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ACTE III.

SCENE PREMIÈRE

ERASTE, SBRIGANI.

SBRIGANI.

Oui, les choses s'acheminent où nous voulons ; et comme ses lumières sont fort petites, et son sens le plus borné du monde, je lui ai fait prendre une frayeur sigrande de la sévérité de la justice de ce pays, et des apprêts qu'on fait déjà pour sa mort, qu'il veut prendre la fuite; et, pour se dérober avec plus de facilité aux gens que je lui ai dit qu'on avait mis pour l'arrêter aux portes de la ville, il s'est résolu à se déguiser, et le déguisement qu'il a pris est l'habit d'une femme.

ERASTE.

Je voudrais bien le voir en cet équipage.

SBRIGANI.

Songez de votre part à achever la comédie ; et tandis que je jouerai mes scènes avec lui, allez vous-en. (Il lui parle à l'oreille) Vous entendez bien!

Oui.

ERASTE.

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Et quand le père aura été averti par moi. (Il lui parle encore à l'oreille.)

ERASTE.

Cela va le mieux du monde.

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HSBRIGANI.

Voici notre demoiselle. Allez vite qu'il ne nous voie ensemble.

SCENE II.

M. DE POURCEAUGNAC, en femme; SBRIGANI.

SBRIGANI.

Pour moi, je ne crois pas qu'en cet état on puisse jamais vous connaître; et vous avez la mine comme cela d'une femme de condition.

M. DE POURCEAUGNAC.

AS Voilà qui m'étonne, qu'en ce pays-ci les formes de la justice ne soient point observées.

SSBRIGANI.

P Oui, je vous l'ai déjà dit, ils commencent ici par faire pendre un homme, et puis il lui font son prode cès.

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SBRIGANI.

Elle est sévère comme tous les diables, particulièrement sur ces sortes de crimes.

M. DE POUR CEAUGNAC.

Mais quand on est innocent?

ASBRIGANI.

N'importe, ils ne s'enquêtent point de cela et puis ils ont en cette ville une haine effroyable pour les gens de votre pays; et ils ne sont pas plus ravis que de voir pendre un Limosin.

M. DE POURceaugnac.

Qu'est-ce que les Limosins leur ont donc fait ?

SBRIGANI.

Ce sont des brutaux, ennemis de la gentillesse et du mérite des autres villes. Pour moi, je vous avoue que je suis pour vous dans une peur épouvantable; et je ne me consolerais de ma vie si vous veniez à être pendu.

M. DE POURCEAUGNAC.

Ce n'est pas tant la peur de la mort qui me fait fuir,

que de ce qu'il est fàcheux à un gentilhomme d'être pendu, et qu'une preuve comme celle-là ferait tort à nos titres de noblesse..

SBRIGANI.

Vous avez raison; on vous contesterait après cela le titre d'écuyer. Au reste, étudiez-vous, quand je vous mènerai par la main, à bien marcher comme une femme, et à prendre le langage et toutes les manières d'une personne de qualité.

M. DE POURCEAUGNAC.

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Laissez-moi faire; j'ai vu les personnes du bel air. Tout ce qu'il y a, c'est que j'ai un peu de barbe.

SBRIGANI.

Votre barbe n'est rien; il y a des femmes qui en ont autant que vous. Cà, voyons un peu comme vous ferez. (après que M. de Pourceaugnac a contrefait la femme de condition) Bon.

M. DE POURCEAUGNAC.

Allons donc, mon carrosse, où est-ce qu'est mon carosse? Mon Dieu ! qu'on est misérable d'avoir des gens comme cela! Est-ce qu'on me fera attendre toute la journée sur le pavé, et qu'on ne me fera point venir mon carrosse?

Fort bien.

SBRIGANI.

M. DE POURCEAUGNAC.

Hola! ho! cocher, petit laquais. Ah! petit fripon, que de coups de fouet je vous ferai donner tantôt! Petit laquais, petit laquais. Où est-ce donc qu'est ce petit laquais, ce petit laquais ne se trouvera-t-il point? ne me fera-t-on point venir ce petit laquais? Est- -ce que je n'ai point un petit laquais dans le monde ?

SBRIGANI.

Voilà qui va à merveille. Mais je remarque une chose cette coiffe est un peu trop déliée: j'en vais quérir une plus épaisse, pour vous mieux cacher le visage en cas de quelque rencontre.

M. DE POURCEAUGNAC.

Que deviendrai-je cependant?

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SBRIGAN1.

Attendez-moi là, je suis à vous dans un moment; vous n'avez qu'à yous promener.

(M. de Pour ceaugnac fait plusieurs tours sur le thédtre, en continuant à contrefaire la femme de qualité.)

SCENE III.

M. DE POURCEAUGNAC, DEUX SUISSES. PREMIER SUISSE, sans voir M. de Pourceaugnac. Allons, dépêchons, camerade; li faut allair tous deux nous à la Crève, pour regarter un peu chousticier sti monsiu de Pourcegnac, qui l'a été contané par ortonnance à lêtre pendu par son cou.

SECOND SUISSE, sans voir M. de Pourceaugnac. Li faut nous loër un fenêtre pour foir sti choustice.

PREMIER SUISSE.

Li disent que l'on fait téjà planter un grand potence tout neuve, pour l'y accrocher sti Porcegnac.

SECOND SUISSE.

Li sira, mon foi, un grand plaisir d'y regarter pendre sti Limossin.

PREMIER SUISSE.

Oui, te li foir gambiller les pieds en haut tefant tout le monde.

SECOND SUISSE.

Li est un plaiçant trôle, oui: li disent que s'être marié troy foie.

PREMIER SUISSE.

Sti diable li fouloir trois femmes à ly tout seul; 1 être bien assez t'une.

SECOND SUISSE, en apercevant M. de Pourceaugnac.
A! pon chour, mameselle.

PREMIER SUISSE.

Que faire fous là tout seul?

M. DE POURCEAUGNAG. vidiel for

J'attends mes gens, messieurs.

SECOND SUISSE.

Li être belle, par mon foi.

M. DE POURCEAUGNAC.

Doucement, messieurs.

PREMIER SUISSE.

Fous, mameselle, fouloir finir rechouir fous à la Crève? Nous faire foir à fous un petit pendement pien choli.

M. DE POURCEAUGNAC.

Je vous rends grace.

SECOND SUISSE.

L'être un gentihomme limossin, qui sera pendu chentiment à un grand potence.

M. DE POURCEAUGNAC.

Je n'ai pas de curiosité.

PREMIER SUISSE.

Li être un petit teton qui l'est trôle.

M. DE POURCEAUGNAC.

Tout beau.

PREMIER SUISSE.

Mon foi, moi couchair pien afec fous.

M. DE POURCEAUGNAC.

Ah! c'en est trop ; et ces sortes d'ordures-là ne se disent point à une femme de ma condition.

SECOND SUISSE.

Laisse, toi; l'être moi qui le veux couchair afec elle.

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