne à un chien qui, après l'avoir min gée, succombe promptement dans un accès tétanique. La nature des accidents provoqua une expertise, qui démontra la présence de la noix vomique dans l'estomac du chien, par conséquent tentative d'empoisonnement criminel. Dans un soupçon d'empoisonnement par le laudanum (assises du Rhône), les experts, M. Rousset, etc., n'ayant pas trouvé ce poison, poussèrent plus loin leurs recherches, par cela seul que les mouches qui se déposaient sur les matières suspectes mouraient promptement. Ils trouvèrent de l'arsenic. Des volailles succombent presque immédiatement après avoir mangé d'une soupe mêlée à de la pàte phosphorée, et destinée à intoxiquer le sieur B. Ces faits, assez nombreux dans la science, choisis à dessein parmi des animaux de classes très-diverses, n'ont pas besoin d'interprétation.

Les observations avec les matières des vomissements, des selles, des personnes soupçonnées d'être empoisonnées, données aux animaux, ou mangées par eux, sont moins concluantes, parce que, d'une part, elles peuvent subir dans le tube intestinal des altérations qui les rendent toxiques; qu'ensuite en se combinant avec ces matières, les poisons peuvent donner lieu à des composés inertes. Ces circonstances, invoquées par les auteurs, nous paraissent exagérées, et doivent se présenter rarement s'il faut en juger d'après les faits d'empoisonnement par le cuivre, les champignons, l'arsenic, etc.; ensuite les cas dans lesquels le suc gastrique acquiert des propriétés oxiques sont excessivement rares, et il est bien peu de tcomposés organiques et d'un poison qui ne soient attaqués dans l'estomac; ajoutons que les effets peuvent offrir quelque chose de spécial au poison.

VIII.-Quest. Valeur des symptômes, des lésions, des
recherches chimiques.

Les symptômes, les lésions, la présence du poison dans les organes, tels sont les trois ordres de faits sur lesquels le toxicologiste doit établir ses convictions pour résoudre une question d'empoisonnement criminel; nous les considérerons d'une manière absolue et relative.

Les symptômes, considérés dans leur invasion, leur succession, leur caractère, la période de la maladie, peuvent donner, sinon des preuves certaines d'empoisonnement, du moins de grandes probabilités, si ce n'est spécifiquement, au moins génériquement. D'après les détails dans lesquels nous sommes entrés aux chapitres de la pathologie et du diagnostic, il nous semble qu'avec un peu de sagacité on pourrait délimiter chaque groupe spécial, distinguer les phénomènes d'intoxication de tout autre état morbide, par conséquent accorder plus de valeur toxicologique aux symptômes, aux effets, même dans un cas criminel, qu'on ne l'a fait jusqu'ici. Dans l'affaire Praslin, (page 257), M. Andral, appelé le troisième jour, par les accidents antérieurs, le froid actuel de la peau, la faiblesse des battements du cœur et du pouls, quoique les autres symptômes fussent peu graves, soupçonna un empoisonnement et recommanda de recueillir les urines, les matières des évacuations. M. Devergie, dans un empoisonnement mutilple (page 258 s'exprime ainsi): ce sont bien là les symptômes caractéristiques d'un empoisonnementarsénical. Trois femmes sont prises de délire, d'hallucinations avec dilatation pupillaire, sécheresse à la bouche, difficulté d'avaler, de parler. Un officier de santé méconnaît la maladie. Le médecin ordinaire diagnostiqua un empoisonnement par une plante vireuse; c'était avec de la pommade de belladone, mélée, par inadvertance, aux aliments Qui méconnaîtrait l'intoxication par les strychnées, les poisons caustiques,

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