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11,

ERRATUM. Page 462, ligne II, Christiern VII,

lisez Christiern VI.

LA LIBERTÉ,

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LE SERMENT DES TROIS SUISSES.

VERS INSPIRÉS PAR LE TABLEAU DE M. STEUBEN.

Ils étaient là tous trois. A travers les nuages,
La lune révélait sur leurs mâles visages
D'un héroïque espoir les présages vainqueurs :
Sous leurs habits grossiers battaient de nobles cœurs.
Un serment généreux sort de ces bouches pures,
Et l'écho menaçant, par l'écho répété,

Redit de monts en monts, avec de sourds murmures :
Liberté! liberté !

On l'entendra ce nom que la Suisse réclame,
Comme un céleste accord retentir d'ame en ame;
Et déjà descendu de ces sommets déserts,
Puissant, mystérieux, il plane dans les airs:

A toute heure, en secret, du peuple qu'on opprime
Un pouvoir inconnu ranimant la fierté,

Dit au cœur assez fort pour ce fardeau sublime :
Liberté ! liberté !

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Orgueilleux Gouverneur, quelle terreur te presse?
Pourquoi fermer sur toi la sombre forteresse? -
Ah! de la liberté dénonçant les efforts,
Un traître l'aurait-il livrée à tes trésors?
Non, mais à ton effroi tu sens qu'elle s'éveille;
Tu lis partout son nom d'un œil épouvanté ;
Partout un dieu vengeur répète à ton oreille :
Liberté liberté !

Elle eût dormi long-temps sans cette voix cruelle
Qui tourna vers un fils la flèche paternelle !
Mais les yeux des tyrans d'un bandeau sont couverts;
En croyant les river, ils ont brisé vos fers,
Enfans de l'Helvétie; achevez leur ouvrage :
Déjà livrant Gessler à l'abîme irrité,

La vengeance de Tell crie au sein de l'orage
Liberté ! liberté !

Liberté! c'est ton jour, ce sol est ton empire;
Là, nulle ambition sous tes traits ne conspire:
D'un peuple pauvre et fier toi seule armes les mains;
Sur ces pics sourcilleux, vierges de pas humains,
L'aigle au vol indompté semble te rendre hommage,
Le bleu miroir des lacs réfléchir ta beauté,
Et le bruit des torrens dire à l'écho sauvage :
Liberté liberté !

Héritier de ces biens, toi qui les abandonnes,
Et soutiens à prix d'or les lointaines couronnes,
D'où vient qu'aux premiers sons d'un air mélodieux,
J'ai vu des pleurs furtifs s'échapper de tes yeux ?
Sans doute en l'écoutant tu rêvais ta patrie,
Et des vallons natals l'agreste majesté,

Sans doute il murmurait à ton ame attendrie :
Liberté! liberté!

Madame AMABLE TASTU.

SALON DE 1824.

NEUVIÈME ARTICLE.

A peine le poëte des peintres de nos jours a-t-il succombé, à peine avons-nous fermé la tombe de Prudhon, que nous avons à déplorer une autre perte: M. Girodet-Trioson vient de mourir dans un âge qui donnait encore de longues espérances. David est debout à soixante-quinze ans ; patriarche de la peinture, il voit tomber ses fils autour de lui, car on peut appeler ses fils, les élèves qui sont sortis de son école et qu'il a formés avec des soins paternels. La manière d'enseigner de ce maître ne ressemble point à celle de beaucoup d'autres. Avec lui, point de discours, point de longues dissertations; nul étalage pédantesque de savoir. Il vient devant un tableau, il regarde avec une attention forte comme tous les hommes supérieurs ; il saisit d'un regard et l'ensemble et les détails; est-il content: «< Bien ! fort bien ! Il faut prendre garde à » cette attitude; ici le dessin n'est pas correct; cette figure manque un peu d'ensemble; c'est bien pour» tant; allons, courage. A merveille était le plus haut degré de l'éloge: alors, dans une espèce d'enthousiasme pour le succès qu'il adoptait d'avance, David prenait le pinceau du jeune homme et lui donnait une

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leçon en ajoutant des beautés à son ouvrage. David était avare de cette faveur; aussi produisait-elle un étonnant effet sur l'élève qui en devenait l'objet ; c'est à elle que nous devons des chefs-d'œuvre auxquels le maître n'a point touché. Pour exprimer son mécontentement, le grand artiste avait deux façons différentes. Quand la raison condamnait absolument l'ouvrage, quand ses défauts ne pouvaient être réparés, David fronçait le sourcil et prononçait un arrêt sans appel. La forme de cet arrêt devenait sévère, si l'auteur du tableau montrait pour ses fautes une tendresse aveugle qu'il fallût extirper comme un mal qui menace de devenir incurable. Ces cas étaient rares, parce que David, quoique plein de bonté pour eux, imposait beaucoup à ses élèves. En lui, ils aimaient le maître complaisant qui venait visiter leur atelier, souvent placé au haut d'une maison à six étages, ils révéraient le rival de Raphaël. Avec ceux qui doués d'un talent véritable, annonçaient dans leurs manières cet amourpropre d'autant plus vif qu'il n'ose se montrer dans les discours, cette prétention plus fâcheuse encore qui perd tant d'hommes distingués, David employait l'arme du ridicule dont les artistes se servent entre eux. Il faisait en parlant ce qu'ils font si bien avec leur crayon, une caricature. On l'a vu corriger ainsi des amours-propres excessifs, en face des coupables et en présence d'une foule d'élèves avides de ses moindres paroles; rigueur salutaire et qui manque aujourd'hui à l'école privée d'un chef qui avait tant d'autorité ! Les meilleures leçons de David étaient des exemples. Son atelier ouvert à ses disciples n'avait aucun secret pour eux ; ils assistaient tour à tour au travail du maître, et s'en

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flammaient à l'aspect des merveilles que son pinceau faisait éclore. Quelle instruction ont reçue ceux qui ont eu le bonheur de voir naître les Horaces et la condamnation des fils de Brutus, la mort de Socrate et les Sabines, le serment du jeu de Paume et le dévouement de Léonidas! David ne craignait pas de consulter les regards de ses élèves et d'interroger leur pensée ; toujours sincère avec lui-même, il a plus d'une fois profité d'un trait de lumière échappé de leur conversation familière avec lui. Quel sujet de réflexion pour eux que cette modestie!

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L'enseignement de David n'avait rien de despotique et d'exclusif; il ne disait point : « Vous ferez comme » moi; je veux que l'on peigne ainsi ; vous adopterez Raphaël et vous fuirez Michel-Ange; aimez le Titien, » et rejetez Rubens. » En tout, la direction de David allait vers le grand et le beau. Quoiqu'il ne se piquât point d'être disert, peu d'hommes de lettres même auraient aussi bien parlé que lui de Corneille; il aimait, il sentait, il jugeait l'auteur de Cinna; il s'inspirait par la lecture de Corneille comme Phidias dans le commerce d'Homère. David ne proposait que des modèles sublimes à ses élèves, mais il laissait chacun d'eux suivre la pente de sa nature et adopter en secret un maître. Son école se distinguait par la beauté des formes, par la sévérité du dessein, par la noblesse de ses expressions, par la grâce de la disposition, par l'exactitude du costume et le bon goût des ornemens; mais, sauf ces traits généraux de ressemblance, que de diversité dans les talens de ses élèves. Drouais enlevé si jeune à un art dont il était alors la plus belle espécomposait comme le Poussin et peignait comme

rance,

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