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sentir plus vivement mes torts. Loin d'être le soutien de votre vieillesse, je l'accable d'affliction. Je vous ai ravie au bonheur que vous goûtiez avec mon père. Inflexible sur l'honneur, il vous reproche continuellement votre faiblesse pour une fille indigne de vous; lui, mon père,' qui jamais avant mon funeste égarement, ne vous adressa que des paroles d'amour et de paix! Croyezvous que je puisse supporter plus long-temps ce supplice? Non, mon parti est pris; plus d'un chemin mène à la mort; je me délivrerai d'une existence qui trouble celle de tous les miens. Mon mari alors, mon mari que j'ai trop offensé, aura soin de vous; mon père et mon frère verront que je me suis rendu justice; ils me pardonneront et verseront peut-être quelques larmes sur mon tombeau. Où sera-t-il placé ? s'écrie la vénérable Marcelle; la religion n'exile-t-elle pas de la terre sainte l'impie qui brave ses lois! Insensée! veux-tu déshonorer par un nouveau crime les cheveux blancs de ton père et les miens! Dieu te recevrait-il dans son sein? Et ta fille, que lui répondrais-je quand elle me demanderait sa mère ? Rejette de ta pensée l'horrible dessein que t'inspire le désespoir; répare ta faute par une conduite exemplaire; ton époux, touché de ton repentir, écoutera peut-être les prières de tes vieux parens. Il est bon, juste, sensible; il ne voudra pas repousser de ses bras la mère de son enfant. - Jamais, jamais il ne me pardonnera; il m'a arrachée à l'indigence, il a fourni à mon frère les moyens d'entrer dans la noble carrière des arts, je lui devais le titre de mère, et j'ai pu le trahir!!!!

Pourquoi vous livrer à ces idées terribles? répliqua Mme de Blanc-Ménil.

Toujours le repentir trouve un Dieu qui pardonne. Votre époux serait-il plus inflexible que Dieu ? Je le vois, votre jeunesse séduite par un indigne amour, s'écarta du sentier du devoir; vous avez manqué à votre époux, à votre enfant ; vous vous êtes manquée à vousmême; mais ainsi qu'il arrive toujours, votre séducteur a été sans doute le premier instrument dont la Providence s'est servie pour vous punir; il s'est joué de ses

sermens comme vous vous étiez joué des vôtres; vous vous serez livrée, pour regagner son cœur, à des démarches imprudentes; votre époux a connu l'injure que vous lui aviez faite; il vous a bannie de sa maison. - Il est trop vrai, voilà ma triste histoire. Vous voyez bien Madame, qu'il ne me reste aucune espérance. - Votre mari vous aime encore, puisqu'il vous a mise sous la protection paternelle. Attendez tout du temps et de votre résignation.

Mme de Blanc-Ménil réussit par ses discours à dissiper l'horrible agitation de Clotilde, qui pourtant ne pouvait songer sans effroi à reparaître devant son frere; mais tandis qu'elle se faisait une image cruelle de sa prochaine entrevue avec lui, Jules cherchait à savoir si les erreurs d'une sœur chérie étaient tout-à-fait inexcusables. De questions en questions, il apprit de son père que l'époux de Clotilde lui avait donné de légitimes sujets de jalousie avant qu'elle méconnût ses devoirs. Je respire, dit Jules; je puis encore et la plaindre et l'aimer. Il supplie son père de lui permettre de porter quelques consolations à l'infortunée, et le décide en mêmetemps à se rendre aussi auprès d'elle.

Clotilde, que ne rassurait point leur présence, cache précipitamment sa tête entre ses mains, et dit à Ninette: Ma fille, conjure-les d'épargner ta malheureuse mère; ils accueilleront les vœux de l'innocence! Tout-à-coup l'on entend marcher à grands pas au dehors; la porte de la chaumière s'ouvre avec force. Papa! papa! s'écrie Ninette, quel bonheur; il n'est plus faché contre nous, et l'enfant baise avec transport les mains de son père. Clotilde se jette aux pieds de son époux en criant: Grâce! grâce! Vous m'avez trompé, Alexis, dit le professeur; vous m'avez assuré, en montrant sa femme, vous m'avez assuré que les jours de Madame étaient en danger; pour quel motif? Grâce grâce! répète Clotilde. La vieille Marcelle leve des yeux supplians sur son gendre; Ninette tombe à genoux à côté de sa mère Tu as raison de t'humilier, dit Marcel à sa fille; la honte, voilà đésormais ton partage. Mon pere, reprit Jules, oubliezvous les titres de Clotilde auprès de nous ? Que penseront

d'elle ces étrangers? Ne pouvez-vous être abusé sur son compte? Les apparences...-Non, non, je suis coupable, s'écrie Clotilde; loin de moi l'idée de surprendre par unt mensonge l'estime que je ne mérite pas. Je suis coupable, mais l'avenir m'appartient; j'expierai le passé; mon frère ne rougira plus de sa sœur, et ma fille recevra de moi des leçons de vertu.

Ma femme, dit le professeur d'une voix émue, en relevant Clotilde, ma femme, ah! pourquoi le public n'ignore-t-il pas les sujets de plainte que j'ai contre vous, j'aurais pu les oublier. Monsieur, reprit Jules d'un ton ferme, vous auriez dû vous respecter assez pour ne mettre personne dans la confidence d'un semblable secret; n'avez-vous pas d'ailleurs autorisé, en quelque sorte par votre exemple, les torts de votre femme? Ne deviez-vous pas veiller sur sa jeunesse ? N'étiez-vous pas son protecteur autant que son époux ? ne pouviezvous déployer de caractère que pour devenir son accusateur? Je sais ce que vous avez fait pour mes parens et pour moi : mais plus nous étions liés à vous par la reconnaissance, plus vous deviez craindre de nous ravir le seul bien que nous ne tenions pas de vous, l'honneur!

Mon frère, mon cher frère, ménage-le, je t'en supplie. Laisse-le, Clotilde, dit le professeur; laisse-le s'abandonner à l'élan d'un cœur généreux. Je l'avoue, je ne suis pas irréprochable, ton frère seul à raison; Jules, embrasse moi. Est-ce un frère que j'embrasserai? Oui, le frère le plus tendre. Clotilde, je viendrai souvent te voir, serrer notre enfant sur mon sein; mais je ne puis encore te rappeler auprès de moi. Il faut d'abord accoutumer le public à nous revoir ensemble.

Vous ne sauriez trop tôt, dit Mme de Blanc-Ménil vous réunir à la mère de votre fille, si vous voulez lui rendre la réputation qu'un éclat scandaleux lui a fait perdre. Dans une affaire de cette nature les délais ne font qu'aggraver le mal. Croyez-moi, si vous tardez à reprendre Clotilde, on vous représentera comme un homme séduit par une femme artificieuse. Si, au contraire, vous la ramenez dès aujourd'hui dans votre maison, on pensera que, calomniée auprès de vous, elle

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ROYAL

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a trouvé les moyens de vous prouver son innocence. Le retour de son frère, dont les bonnes mœurs sont connues, appuyera cette favorable opinion, et la vie régulière de Clotilde la confirmera.

Le raisonnement de Mme de Blanc-Ménil porta dans l'esprit du professeur une douce conviction, dont en secret, il sentait depuis long-temps le besoin. L'entière réconciliation des deux époux s'opéra le même soir. Cet événement prêta d'abord à rire aux gens malins; les gens sages y applaudirent; le professeur n'eut jamais à se repentir de son indulgence, et Mme de Blanc-Ménil se félicita toujours de l'heureuse issue d'une promenade qui avait commencé sous de si lugubres auspices. Mme DUFRENOY.

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NOTE

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Sur la dernière Elégie de Mme Babois.

Tout le monde a pleuré M. Ducis, mais personne ne l'a encore aussi bien pleuré que Mme Victoire Babois. Cette dame, connue par des élégies pleines de sensibilité, de grâce, de mollesse, et de mélancolie, vient de soupirer sur sa lyre la mort de son illustre ami, et ses accords, sortis de son ame, sont dignes d'elle, et du poëte que nous regrettons tous. Qui ne se plairait à ré-, péter avec Mme Babois, en parlant de M. Ducis:

Où trouver de sa voix l'accent sublime et tendre?
Celui qui l'entendit ne doit plus rien entendre!

et lorsque plus loin elle s'écrie:

Ainsi son cœur brûlant, mais pur comme un beau jour,
Jamais de la vertu n'a séparé l'amour.

Et, sans qu'il y prétende, oh ! comme elle est unie

Au charme douloureux de la mélancolie!

A ces trésors cachés, mais riches, mais féconds,
D'où jaillissent des traits, des accens si profonds;

́; } D'où sortent la pitié, le remords, la tendresse,
La piété, l'amour, le charme, les douleurs ;
Tous ces vers faits avec des pleurs,
Qu'on lit, qu'on répète sans cesse,

Et qui restent dans tous les coeurs.

Ne se dit-on pas que cet éloge si pur, si touchant, SI mélodieux, peut être appliqué à Mme Babois elle-même,

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Qui ont engagé, en 1808, S. M. C. Ferdinand VII, a se rendre à Bayonne, présenté à l'Espagne et à l'Europe; par Don Juan Escoiquiz, conseiller d'état, commandeur de l'ordre de Charles III, etc., etc. Traduit librement de l'espagnol en français, augmenté de notices historiques sur Don Juan Escoiquiz, ainsi que sur plusieurs ministres et grands seigneurs espapagnols, et où l'on trouvera des pièces authentiques concernant le massacre de Madrid., In-8° de 200 pages, orné du portrait de l'auteur. A Paris, chez Michaud, imprimeur du roi, rue des Bons-Enfans, no 34.

Don Juan Escoiquiz, auteur de cet ouvrage, est également connu dans les lettres et dans la diplomatie. Après avoir publié les Nuits d'Young, traduites en vers espagnols, il donna un poëme épique sous le titre de Mexico conquise. Il fit successivement paraître les tra ductions du Paradis perdu de Milton, en vers espagnols; la réfutation d'un mémoire contre l'inquisition, la traduction de deux romans de Pigault-Lebrun parmi lesquelles on remarque celle de M. Botte; enfin l'ouvrage dont nous parlons. Ce dernier avait déjà ob-tenu deux fois en France les honneurs de la traduction; l'une fut publiée à Toulouse en 1814, par M. de Carnerero, espagnol réfugié ; l'autre parut à Bourges la même année, sous le nom du docteur Raynal.

En s'écartant souvent du texte pour substituer ses réflexions à celles de l'auteur original, M. de Carnerero a

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