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contradictions, vous m'avez démontré que sa pensée n'est que matière et que son existence est sans but, permettez qu'à mon tour, par les mêmes argumens, je vous guérisse de vos erreurs relativement au soleil,

Qu'est-ce que le soleil? Est-ce un nuage enflammé, un roc flamboyant, un feu qui s'éteint et renaît, un miroir, un cinquième élément, un composé de plusieurs feux différens, une flamme intelligente, un globe qui nous envoie les rayons de la lumière ou qui les reçoit, comme l'ont soutenu tour à tour Xénophane, Métrodore, Démocrite, Philolaüs, Aristote, Platon, Antisthènes, Newton et Pythagore? Héraclite lui donne un pied de diamètre, Anaxagore l'étendue du Péloponèse, Anaximandre la grandeur de la terre, tandis qu'Eudore le croit neuf fois et Thales soixante fois plus grand que la lune, que Lucrèce lui suppose le volume qu'il paraît avoir à la vue, qu'Anaximène rabaisse sa circonférence à celle d'une feuille, ou que Cassini le proclame un million de fois plus gros que la terre. D'accord! d'accord! mais il me brûle. Il ne peut vous brûler s'il n'existe pas et j'ai de quoi vous en convaincre sophistiquement. J'achève donc ! Xénophane veut que chaque zône ait son soleil particulier; Empédocle en admet deux comme saint Thomas admettait deux ames, ce que vous avez omis de dire, et ce qui rendait vos argumens encore plus irrésistibles; enfin les autres physiciens n'en reconnaissent qu'un seul ; ainsi partout contradiction sur contradiction; j'invoque donc le principe de Quintilien et le vôtre, j'applique ma négation et déclare hautement que l'existence du soleil est un rêve de nos bons aïeux. ➡Croyez tout ce que vous voudrez, s'écria mon métaphysicien

en se dégageant de sa place brûlante, mais votre négation m'a endommagé toutes les membranes du cerveau. Allez vous reposer, lui dis-je, et tout métaphysicien que vous êtes, tâchez de comprendre que l'ame immortelle est pour le monde moral ce qu'est le soleil pour le monde physique : homme, et roi de la création, ne placez point votre orgueil à fouler aux pieds votre couronne et à renier votre immortalité.

JONATHAN LE VISIONNAIRE.

ISLAOR,

OU

LE BARDE CHRÉTIEN;

PAR N. A. DE SALVANDY (1).

L'EMPIRE et sa religion penchaient vers leur déclin ; les peuples du Nord préludaient à ces invasions qui devaient venger l'univers soumis, et du sein de l'Orient, le christianisme, conquérant plus rapide, venait arborer la croix partout où brillait l'aigle romaine. Doué de quelques grandes qualités, illustré par quelques exploits, un prince, supposant une relation entre le progrès de la foi nouvelle et la décadence de la patrie, espéra peut-être en lui rendant son culte lui conserver sa grandeur Julien devint le défenseur de l'idolatrie contre l'Évangile. Les dogmes nouveaux contrariaient tout à la fois sa philosophie et sa politique; comme écrivain, il les combattait par ses ouvrages; comme empereur, il les prohiba par des édits. Il fit servir sa puissance au service de sa polémique.

Julien-l'Apostat est une de ces renommées équivoques, livrées à la controverse de tous les partis. Aussi

(1) Un vol. in-12. Prix, 3 fr. A Paris; chez Baudouin frères rue de Vaugirard, no 36.

n'a-t-il échappé ni à l'excès des louanges, ni à l'excès des censures. Anathématisé par les écrivains ecclésias tiques qui n'ont pas assez vu ce qu'il y avait de bonnt foi et de politique timide dans son opposition au su... cès de leur cause, il a été réhabilité avec exagération par des philosophes prévenus, qui n'ont pas aperçu que sa résistance au christianisme portait tous les caractères de cette aversion de la nouveauté, de cette haine des révolutions d'idées, le vice ordinaire de l'autorité suprême. Julien réservait la philosophie pour un petit nombre d'hommes éclairés, et s'obstinait à la restauration du paganisme, comme d'une tradition antique et conservatrice, qui méritait sinon les hommages de la foi, du moins les respects de la politique. La réforme évangélique lui semblait un mouvement tout à la fois inquiétant pour le bon ordre et offensant pour ses opinions ; il embrassa donc l'idolâtrie qu'il pouvait relever en la méprisant; il lui consacra tous les artifices de son habileté, tous les secrets de son talent, toutes les forces de son pouvoir. L'opinion nouvelle fut de toutes parts attaquée par la séduction et par la crainte; l'administration, la justice, l'armée, l'enseignement furent tour à tour gagnés dans l'intérêt du mouvement rétrograde que l'on voulait imprimer à l'esprit humain. Partout, à la voix de l'autorité, l'on vit se multiplier les abjurations, devenues le signe de l'obéissance; les hypocrites du paganisme se présentèrent comme les hommes bien pensans de l'époque, et l'apostasie fut de la fidélité.

Ce spectacle a frappé sans doute M. de Salvandy, et son dernier ouvrage est destiné à reproduire l'impression qu'il en a reçue. On trouve en effet une triste

douceur à penser que l'histoire a déjà connu de ces temps où la superstition, la force et la ruse se liguent pour arrêter les progrès de la pensée humaine, en corrompant les caractères et en opprimant les esprits. Islaor est un épisode où l'auteur,

propos d'une aventure particulière, a su décrire la perversité du pouvoir, la bassesse de ses agens, la complaisance des faibles et le courage des croyaus. Son héros est un jeune guerrier qui, au milieu de l'avilissement universel, s'est créé un refuge dans la hauteur des croyances spiritualistes de l'Évangile et dans la sainteté d'un amour profond et vertueux. Il vit comme un citoyen, il meurt comme un martyr ; il meurt en rendant gloire à cette religion qui née dans une étable et professée par des artisans, fut la première et la plus insultante protestation de l'égalité; à cette religion', qui maîtresse des cœurs et proscrite par les lois, proclama la liberté de l'ame à la face du trône et sous le fer des bourreaux.

On voit que l'ouvrage de M. de Salvandy est tout à la fois romanesque et satirique. Tantôt l'auteur à voulu rivaliser avec l'épisode de Velleda, tantôt rajeufir et relever les formes du pamphlet. Nous ne cacherons pas que ces deux intentions se nuisent mutuellement, et que la politique fait tort à l'imagination; mais si l'on veut ne voir dans Islaor que la peinture da pouvoir aux prises avec l'opinion, on le lira avec un vif intérêt, et l'ami de la liberté y retrouvera ses espérances, ses douleurs, son indignation rendues avec une chaleur éloquente. La citation suivante donnera idée de la manière de l'auteur: « Sophiste lui-même, » Julien se livra tout entier aux complots de ces faux sages qui parlaient éternellement des dieux sans y

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