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des revenans, les apparitions, les marques d'orgueil, les défiances, les préventions. Le parti Saint-Albin ne savait plus auquel entendre. Plusieurs de ses antagonistes allèrent jusqu'à citer quelques-uns des passages les plus touchans et les plus sublimes de Racine, de Jean-Jacques, "et de Fénelon, pour y opposer des calembourgs, des turlupinades ou des réparties de suisse. Les minuties, les riens, les naïvetés, les balourdises, étaient un sujet inépuisable en anecdotes. Minuit sonna, et cependant l'amazone n'avait pas encore porté ses grands coups. On fut forcé de suspendre la séance, mais on se promit bien de la reprendre du matin.

(La suite à un prochain numéro.)

J.

RÊVE D'UN AMANT DES LIS.

La fête où la garde nationale parut épuiser tous les lis de la capitale, si le sol ne les reproduisait comme par enchantement, m'a fait rêver. Voyons si mon rêve en s'accomplissant me fera surnommer l'Amant des lis : je n'ai d'autre ambition.

Je rêvais donc que d'un commun accord tous les Français s'étaient donné, pour le 15 août, parole aux Champs-Elysées. Leur intention était d'y célébrer une fête auguste que tous avaient décorée du beau nom de la Fête des lis.

Je rêvais que comme par enchantement les ChampsElysées s'étaient trouvés illuminés. (On sut ensuite que c'était par ordre du souverain suprême des lis, qui ne fait rien sans esprit, que cette illumination s'était exécutée).

Je rêvais que tous les musiciens, grands artistes comme ménétriers, faisaient danser tous les amans de cette belle fleur.

Mais le plus beau du rêve c'est qu'aucun garde nationale, aucun fonctionnaire, aucun Parisien, enfin n'avait manqué au rendez-vous; que tous portaient à leur boutonnière un lis épanoui, et que les dames, qui

s'étaient rendues en foule au lieu indiqué, en portaient un magnifique sur la tête.

Jamais rêve ne fut plus agréable; jamais l'air ne fut plus embaumé ; jamais les esprits ne furent plus satisfaits.

Que les Français soient reconnaissans, et mon rêve deviendra une réalité.

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Sur l'ouvrage ayant pour titre: De Buonaparte, sa famille et sa cour.

Presque tous les journaux ont rendu compte de cet ouvrage très-curieux; il renferme beaucoup d'anecdotes sur des personnages qui ne peuvent échapper à l'œil de l'histoire; mais il présente aussi des lacunes que l'auteur s'empressera de remplir dès qu'il en sera averti. Un mot d'un homme important en apprend plus sur son caractère que toutes les belles phrases de cet auteur qu'une femme d'esprit appelle la commère du genre historique. C'est en le lisant qu'on apprécie toute la justesse de cette idée de Fontenelle : l'histoire est une fable convenue.

Parmi les anecdotes les plus curieuses de l'ouvrage en question, on remarquera particulièrement une mystification du Poinsinet de notre siècle. Pour dédommager ce poëte, nous rappellerons un de ses bons mots à Savary, ministre de la police. Ce ministre lui demandait un jour s'il fallait beaucoup de temps pour faire un bon poëme. Monseigneur, répondit-il, il en faut toujours trop pour le faire mauvais.

L'auteur, très au courant de ce qui s'est passé à la cour et à la ville sous le règne de Buonaparte, n'aurait dû oublier une épigramme de Chénier contre l'illustre Carion de Nisas, qui prétendait descendre des rois d'Arragon, et qui en proclamant Buonaparte em

pas

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Ou les Jeux olympiques, l'Amphithéâtre et la Chevalerie. Un vol. in-12. Chez Firmin Didot, rue Jacob, n° 24.

Il ne faut pas confondre cet ouvrage avec les Quatre Ages de la femme, de M Ponchon. Ces deux livres sortent bien des mêmes presses, mais non de la même plume; et si leurs titres ont quelque ressemblance, on en trouvera moins dans leur style. J'ai cru devoir prémunir mes lecteurs contre ce quiproquo; il a été funeste à plus d'une personne de ma connaissance. M. Ponchon, en célébrant après Legouvé le mérite des femmes, n'a montré que sa galanterie. L'auteur anonyme des Trois ages, au contraire, en chantant les jeux brillans de la Grèce, les spectacles sanglans de Rome, et les nobles fêtes de notre chevalerie, a fait succéder aux burlesques hémistiches de M. Ponchon, une versification remarquable par sa pureté et par son élégance. Je n'accor derai pas à cet ouvrage un titre que l'auteur lui-même n'a pas cru devoir lui accorder. Il ne l'intitule pas poëme, seulement il donne le nom de chant aux six pièces de vers qu'il a faites sur les jeux olympiques, le cirque et la chevalerie. On me trouvera peut-être un peut sévère; mais en conscience je ne puis appeler autrement des souvenirs historiques rassemblés avec plus d'exactitude que d'agrément, des tirades écrites avec plus d'art que d'inspiration. Le travail se fait trop sentir dans tous les vers de M. ***, son ton est trop didactique. Il invoque en commençant Clio et Minerve; elles n'ont point été

sourdes à sa prière, car son livre est plein de vérités et de sagesse. Mais il aurait aussi bien fait, en chantant les jeux olympiques, d'appeler à son aide la muse de Pindare. Ce poëte lyrique, dont M. *** fait mention, ne lui a point semblé digne d'être imité.

O Pindare! quel trouble et quel brûlant délire
Animent tes accens, inspirent tes écarts!

On ne trouvera ni trouble, ni brûlant délire, ni écarts,
dans les Trois áges; la part de M. *** est cependant
encore assez belle. Nous der des
trop exigeans de de-
mander des poëtes; et nous n'aurions pas à nous plaindre,
si nous avions quelques versificateurs aussi, habiles que
l'auteur du livre que j'annonce.

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2

Dans un discours préliminaire, qui prouve que l'auteur sait aussi bien écrire en prose qu'en vers, il nous donne lui-même le plan de son ouvrage, si l'on peut dire toutefois que les Trois dges aient un plan. Il ne se dissimule pas la difficulté qu'il y avait à être neuf dans un sujet tel que celui qu'il a choisi. « On ne pouvait éviter la concurrence des grands modèles ; mais il était possible de s'arrêter de préférence à quelques tableaux moins connus, et le sujet était encore assez riche pour » qu'un tel choix, ne l'appauvrit point, Les épisodes qu'on a choisis sont presque tous empruntés de l'his toire. En voulant prouver l'influence des fêtes sur les » mœurs, il fallait citer des exemples: tout autre sys->> tème n'eut donné à cet ouvrage qu'un caractère ro-»manesque, et n'eut, laissé apercevoir aucun rapport » entre les principes et les faits.n

La morale est une belle chose, mais elle n'est guère poëtique. Un poëme vit de fictions; on ne trouve que des faits dans les Trois âges. L'auteur continue: « On », a cherché à conserver a chaque siècle sa couleur, à

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chaque institution son langage, les mots qui lui sont » consacrés, que le temps n'a point vieillis, et qui, en » peignant mieux les mœurs locales, ont permis de répandre plus de variété entre les trois parties » ouvrage..»Jailu avec attention les six chants des Juo'n asilo povrɔail 19 oif 106290D IN

Trois âges, mais je n'y ai point trouvé de variété, C'est par-tout le même ton, la même correction et la même froideur de style; par-tout des vers aussi exacts que Mezerai. Par-tout enfin, je le répète, des vers très-bien faits, et trop rarement de la poesie. On va en juger par quelques citations; mais avant d'entrer dans cet examen, je crois devoir citer un passage du discours préliminaire, qui mérite d'être remarqué; il est question du goût des Romains pour les horribles jeux du cirque : « Le désir » des éloges, l'amour de la vie, contribuèrent à per»fectionner l'art de combattre, et cette habileté fut une espèce de voile jeté sur le crime. On prétendait n'aller >> voir qu'une lutte d'adresse et de courage; mais une » secrète férocité faisait désirer de voir mourir; on jouis»sait de la catastrophe comme du triomphe; et l'am

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phithéâtre aurait déplu sans victimes. Désirer de voir mourir, me semble présenter une alliance de mots aussi étrange qu'énergique. Cette curiosité barbare n'est malheureusement que trop commune; et l'empressement que l'on montre tous les jours pour voir des malheureux expirer sur l'échafaud, prouve que le peuple de Paris, comme celui de Rome, désire de voir mourir.

Les jeux olympiques, l'amphithéâtre et la chevalerie sont les trois parties de ce livre : il y a deux chants pour chaque partie. C'est dans les deux premieres que l'auteur avait le plus de souvenirs à redouter; les Géorgiques, le 5o livre de l'Enéide, traduits si bien par Delille, et presque tous les poëtes anciens et modernes ont traité ce sujet, ou ont emprunté leurs comparaisons des jeux et des courses de la Grèce. Toutes les fois que M. *** s'est trouvé en concurrence avec ces grands modèles, il a été court; ensorte que s'il les a imités il ne leur a fait que de légers emprunts. Voici à peu près tout ce qu'il dit de la course des chars. Il peint Agénor animant ses coursiers :

Son ardeur les excite, et son bras redoutable
Fait voler sur leurs flancs le fouet infatigable.
Mais bientôt, enflammés par un essai Dar
un essicu brûlant,
Les orbes de son char s'embråsent en roulant.

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