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la volupté, mère de celui des deux amours que les Grecs appelaient le désir, mais non pas reine de la beauté dans l'Olympe et sur la terre.

L'auteur de tant de séduisantes compositions, telle que Psyché enlevée par le zéphyr, a donné sans doute une grande preuve de flexibilité en exposant au salon de cette année une descente de croix. Malheureusement le défaut de l'artiste a été de rapetisser beaucoup trop les proportions de sa figure. Les gens accoutumés à élever les yeux pour regarder une croix suspendue en l'air, ne s'accoutument pas à la voir à leur portée, et touchant presque au cadre du tableau par le bas et par le haut. Le Christ, réduit par le peintre à une hauteur ordinaire, manque de majesté.

Il devrait être plus grand que nature, comme l'ont toujours fait Raphaël et Rubens; vivant, il était, dit Massillon, le plus beau des enfans des hommes; à peine étendu sur la croix, il prend un autre caractère; à peine mort, il redevient Dieu. Voilà ce que donne le sujet tel que doivent le voir l'imagination et la mémoire, échauffées par la tradition des prodiges qui accompagnèrent ce trépas sublime, qui est un retour à l'immortalité. Prudhon était fait pour s'élever à la hauteur de ces idées; mais peut-être il lui manquait quelque chose pour en produire les images fidèles. Du moins il a bien senti et bien rendu les souffrances endurées par la victime du genre humaiu; mais, quoi qu'on m'ait pu dire, je ne saurais accorder les mêmes éloges aux saintes femmes prosternées au pied de la croix; ce ne sont pas là des cœurs traversés, déchirés par la douleur, comme par des glaives aigus et enfoncés par la violence. La Madelaine a quelque chose

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de caressé par le pinceau,

de mesquin, de mignard,
qui me choque d'autant plus que je retrouve encore
dans le profil de cette sainte, qui avait péri par la
beauté, des traces de ce malheureux type dont j'ai
parlé plus haut.

Le corps du Christ, éclairé peut-être d'une manière fantastique et difficile à expliquer, est peint tout entier d'une manière suave et harmonieuse; et la couleur générale, triste sans être sombre, répand sur la scène un voile qui convient parfaitement au sujet. On ne fait pas de profondes méditations devant ce tableau; on souffre et l'on se sent touché d'une tendre pitié; on n'y voit point un Dieu révéré, dont on admire le sacrifice sans le concevoir; mais on pleure sur un homme injustement condamné, qui a souffert un supplice cruel. C'est déjà un triomphe de l'art que de donner cette espèce d'émotion; mais on attendait de lui davantage, et l'on se retire trompé dans une grande attente.

L'AMATEUR SANS PRÉTENTION..

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VOYAGE DANS LA RÉPUBLIQUE DE COLOMBIA EN 1823, par G. MOLLIEN; ouvrage accompagné de la carte de Colombia, et orné de vues et de divers costumes (1).

DEUXIÈME ARTICLE.

J'AI promis de parler des lois fondamentales de la république de Colombia qui ont paru à M. Mollien une mauvaise copie de la constitution fédérale des États-Unis. Avant d'examiner cette assertion, il convient de faire connaître ces lois fondamentales.

Le 30 août 1821, dit M. Mollien, la constitution de Colombia fut publiée à Cuenta; elle est composée de dix chapitres et de cent quatre-vingt-onze articles.

Le gouvernement est représentatif. Dans chaque paroisse il y a une assemblée qui se réunit tous les quatre ans le dernier dimanche du mois de juillet. L'âge de vingt-un ans, le titre de Colombien, savoir lire et écrire, posséder cent piastres, donnent le droit d'y voter.

Les membres de cette assemblée nomment les électeurs de canton qui doivent être âgés de vingt-cinq ans, posséder cinq cents piastres de biens-fonds ou trois cents piastres de revenu.

Ceux-ci se forment en assemblée provinciale qui se

(1) A Paris, chez Arthus Bertrand, libraire, rue Hautefeuille, no 23. 2 vol. in-8o. Prix: 14 fr.

réunit tous les quatre ans au premier octobre. Ils sont chargés d'élire le président et le vice-président de la république, les sénateurs du département, et le représentant ou les représentans de la province. Les électeurs exercent leurs fonctions pendant quatre

ans.

Le pouvoir législatif est confié à un congrès divisé en deux chambres, celle du sénat et celle des représentans. L'âge de trente ans, la qualité de Créole natif, une propriété de quatre mille piastres en biensfonds, ou un revenu annuel de cinq cents piastres, l'exercice d'une profession savante, ou, si l'on est étranger, une résidence de douze ans dans le pays, et seize mille piastres de biens-fonds, sont les conditions requises pour l'éligibilité des sénateurs.

Quatre sénateurs sont nommés par département; la durée de leurs fonctions est de huit ans pour deux sénateurs, et de quatre seulement pour les deux autres. Le sort règle ces différences, afin, dit la loi, que la moitié du sénat se renouvelle tous les quatre ans. Le jugement des fonctionnaires publics est attribué exclusivement au sénat.

La chambre des représentans se compose des députés nommés à raison d'un député par trente mille ames; il est des provinces où le nombre n'est pas nécessaire. Quand le nombre de cent représentans sera complet, on élira alors, si l'accroissement de la population le permet, un député par quarante mille ames, et même par cinquante mille, jusqu'à ce que la chambre ait cent cinquante députés.

Pour être député, il faut avoir vingt-cinq ans et posséder deux mille piastres de biens-fonds, ou cinq

cents piastres de rentes ou être professeur. Il faut avoir résidé dans la province deux ans avant l'élection, et huit ans si l'on n'est pas né dans la Colombia. On doit en outre avoir six mille piastres de propriétés foncières.

La chambre des représentans est revêtue du droit exclusif d'accuser devant le sénat le président et viceprésident de la république et les ministres de la haute

cour.

La publicité des discussions, l'exclusion des fonctions législatives prononcée contre les principaux fonctionnaires publics, l'inviolabilité assurée aux membres pendant la durée de leurs fonctions, enfin une indemnité pécuniaire, sont des articles communs aux deux chambres.

Les principales attributions du corps législatif sont de fixer les dépenses, de décréter les impôts, les emprunts, la valeur des monnaies, la création ou la suppression des emplois publics, la quotité des appointemens, la conscription, et l'organisation des armées, la guerre et la paix, les limites du territoire, enfin de créer les cours de justice, et d'accorder, si l'occasion l'exige, la dictature au pouvoir exécutif.

Un président et un vice-président, dont les fonctions durent quatre ans, qui ne peuvent être réélus qu'une fois, et qui sont remplacés, en cas de mort, par le président du sénat, forment le pouvoir exécutif. Le premier reçoit trente mille piastres par an, et le second seize mille.

Le président assemble le congrès, commande les armées. Il peut apposer son véto aux lois rendues; mais lorsqu'une majorité composée des deux tiers des

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