Images de page
PDF
ePub

"

» croire, cachaient la corruption d'un empire vieilli » sous le masque des vertus antiques, ressuscitaient » l'astrologie et ses chimères pour assujettir à leur »joug l'esprit humain après l'avoir dégradé, préten» daient enfin sauver le monde de sa ruine, en le dé» fendant contre le désordre d'innovations subver

[ocr errors]
[ocr errors]

» sives; c'est ainsi qu'ils appelaient l'Évangile! et se donnant pour des fanatiques, n'étaient que des im» posteurs. Jeune, instruit, entouré d'une certaine réputation de grandeur d'ame, aimé, estimé des peuples, malgré les soupçons de parricide que les chrétiens faisaient planer sur sa tête, apportant » dans les affaires l'habileté d'un Grec du Bas-Empire, nul potentat ne put avoir plus d'ascendant sur son » siècle. Toutefois, quoique appuyé à des autels de » deux mille ans, fort de tout ce qu'il y a d'autorité » dans les habitudes populaires, dans les traditions de » la patrie, soutenu par les prêtres et les grands, en» touré de ce flot servile qui bat au pied de tous les pouvoirs, le redoutable rhéteur n'osa point invoquer la violence pour mettre sur le trône à la place » des opinions et des lumières nouvelles, les pratiques » súrannées, la magie, les présages, toutes les folies » de son polytheisme barbare. Essayer violemment » de substituer la religion, qui donnait én spectacle » le meurtre des captifs à celle qui abolissait l'esclavage et le meurtre des hommes, c'eût été attaquér » de front Dieu et la raison humaine. Il résolut d'appeler par une dérision impie des mots les plus saints, » la liberté au secours de la réaction idolâtre, une liberté mensongère dont l'hostile étalage cachait des

>>

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors][merged small]
[ocr errors]

présentes. La dispensation partiale des faveurs du trône, de hautes iniquités, couvertes du manteau des »lois, quelquefois des supplices, toujours ses sarcas»mes, des déceptions, de l'or; tels furent les hon» teux moyens que l'autorité suprême allait mettre > en œuvre pour accomplir son entreprise sacrilège. L'empereur savait qu'il lui suffisait de séduire ou » d'intimider les consciences, de décourager les ames, » de flétrir les caractères, pour que le monde, » chrétien la veille, se proclamât payen comme » lui. »

[ocr errors]
[ocr errors]

Cependant, quoiqu'il y ait toujours dans un ouvrage de M. de Salvandy beaucoup d'idées, de nobles sentimens, et d'effets de style, nous croyons qu'il a besoin de chercher et de bien connaître sa vocation. Il ne semble pas que ce soit le genre romanesque. Le grand mérite de ses deux dernières compositions est dans les vues ou les peintures générales auxquelles elles servent de cadre, ce qui prouve que l'écrivain est appelé de préférence à l'histoire et à la politique. Nul ne saura mieux que lui donner aux idées du relief et de la couleur, répandre dans la considération réfléchie des événemens et des hommes, cette sorte d'intérêt dramatique qui résultè de la vivacité de l'imagination et du dévouement à la vérité. M. de Salvandy a de la foi et du talent; avec cela, le succès n'est pas douteux. Nous sommes dans un temps où les écrivains comme lui sont précieux à la cause qu'ils défendent; les convictions fortes, énergiquement exprimées, sont la seule vengeance et la seule consolation des gens de bien.

CH. DE RÉMUSAT.

[ocr errors]

!

TABLETTES PARISIENNES.

No. X.

LES RUES DE PARIS.

Ce monde est un grand bal où des fous déguisés,
Sous les risibles noms d'éminence et d'altesse
Pensent enfler leur être et hausser leur bassesse.
En vain des vanités l'appareil nous surprend :
Les mortels sont égaux ; leur masque est différent.
Nos cinq sens imparfaits, donnés par la nature,
De nos biens, de nos maux sont la seule mesure.
Les rois en ont-ils six?

VOLT. Égalité des conditions.

DANS Ce mélange, dans cette bigarrure de tous les rangs, de tous les états, de toutes les fortunes, qui forment le tableau mouvant et renouvelé sans cesse des rues de Paris; dans cette inégalité des positions sociales, l'observateur découvre l'égalité des conditions: ceux qui, à demi-couchés dans leur calèche, laissent tomber un regard de dédain sur la foule, ont la physionomie moins satisfaite que les passans qu'ils éclaboussent. Et vous remarquez aux piétons un air plus inquiet à mesure que la richesse semble les avoir mieux traités.

Que de fois je déserte en bâillant ces magnifiques salons, où l'interminable concert de société est remplacé par l'éternel écarté; où la coquetterie, la prévention, la frivolité, habillées en femme, croisent en

sens inverse des paroles sans idées, et des idées sans sentimens; où un léger rhume vous attire tant de démonstrations de sollicitude, quand votre mort ne coûterait pas le moindre regret; où on met des papillottes à l'esprit comme à la chevelure, et où les formes de la politesse sont aussi fausses que les formes des appas.

les

Je m'enfuis; et je vais chercher, contre toutes ces déceptions, un asile dans les rues; là, du moins, je trouve le moral des gens dans une espèce de déshabillé; les physionomies détendues portent l'empreinte de la nature. Les gestes n'ont pas de roideur, allures sont franches et délibérées; là, toutes les attitudes du corps parlent aux yeux : je lis dans cette pantomime non étudiée, et le caractère des individus,' et leur genre de vie, et leurs goûts, et leurs оссираtions je puis classer les espèces, chose impossible dans les salons.

Cet homme qui, en marchant, tient son bâton sous le bras, le balance, ou en fait le moulinet, qui semble ne voir que lui dans ce grand mouvement de population, et se soucie fort peu de froisser ou de blesser son voisin, écrivez : C'est un égoïste. S'il occupe un emploi, malheur à ses subordonnés !

Voyez-vous cette jeune fille qui marche à pas précipités; elle craint d'arriver trop tard à son magasin, où elle occupe depuis peu le poste important de troisième demoiselle; elle est si zélée à l'ouvrage, que, pour arriver plus tôt, elle tient son busc à la main, caché discrètement sous son fichu. Ouvrez son sac, vous y verrez son corset, sa correspondance privée, et un volume de la Vie du chevalier de Faublas.

Ce personnage qui relève avec tant de satisfaction sa tête ornée d'une crinière en écuelle arrondie, dont les joues sont enflées du vent de la suffisance; quel est-il? A l'air dont il regarde le ciel, comme pour le complimenter de l'avoir créé, je parierais que c'est un pédant qui, parvenu au rang de maître d'école, se croît un grand homme.

:

Vous désirez savoir quelle est la profession de cet individu de haute taille? Voyons sa figure, c'est un bellâtre le voilà qui est accosté par une femme qui lui parle avec tristesse; entre autres paroles j'ai entendu: Je l'avais bien prévu. Je devine maintenant, c'est un suppôt d'Esculape qui prenait soin du mari de cette femme; elle lui apprend qu'il est mort: de-là sa réponse : Je l'avais bien prévu. A-t-il, comme quel ques-uns de ses confrères, un intérêt dans l'entreprise des corbillards? c'est ce que je ne sais pas.

Prenez donc garde, dis-je à un petit monsieur qui me heurte, tant il est pressé, affairé, absorbé. Mes paroles ne l'atteignent pas dans sa marche rapide. Un rouleau de papier sorti à demi de sa poche, laisse entrevoir un titre dont il ne reste plus que les lettres drame, mélo ayant été effacé. Bon! c'est un auteur des boulevards: sa pièce aura été refusée à la Porte-Saint-Martin, il court l'offrir au théâtre Richelieu.

Suspendons nos observations sur les passans, pour jeter les yeux sur ceux qui exercent leur industrie dans la rue. A leur tête plaçons les étalagistes; les uns exposent leurs marcndis es sur des brancards, les autres sur de grands surtouts de serge dont ils couvrent le pavé; mais la plupart qu'on peut appeler étalagistes voltigeurs, n'ont que de petits plians portatifs. Tous

« PrécédentContinuer »