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Cette méthode nous paraît fort bonne; elle met le lecteur à même d'embrasser tout d'un coup-d'œil, et lui évite ces interruptions désagréables dont les érudits se font trop peu de scrupule, lorsqu'ils confondent l'accessoire avec le principal.

Ces appendices consistent donc en diverses dissertations sur la patrie de Colonib, qui eut, à cet égard, le sort d'Homère, sur l'époque de sa naissance, l'état exercé par ses parens, ses études à Paris ét ailleurs, et ses ouvrages, car il écrivit sur l'art nautique ; elles nous instruisent sur ses premiers voyages dans la Méditerranée, puis dans la mer du Nord; sur ses relations avec le voyageur de ce temps, Marc-Paul, sur les faits qu'on débitait à l'époque de Colomb, relativement à des découvertes dans les mers d'Occident et sur leur invraisemblance. On y trouve des détails concernant deux Gênois qui périrent en voulant tenter une découverte dans les mers d'Occident, et la personne, ainsi que les écrits de Paul Toscanelli, physicien florentin, confondu par Mariana avec le Vénitien MarcPaul. La déclinaison de l'aiguille aimantée et l'usage de l'astrolabe sur mer, la forme des navires portugais de cette époque, les offres que fit Colomb de son plan à différentes puissances de l'Europe, l'honneur attribué faussement à Améric-Vespuce, sont des questions qui s'y trouvent discutées et éclaircies; mais la correspondance de Colomb est, sans contredit, la portion la plus intéressante du recueil. Elle consiste 'en deux lettres écrites, l'une en latin au trésorier du roi d'Espagne, l'autre traduite en italien, adressée à Ferdinand et Isabelle. La première est extraite d'une édition très-rare, appartenant à la bibliothèque de

Breza; l'autre, imprimée d'abord à Venise, en 1505, était à peu près oubliée, lorsqu'elle a été récemment donnée au public par Morelli; elle est datée de la Jamaïque, que Colomb écrit Janaica.

dit

Cette pièce répand un grand jour sur les persécutions dont il fut la victime, sur ses dernières entreprises, et sur sa position au déclin de sa vie. Il y exhale naïvement ses plaintes sur les traitemens qu'il éprouve; et, en outre, il y donne des détails fort curieux sur son voyage. On ne peut la lire sans être ému; le style en est vraiment remarquable; car il est simple et vrai; on y trouve l'éloquence du cœur, l'éloquence de la vérité et du malheur. « Ces contrées, Colomb, ne sont pas semblables à un enfant que l'on doive abandonner à une marâtre. Je ne me souviens jamais de l'Espagnole, de l'île de Paria et des autres pays que j'ai antérieurement découverts, sans répandre des larmes; car je croyais que le même bonheur qui m'avait accompagné dans mes premiers voyages, ne devait pas me quitter dans ces nouvelles entreprises. Loin de là, le malheur n'a cessé de m'assaillir. Que celui qui m'a porté ces cruelles blessures, vienne maintenant en fermer la cicatrice. Pour détruire, chacun est habile; mais pour construire, qu'ils sont en petit nombre ceux qui en sont capables! Les grâces, les honneurs doivent toujours être accordés à celui qui s'est exposé aux dangers dans une entreprise, et il est injuste que l'homme qui s'y est opposé profite du succès...... Sur quoi se fondent mes ennemis? Ils osent me reprocher que je suis étranger. J'ai resté sept ans à votre cour, pendant lesquels tous ceux à qui on parlait de cette

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entreprise s'en moquaient, et la regardaient comme une chimère...... Il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui appartient à César, axiome juste du plus juste des princes. Les provinces qui reconnaissent votre souveraineté depuis, qu'à l'aide de Dieu, je les ai soumises par les armes, sont plus étendues et plus riches que toutes celles des chrétiens réunies. Je dis qu'elles reconnaissent votre gouvernement puisque vous en retirez des revenus considérables...... Au moment même où j'attendais un navire pour me rendre auprès de Vos Majestés, afin de leur annoncer des victoires et des conquêtes qui leur assuraient des richesses immenses; dans ce moment même, dis-je, où je me croyais le plus heureux des hommes, je me vis entraîné, avec mes frères, chargé de chaînes, sans avoir été ni condamné ni même appelé en justice. Qui croira jamais qu'un malheureux étranger, sans motif et sans le secours d'aucun prince, aurait songé à se révolter contre le gouvernement qu'il servait?.... J'entrai à votre service à vingt-huit ans; maintenant que mes cheveux ont blanchi et que je suis faible et malade, ce que possédaient mes frères, ce que j'avais, tout nous fut enlevé par nos ennemis; ils me prirent jusqu'à mon manteau, sans vouloir ni me voir ni m'entendre.... C'est ainsi que j'ai traîné ma malheureuse existence, toujours condamné aux pleurs par la méchanceté de mes ennemis; cependant, que Vos Majestés aient pitié d'eux!, que le ciel maintenant pleure pour moi, que la terre pleure aussi; que l'être sensible, juste et charitable pleure sur mon sort. Abandonné des miens, malade, entouré de sau

vages cruels, ayant toujours la mort devant mes yeux, je languis dans ces îles éloignées de ma patrie, sans recevoir les consolations et les sacremens de la sainte Église. Je n'ai point entrepris ce voyage dans l'intention de m'enrichir, ni pour obtenir des honneurs; cet espoir était déjà éteint pour moi; je suis venu dans ces contrées pour servir Vos Majestés, et pour le triomphe de notre religion..

Le traducteur de cet ouvrage curieux et intéressant s'est fort bien acquitté de sa tâche; à la clarté et à la facilité de son style, on ne s'apercevrait pas qu'il est Italien. Il avait entrepris qui-même une vie de Colomb; mais en voyant le travail de Bossi, il y a renoncé. Le même Bossi a composé une histoire générale de l'Italie sur un plan très-vaste et toute puisée aux sources. La traduction de cet ouvrage serait peut-être un service utile dans ce moment où les études historiques prennent un si grand essor. Nous engageons le traducteur de la vie de Colomb à y songer.

F. B.

L'ART DE PROMENER SES CRÉANCIERS, COMPLÉMENT DE L'ART DE FAIRE DES DETTES (1).

C'EST une grande affaire que d'avoir à rendre compte d'un petit livre. Ces sortes d'ouvrages, ordinairement serrés et pleins de suc, se refusent à l'analyse. Comment abréger un abrégé? M. Félix Bodin et ses collaborateurs sont le désespoir des juges -instructeurs du Parnasse. L'auteur de l'Art d'obtenir des places, de l'Art de faire des dettes, et de l'Art de promener ses créanciers, n'est pas moins rebelle aux décompositions des rapporteurs littéraires; pour bien faire connaître sa nouvelle brochure, il faudrait dire tout ce qu'il dit dans un livre où la conséquence se soude en quelque sorte au principe, détacher un seul anneau de la │ chaîne, c'est la rompre. Le lecteur n'aperçoit plus la base où elle s'attache, le point où elle aboutit; au lieu du faisceau que cette chaîne tenait enlacé, il ne voit plus que des baguettes éparses : ce qui était fort devient faible; l'ensemble pouvait défier tous les assauts de la critique, les partiés isolées cèdent et plient sous le poids du plus léger examen.

Si, me bornant à la partie matérielle, je dis : l'Art de promener ses créanciers est couvert d'un papier rose, élégamment encadré dans une agréable bordure; on y trouve, comme dans les plus gros livres, un avant-propos, une introduction et une table des ma

(1) in-80 de 129 pages. Prix : 2 fr 50 c. et 3 fr. par la poste. Chez Pélissier, place du Palais-Royal.

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