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vons, vous ne sauriez croire quelles sommes sont con sacrées aux pratiques de la police; quelle est l'immen sité, la variété de ses attributions, le bizarre amal→ game qu'en a fait, entre les chefs, le caprice des or ganisations de bureaux; enfin combien d'inspecteurs, de suppôts, d'exempts et d'archers sont par elle mis en mouvement et lancés à travers la capitale pour raconter, comme la renommée, ce qu'ils savent et ce qu'ils ne savent pas.

Applaudissons-nous toutefois de la division sage qui a séparé, pour la première fois, de la police la juridic tion civile contentieuse. C'est à Louis XIV que nous devons d'avoir mis fin à cette horrible confusion de l'action civile et de police qui avait affligé les règnes précédens. Ce fut en 1667 que ce monarque créa deux offices de lieutenant du prévôt de Paris, dont l'un fut qualifié de conseiller civil de ce prévôt, et l'autre de lieutenant du même prévôt pour la police. Ce dernier office échut à ce même président de la Reynie, dont la mémoire n'aurait pas eu d'autre titre pour parvenir jusqu'à nous, si les boulevards n'avaient imaginé de le reproduire à nos yeux dans Cardillac,

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comme

un personnage de mélodrame, seul et digne hommage auquel puissent prétendre les chefs de la police moderne.

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Oui, Madame, c'est Louis XIV qui, le premier, a créé et mis au monde le lieutenant de police. Il n'est pas convenable que nos préfets actuels ignorent cela, et je suis bien aise de corroborer de toute la force de ce souvenir l'ardent dévouement qu'ils professent pour la dynastie de nos anciens rois.

A

Je n'ai pas le dessein d'énumérer ici toutes les attri→ butions des préfets de police; elles sont innombrables

et telles qu'elles ont mérité de faire la matière d'un savant Traité qu'on mettrait avec fruit dans les mains de MM. les quarante-huit commissaires des douze arrondissemens de la capitale. Le vieux livre de M. de la Mare est véritablement, de nos jours, digne de réimpression, et je m'étonne qu'un libraire spéculateur n'ait point encore imaginé d'en publier une édition. C'est une entreprise pour laquelle il aurait peut-être reçu' une indemnité sur les 190,000 francs annuellement accordés comme encouragemens aux lettres, aux sciences et aux beaux-arts.

Cependant, vous vous formerez une juste idée de l'étendue des attributions de la police de Paris, en jetant un coup-d'œil sur son organisation et les parts réservées à chacun de ses bureaux.

L'autorité du préfet de police s'étend sur tout le département de la Seine et sur les communes de Saint-Cloud, Sèvres et Meudon; il est membre des conseils des hospices et du Mont-de-Piété, et toutes les prisons sont soumises à son administration. Ces prisons sont désignées par une 'affreuse variété de noms que l'arbitraire et la nécessité ont créés : il y a maison de dépôt, maison d'arrét, maison de justice, maison de force, maison de correction, maison de détention et maison de répression. A ̈ cette lougue énumération, ne croirait-on pas que la Bastille a subi la loi commune de la division des propriétés, et que c'est le partage de son grand château qui a fourni les sept manoirs que je viens de vous désigner?

Toutes ces prisons sont surveillées par un conseil composé de pairs de France, en qui la philantropie est une vertu héréditaire. Ce conseil qui court au de

vant de toutes les mesures propres à adoucir les rigueurs de la captivité, rend compte, chaque mois, au ministre de l'intérieur, de l'état des divers établissemens et des améliorations qu'il pourrait être utile d'entreprendre; mais les arrêtés du conseil sont exécutés par les soins du préfet de police et par les agens ordinaires de son administration.

Au nombre des attributions de ces magistrats, il en est une qui doit inquiéter leurs sentimens religieux : ils président au tirage de la loterie. Voilà comme l'administration est quelquefois habile à donner une apparence honorable aux actes que réprouvent la morale et l'humanité. Un des apôtres de l'Évangile aurait dit: Ils président à la ruine des familles. Le tirage de la loterie ne manque point d'une certaine pompe, d'un certain luxe de formalités qui en font une cérémonie imposante; mais derrière cet appareil, qui livre au dieu du hasard les destinées de cent mille pauvres familles, quels pleurs et quel désespoir! Le premier numéro que la fatale roue fait briller aux yeux de M. le préfet, ravit à l'indigence un pain vers lequel elle tendait des mains suppliantes; le second numéro qu'il proclame d'une voix élevée, ne laissera à des milliers d'infortunés que la criminelle ressource du vol et du vagabondage; le troisième, trompant de dernières espérances, armera contre euxmêmes une multitude d'insensés, les poussera au suicide, et si les prisons sont un moment désertes, le prochain tirage se chargera de les recruter. La religion a de quoi pleurer sur ces tristes tableaux. Qu'un préfet de police préside donc au tirage de la loterie, puisque cette présidence est dans ses attributions; mais qu'aux rapports que lui viennent faire

assidament ses mille agens, il ajoute, par pitié, une colonne qu'il intitulera : désastres causés par la loterie. L'inspection journalière des faubourgs, des marchés, des halles, fournira de quoi la remplir; qu'il la laisse grande, vaste; que sa prévoyance même y 'joigne une feuille de supplément. Là, il rassemblera, à la fin de l'année, les élémens d'un mémoire qui pourra trouver sensible le cœur d'un ministre; et les vœux de quelques députés, appuyés sur ce grand registre des infortunes populaires, nous délivreront peut-être des quatre-vingt-dix percepteurs dont M. le préfet a la présidence..

::Comme toutes les administrations, la police de Paris a un secrétariat-général composé de trois bureaux. Je laisse de côté celui des archives où quelque Dalaure futur trouvera de quoi ajouter de curieux volumes à l'histoire de Paris. Mais comment passer sous silence le premier bureau? Que ne nous est-il permis de nous Ꭹ introduire clandestinement en véritable Diable Boiteux, seulement pour quelques heures! Là, nous apprendrions ce qu'on entend par affaires mixtes qui n'ont point de département fixe; nous lirions à la dérobée le rapport général sur les événemens qui intéressent la sûreté publiqué, et nous mesurerions l'im mensîté du cadre que la souplesse de ces deux mots ouvre aux rapporteurs; nous recevrions les déclarations faites directement à la préfecture de police et les prestations de sermens, si nous en avions le temps. Nous examinerions le personnel de l'administration où nous serions peut être fort surpris de rencontrer, accolés à certains emplois, beaucoup de noms de commaissance qui passent pour n'en point avoir. Enfin (et deci ne serait pas le moins curieux)

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nous assisterions à la confection des baux et marchés, surtout à l'ouverture des soumissions cachetées de l'adjudication de la ferme des jeux, au nombre desquelles se trouverait peut-être celle d'un des plus riches banquiers de la capitale.

Mais ce que, sans nul doute, dévorerait notre curiosité, ce sont les comptes et les états de situation du deuxième bureau du secrétariat-général. Avec quelle avidité n'y chercherais-je point les noms attachés à la délivrance des ordonnances et mandats de paiement sur le trésor royal et sur la caisse municipale pour l'emploi des fonds généraux et communaux affectés aux dépenses de l'administration? avec quel esprit d'investigation n'étudierais-je point la formation du compte annuel et celle du budget! La ville publie ses comptes et son budget; la police les garde secrets, et cela donne une terrible envie de voir son budget. J'en ferais bien un de fantaisie; mais je craindrais qu'il ne fût au-dessous de la vérité. Ah! qu'un budget de la police doit être curieux!

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Après le secrétariat-général nos mœurs administratives devraient ménager une vaste place aux bureaux de la première division. Le premier de ces bureaux n'est pourtant point riche en attributions : il a simplement la surveillance de la maison de refuge et de tout ce qui peut être relatif aux affaires secrètes des familles ; mais il faut que vous sachiez que les bureaux les plus occupés ne sont pas ceux qui comptent le plus d'attributions; une seule donne quelquefois plus de travail que mille autres ensemble. Or, je ne sais pourquoi je m'imagine que le détail de tout ce qui est relatif aux affaires secrètes des familles doit être immense. Quelle famille n'a pas des affaires secrètes? Quels

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