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voix les a acceptées dans le corps législatif, il est forcé de donner la sienne; il peut, de concert avec les juges, commuer les peines capitales. Il n'a pas le droit de sortir du territoire de la république.

Son conseil se compose du vice-président, du ministre de la haute cour de justice, des ministres des affaires étrangères, de l'intérieur, des finances, de la marine et de la guerre, chargés de donner au congrès, par écrit ou de vive voix, toutes les explications qu'on leur demande.

Les appointemens des secrétaires d'État sont de six mille piastres.

La troisième branche du pouvoir est la haute cour de justice. Elle prononce sur les réclamations des étrangers, juge les difficultés ou les erreurs qui surviennent dans les tribunaux inférieurs. Les membres sont nommés par le sénat sur la présentation du président, après que les noms des candidats ont été débattus par la chambre des représentans; ils peuvent être destitués pour mauvaise conduite.

D'autres cours particulières seront établies dans toute la république pour rendre plus facile l'administration de la justice. Les membres seront à la nomination du président.

Le territoire de la république a été divisé en sept départemens, renfermant chacun un certain nombre de provinces divisées en cantons. D'après le tableau qui en a été dressé et qui se trouve dans l'ouvrage de M. Mollien, la population de Colombia serait de 2 millions 644,600 ames. Chaque département est administré par un intendant que nomme le président. Les appointemens de ces administrateurs sont de six mille

piastres par an. Leurs fonctions cessent au bout de trois ans ; un homme de loi leur est donné pour

assesseur.

Chaque province a un gouverneur qui est sous les ordres de l'intendant, et dont les pouvoirs cessent en même temps que les siens. Les cantons obéissent à des juges politiques, ou sous-préfets; c'étaient autrefois des corregidors. Les cantons sont subdivisés en cabildos ou municipalités, dont les représentans sont les alcades.

Il y a des alcades ordinaires dans chaque chef-lieu de canton, et deux autres dans chaque paroisse. Leurs devoirs consistent à maintenir le bon ordre et la tranquillité. Ainsi que nos maires, ils sont chargés de surveiller les écoles primaires et les hôpitaux, les réparations des chemins et des prisons, la propreté des villes; de distribuer des encouragemens à l'agriculture, à l'industrie et au commerce.

Telles sont en substance les principales dispositions de la loi constitutionnelle de la Colombie.

J'aurais désiré que M. Mollien eût appuyé son improbation de cette loi fondamentale sur des raisonnemens et des faits positifs; qu'il eût indiqué une meilleure distribution des pouvoirs, des institutions d'une nature mieux appropriée aux mœurs, aux habitudes, aux préjugés des habitans de la Colombie, et à leur situation politique. Je ne pense pas que le séjour de M. Mollien dans ce pays ait été assez long pour lui avoir laissé le temps nécessaire d'acquérir des notions justes sur des points aussi importans et qui exigent de profondes méditations. C'est un défaut assez général parmi les voyageurs français de juger les

autres peuples d'après un ordre d'idées exclusif, et des opinions trop souvent adoptées sans examen.

Il y a deux époques distinctes chez les nations longtemps soumises au pouvoir absolu et qui cherchent à s'affranchir d'une domination qu'ils ne peuvent plus supporter. La première époque est celle où les peuples en révolution établissent leur indépendance; la seconde est celle où ils organisent définitivement la société et fondent les institutions qui doivent garantir les droits publics et privés. Le publiciste qui ne fait point cette distinction s'expose à de graves erreurs ; il est privé des lumières nécessaires pour éclairer les objets, il rentre dans la foule des écrivains superficiels et sans autorité.

L'une des dispositions de l'acte constitutionnel de la Colombie qui a pu étonner M. Mollien, c'est le droit accordé au corps législatif d'investir le président de la dictature. Rien cependant de plus naturel dans la position actuelle de la Colombie, dont l'indépendance n'est point reconnue et qui chaque jour est menacée d'une lutte nouvelle contre la métropole. Sans doute l'intrigue européenne s'agite dans ce pays; on cherche à former des divisions entre les chefs, à fomenter l'esprit de faction, à exciter entre les diverses provinces de dangereuses rivalités, à entretenir la jalousie des diverses classes de citoyens. Dans ce premier période d'affranchissement, l'occasion ne peut-elle pas se présenter où il deviendrait nécessaire de donner au pouvoir une action vigoureuse, de le rendre assez fort pour imposer silence aux factions, désarmer les ambi tions, foudroyer les passions ennemies et réduire à l'impuissance les agens corrupteurs de l'étranger?

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Cette faculté d'accorder une dictature temporaire est née de la nécessité et disparaîtra avec elle. Ce n'est point une disposition fondamentale, dont l'abrogation peut toucher aux intérêts et aux droits généraux. C'est une arme nécessaire au jour du combat et qu'on dé- ́ pose quand la paix est assurée. La dictature a des dangers chez les vieux peuples amollis par l'excès de la civilisation et dont le repos est le premier besoin; l'épée de la dictature peut devenir pour eux la verge du despotisme; mais chez des nations naissantes, qui occupent un vaste territoire, dont les parties sont séparées les unes des autres par de grandes distances, où la vie politique n'est point concentrée dans une capitale et se trouve partout, l'oppression est impossible, ou du moins ne peut être de longue durée. Nous concevons un Napoléon en Europe, nous ne concevons en Amérique qu'un Washington ou un Bolivar. Le sort d'Iturbide suffit pour éclaircir la question.

Supposons l'Amérique méridionale arrivée à la seconde époque de sa révolution, de nouveaux besoins se font sentir, des besoins de pain, de justice et de liberté. Le premier de tous, celui qui domine aujour d'hui dans la Colombie, est celui de l'indépendance; ce besoin satisfait, les lois, les institutions se mettront d'accord avec les autres, et il suffit, pour arriver à ce but, que les principes de la constitution soient approuvés par la raison, et conformes à la nature de l'homme. Or, M. Mollien ne niera point que les bases de la charte constitutionnelle de la Colombie ne soient excellentes pour le mode de gouvernement adopté dans ce pays. Les Colombiens ont sagement évité la

faute où tombèrent les membres de notre Assemblée constituante, et où sont tombées après eux les Cortès espagnoles. Le pouvoir législatif n'est point concentré dans une assemblée unique et ne risque point de dégénérer en despotisme et en anarchie. La partie démocratique de la nation est représentée par une chambre, tandis que les intérêts de l'aristocratie ont dans l'autre leurs défenseurs naturels. L'élaboration des lois s'y. fait d'une manière convenable; le pouvoir exécutif en est l'agent et le dépositaire; tous ces pouvoirs dérivent de l'élection, parce que la Colombie est une république, et qu'un pouvoir quelconque héréditaire en ferait une monarchie. Il ne faut pas juger tous les gouvernemens avec nos idées monarchiques.

J'ai cru m'apercevoir que l'article de la charte colombienne où l'amovibilité des juges est déclarée pour le cas de mauvaise conduite, avait aussi surpris M. Mol. lien. En y réfléchissant même, il conviendra que cette faculté, accordée au pouvoir exécutif, est une conséquence de la nature même d'un gouvernement où l'élection renouvelle souvent les dépositaires de ce même pouvoir. L'inamovibilité des juges est un bienfait dans une monarchie, où le chef de l'État est inviolable et règne par le droit d'hérédité. Dans les pays ainsi constitués, la magistrature doit être située de manière à ne pas craindre les exécuteurs responsables de la volonté suprême, qui pourraient en faire un instrument de tyrannie; il faut que la conscience du magistrat n'ait point à lutter contre la puissance ministérielle; c'est une garantie de sécurité pour les peuples; c'est une digue opposée au torrent du despo

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