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Aussi les dilettanti exclusifs haussent les épaules de pitié aux morceaux de musique, et les bonnes gens qui vont au spectacle pour être amusés ou attendris, s'indignent de la froideur du dialogue, et déclarent qu'ils aiment beaucoup mieux les tyrans de la Gaîté ou les héros de grande route de l'Ambigu, comme les autres se révoltent de voir la musique italienne se mésallier avec des paroles françaises, et protestent contre cette profanation de leur idole. Toutefois ce reproche est injuste les paroles du chant ne sont pas plus françaises qu'italiennes; elles n'appartiennent à aucune langue vivante, à aucun idiome connu; elles sont aussi intelligibles pour des Allemands que pour des Russes, pour des Lapons que pour des Chinois. Sous ce rapport, on peut les dire vraiment cosmopolites. L'amateur qui condamne son esprit à mutiler la langue de Racine pour la réduire aux proportions d'un duo ou d'un quintetti échappé à la façon d'un maëstro, s'amuse dès-lors beaucoup de son burlesque travail; mais il pousse la plaisanterie un peu loin, quand il proclame dans l'ancien feuilleton de Geoffroi, que les vers de la plupart des opéra français ne valent pas mieux que les siens. L'ombre de ce grand patriar-.. che du paradoxe a dû en frémir; jamais, avec tout son esprit et toute son audace, il ne serait parvenu à faire passer celui-là. Certes, Sedaine ne brille point par l'élégance de la poésie et par la pureté du style, mais c'est un Quinault en comparaison de l'arrangeur des libretti du faubourg Saint-Germain. La bouffennerie a ses bornes, et dût-il s'évanouir au nom de ce Welche qui s'appelait Grétry, je lui rappellerai certain opéra dont les paroles, bien qu'elles soient d'un

Anglais, sont beaucoup plus françaises que les siennes, if en connaît le dénouement, et il doit savoir que le dieu du chant est aussi le Dieu des vers.

Il y a toutefois dans ces compositions hétérogènes et bâtardes des choses fort divertissantes. L'action dans toute sa vivacité est souvent suspendue par les roucoulemens du héros, la passion la plus ardente se module dans un point d'orgue qui se prolonge assez pour que l'interlocuteur ait le temps de faire deux ou trois tours de promenade au fond du Théâtre; et l'amant qui brûle d'exprimer sa flamme à l'objét de sa tendresse pourrait, à la rigueur, aller faire une visite dans le quartier et se trouver de retour au moment ou la prima dona a terminé ses accords, sans qu'elle se soit même aperçue de son absence. Tout cela est à merveille aux bouffons, mais à un spectacle français c'est le comble du ridicule et de l'absurde. Il nous faut même en chant du bon sens et de l'art; quand nous consentons à nous en passer, nous ne sommes plus à Paris, nous nous trouvons transportés à Naples ou à Vienne.

Je suis persuadé que M. Rossini, lui-même, qui n'est pas seulement un compositeur d'un très-grand, mérite, mais qui est un homme de beaucoup d'esprit, est le premier à gémir du travestissement barbare qu'on fait subir à ses opéra. Je ne doute pas s'il avait, par exemple, à mettre la Pie Voleuse en musique pour la scène française, il ne coupât ses morceaux d'une toute autre manière qu'il ne l'a fait pour la scène italienne. Il a un tact assez sûr pour étudier le goût des nations chez lesquelles il travaille et le génie des langues dans lesquelles

que

il compose, et certainement on s'en apercevra au premier ouvrage qu'il fera représenter à Paris. Il sera curieux de voir ce grand maître s'efforcer d'être français, tandis que nos compositeurs nationaux suent sang et eau pour avoir l'air italien.、

L'Odéon, loin d'avoir atteint son but, n'est donc qu'une école pernicieuse pour l'art musical et pour l'art dramatique; on y voulait un émule de Feydeau, on n'y a fait qu'une succursale trasvestie des Bouffons. On lui permet à la vérité les opéra comiques tombés dans le domaine public; mais outre qu'il n'a pas d'acteurs pour les jouer, c'est un assez triste présent que celui de tous les ouvrages fatigués du répertoire, si on lui interdit d'en représenter de nouveaux. On empêche aussi toute émulation, tout progrès de l'art en fermant la porte aux jeunes compositeurs français qui ont besoin de se faire un nom au Second-Théâtre pour arriver au premier, et qui sont trop souvent rebutés par tous les obstacles et par toutes les intrigues que la médiocrité jalouse multiplie sur leurs pas. Permettre de jouer les anciens opéras et interdire les nouveaux, c'est à peu près les défendre tous. Les tragédies et les comédies ne vieillissent certainement pas aussi vite que les ouvrages lyriques, et cependant que serait pour l'Odéon le privilége de jouer toutes celles qui sont tombées dans le domaine public, s'il n'avait pas la faculté d'en représenter de nouvelles.

Ce n'est donc point à l'ouverture de l'opéra de l'Odéon que Feydeau devra ses succès à venir; c'est à la lassitude du public qui commence à se fatiguer de ces insipides canevas à musique qui ne disent rien à l'esprit, c'est au bon goût du nouveau directeur qui a

heureusement triomphé de toutes les préventions fâcheuses qu'avait fait naître sa nomination et qui est bien convaincu que pour jouer l'opéra comique tel que l'ont créé Sedaine, Grétry, Marsolier, Monsigny et Daleyrac, il ne suffit pas d'automates organisées pour le point d'orgue et pour tous les tours de force du gosier, et que s'il faut absolument des chanteurs pour l'opéra, il ne faut pas moins des comédiens pour la comédie.

Je suis, etc.

P. S. Je parlerai plus tard du Mari à bonnes fortunes, comédie en cinq actes et en vers, de M. Casimir Bonjour, qui a obtenu un succès brillant au ThéâtreFrançais.

O ROI, SALUT!

AIR du Dieu des bonnes gens.

0 Roi, salut! l'Éternel te couronne...
Depuis long-temps tu régnais sur les cœurs,
Et le jour même où tu montas au trône,
Des malheureux ta main sécha les pleurs.
Digne héritier des héros de ta race
De Saint-Louis on te voit la ferveur,
Du bon Henri le courage, la grâce,
La franchise et le cœur. (Bis.):

Soif de régner à Charle est inconnue;
Dessous la pourpre il conserve le deuil.
Vive le Roi! dit le peuple à sa vue,
Et Charles dix gémit près d'un cercueil.
D'un roi, d'un frère, honorant la mémoire,
Notre amour seul soulage sa douleur;

Et l'oeil en pleurs, quand il veille à sa gloire,
C'est pour notre bonheur. (Bis.)

Le peuple en foule auprès du Roi s'élance;
De son coursier Charles retient l'ardeur.
Il parle au pauvre, il répand l'espérance;
La foule augmente et le soldat a peur:
Braves guerriers, qui composent la garde,
Auprès d'un roi ne s'endorment jamais.
<< Amis! dit Charle, ah! point de hallebarde,
>> Régnons par les bienfaits. » (Bis.)
En l'écoutant la Discorde s'envole;
Pour le servir tous les cœurs sont unis..
Comme à l'honneur on croit à sa parole;
Dans ses sujets Charles voit des amis.
Puisse son règne au temple de mémoire
Porter son nom chéri par les Français !
Que des bons rois les vertus et la gloire
Ne périsent jamais! (Bis.)

Madame la comtesse de REDERN, née MONTPEZAT, auteur d'un poëme sur la Mort de monseigneur le duc de Berri.

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