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TABLEAUX DE L'ASIE,

DEPUIS LA MONARCHIE DES CYRUS JUSQU'A NOS JOURS;

PAR

M. J. KLAPROTH,

MEMBRE DE L'ACADÉMIE ASIATIQUE (1).

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AVANT Alexandre, l'Asie n'était guère connue que par les établissemens des Grecs sur les plages orientales de la Méditerranée, et par les démêlés des Perses avec les Grecs d'Europe.

Alexandre s'arrêta aux pieds des monts Emodus, qui le séparaient des nations Thubétaines et de l'Inde en deçà du Gange, et ne passa pas, au nord, le fleuve Jaxartes, qui servait de limites à son empire du côté des Massagètes. L'expédition du conquérant macédonien ne remonte qu'en 353 avant l'ère chrétienne, et sa domination fut de courte durée.

Les Romains ne passèrent en Asie mineure que dans le siècle qui précéda la naissance de JésusChrist. Ils y reculèrent les bornes de leur domination jusqu'au règne de Trajan, mais même à cette époque,

(1) Cet ouvrage se publie par livraisons composées chacune d'un cahier in-4o de texte et de quatre cartes in-folio. Chez Schubart, rue de Choiseul, no 4.

qui fut celle de la plus grande étendue de l'empire des Césars, cet empire était borné au levant par le Tigre, et la Mésopotamie se trouvait, de ce côté, la province romaine la plus reculée.

Les Romains eurent connaissance des Chinois, que la victoire avait amenés jusqu'aux rivages de la mer Caspienne. En l'an 166 de Jésus-Christ, une ambassade envoyée par Marc-Aurèle, parvint à la cour.de Hou-on-ti, empereur chinois, de la dynastie de Han. Cette ambassade avait fait le voyage par mer. Les relations entre la Chine et Rome paraissent avoir duré. jusqu'au commencement du troisième siècle. Les expéditions maritimes partaient des ports de l'Égypte, ou du golfe Persique, et traversaient la mer des Indes pour se rendre en Chine; mais d'après l'état de la navigation chez les anciens, et le peu d'estime dont le commerce jouissait parmi les Romains, on doit penser que ces communications étaient rares et peu nom

breuses..

Les communications par terre eussent été plus faciles, la Mésopotamie n'étant séperée de la mer Caspienne, et du pays des grands Yue-Tchi, que par l'empire des Parthes. Mais ce peuple jaloux, désigné par les Chinois sous le nom d'Asi, s'opposa toujours à ce que cette barrière fût franchie par les nations d'orient et par celles d'occident. Le commerce de la soie, marchandise si recherchée des Romains, se faisait principalement par l'intermédiaire des Parthes, qui se procuraient, sur ce commerce, des bénéfices immenses. Ils tiraient la soie écrue de la Chine, et ne la revendaient aux Romains que fabriquée.

Lorsquè les Barbares eurent rompu toutes les an

ciennes relations entre l'Europe et l'Asie, le commerce avec la Chine, et jusqu'au nom de ce pays, que les Grecs et les Latins appelaient la Sérique, furent totalement oubliés. Ces relations n'ont recommencé qu'après le passage des Portugais dans la mer des Indes, par le cap de Bonne-Espérance, c'est-à-dire vers la fin du quinzième siècle.

Les provinces asiatiques de la Russie ne sont guère que les vastes déserts de neige, qui s'étendent des monts Altaïs à la mer Glaciale. Quoique le contact de ces provinces avec l'Empire de la Chine et avec les États soumis à cet empire, soit de près de onze cents lieues, l'intérieur de l'Asie n'est guère plus connu des modernes qu'il ne l'était des anciens.

C'est principalement sur ces contrées ignorées que M. Klaproth se propose de nous donner des notions plus étendues et plus certaines que celles dont nous avons dû nous contenter jusqu'à ce jour.

Il était indispensable de rappeler ce qu'en ont dit les auteurs grecs et romains. M. Klaproth les a consultés, ainsi que les historiens chinois, persans, géorgiens et arméniens, en homme aussi instruit dans les langues orientales que dans les langues anciennes. Critique consciencieux, il cherche la vérité au milieu des fables dont les superstitions et les vanités nationales ont environné le berceau de tous les peuples.

Les Chinois qui, selon M. Klaproth, poussent l'exactitude jusqu'à la sécheresse, prétendent cependant être sortis de la demeure des dieux, d'après l'opinion, commune aux nations de la race indienne, que les montagnes sont le siége de la divinité. Les premières familles chinoises descendaient des monts Kuen-lun.

Selon l'usage immémorial des conquérans asiatiques, les hommes venus des montagnes célestes exterminèrent les anciens habitans du pays, dont quelques faibles restes se sont conservés, sous le nom de Miao, dans les rochers de la Chine occidentale.

Un homme d'une naissance merveilleuse, venu du pays de Fou-yu, au nord de la Chine, régnait sur les Coréens, dans le siècle qui a précédé l'ère chrétienne. '.

Les premiers rois du Japon furent des demi-dieux. Les Japonais considèrent encore leur Daïri comme une divinité. Jamais ses pieds sacrés ne doivent toucher la terre ; l'air extérieur n'est pas assez pur pour souffler sur son visage, le soleil n'est pas digne de toucher de ses rayons une personne si sainte; on ne peut lui couper la barbe et les ongles que quand il dort ; s'il était éveillé cette action deviendrait un sacrilége.

Les annales de l'ancienne Perse, recueillies et mises en vers par deux poëtes, Dak'ik'i et Firdoussi, d'après les traditions Pehlwis, remontent jusqu'à Keïoumaraiz, qui le premier régna dans le monde; il vécut mille ans, et tous les êtres existans sur la terre venaient deux fois par jour lui rendre hommage.

Les Géorgiens et les Arméniens se disent descendans les premiers du patriarche Thorgamos, les seconds de Naïg, l'un et l'autre petits fils de Japhet.

Il y a dans tous ces pays, des bons génies, des Demons, et des Goblins.

Les deux sœurs de Djemchid, auquel les péris et les oiseaux obéissaient, après avoir été pendant mille ans les femmes favorites de Dzohak', prince Tasi, étaient encore si bien conservées et si jeunes que Féridoun, les épousa et en eut trois fils. Simourg, monarque des oi

seaux, nourrissait les enfans des rois. L'armée du Iraniens et son chef furent frappés de cécité par le démon blanc.

On trouve au milieu de ces fables asiatiques des contes qui ont été répétés chez différentes nations de chastes fils de rois provoqués et persécutés, par des marâtres amoureuses; et des enfans, exposés sur des fleuves, dans des boîtes remplies de pierres précieuses, recueillis et élevés par des pêcheurs et des blanchisseuses. Les époques historiques, où les faits, dégagés du merveilleux, acquièrent quelque certitude, ne remontent guère au-delà du sixième siècle avant l'ère moderne. Alors ces faits rentrent dans l'ordre des événemens communs à tous les peuples et racontés par tous les historiens: ici des frères ennemis qui se disputent l'empire et s'égorgent les uns les autres; là, des usurpateurs et des tyrans; l'excès des maux, en amenant le terme, et les peuples courant aux arines, après avoir vainement imploré la justice.

Il est cependant des opinions et des institutions particulières aux nations orientales qui nous semblent dignes de fixer l'attention des peuples de l'Occident. Ces nations, aussi follement éprises que celles de l'Europe, de la renommée qui accompagne les grands massacres, auxquels on a donné le nom de guerres, ont cependant connu et honoré la gloire véritable. Keioumaratz et Houcheng, chez les Perses; Yu, Moung-Thian, et d'autres chez les Chinois, sont plus célèbres encore et plus respectés pour avoir enseigné aux hommes l'usage des vêtemens, à travailler le fer, à creuser des canaux; pour avoir inventé le papier, les

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