Pour le marquis DE VILLEROI, représentant un dieu marin. Sur la foi de ce dieu de l'empire flottant, Mais le Neptune est constant. Pour le marquis DE RASSENT, représentant un dieu marin. Voguez sur cette mer d'un zèle inébranlable; Non, Sostrate, je ne vois rien où tu puisses avoir recours; et tes maux sont d'une nature à ne te laisser nulle espérance d'en sortir. CLITIDAS, à part. Il raisonne tout seul. Hélas! SOSTRATE, se croyant seul. CLITIDAS, à part. Voilà des soupirs qui veulent dire quelque chose, et ma conjecture se trouvera véritable. SOSTRATE, se croyant seul, Sur quelles chimères, dis-moi, pourrais-tu bâtir quelque espoir? et que peux-tu envisager, que l'affreuse longueur d'une vie malheureuse, et des ennuis à ne finir que par la mort? CLITIDAS, à part. Cette tête-là est plus embarrassée que la mienne. SOSTRATE. Ah! mon cœur ! ah! mon cœur! où m'avez-vous jeté ? CLITIDAS. Mais, vous, plutôt, que faites-vous ici ? et quelle secrète mélancolie, quelle humeur sombre, s'il vous plait, vous peut retenir dans ce bois, tandis que tout le monde a couru en foule à la magnificence de la fête dont l'amour du prince Iphicrale vient de régaler sur la mer la promenade des princesses, tandis qu'elles y ont reçu des cadeaux merveilleux de musique et de danse, et qu'on a vu les rochers et les ondes se parer de divinites pour faire honneur à leurs attraits? SOSTRATE. Je me figure assez, sans la voir, cette magnificence; et tant de gens d'ordinaire s'empressent à por ter de la confusion dans ces sortes de fêtes, que j'ai cru à propos de ne pas augmenter le nombre des importuns. CLITIDAS. Vous savez que votre présence ne gâte jamais rien, et que vous n'êtes point de trop en quelque lieu que vous soyez. Votre visage est bien venu partout, et il n'a garde d'être de ces visages disgracies qui ne sont jamais bien reçus des regards souverains. Vous êtes également bien auprès des deux princesses; et la mère et la fille vous font assez connaître l'estime qu'elles font de vous, pour n'appréhender pas de fatiguer leurs yeux; et ce n'est pas cette crainte enfin qui vous a retenu. SOSTRATE. J'avoue que je n'ai pas naturellemeut grande curiosité pour ces sortes de choses. CLITIDAS. Mon dieu ! quand on n'aurait nulle curiosité pour les choses, on en a toujours pour aller où l'on trouve tout le monde; et, quoi que vous puissiez dire, on ne demeure point tout seul, pendant une fête à rêver parmi des arbres comme vous faites, à moins d'avoir en tête quelque chose qui embarrasse. SOSTRATE. Que voudrais-tu que j'y pusse avoir? CLITIDAS. Quais je sais d'où cela vient; mais il sent ici l'a mour. Ce n'est pas moi. Ah! par ma foi, c'est vous. SOSTRATE. Que tu es fou, Clitidas! CLITIDAS. Je ne suis point fou. Vous êtes amonreux; j'ai le nez délicat, et j'ai senti cela d'abord. SOSTRATE. Sur quoi prends-tu cette pensee? CLITIDAS. Sur quoi? vous seriez bien étonné si je vous disais encore de qui vous êtes amoureux. Moi ? SOSTRATE. CLITIDAS. Oui. Je gage que je vais, deviner tout à l'heure celle que vous aimez. J'ai mes secrets aussi bien que notre astrologue dont la princesse Aristione est entêtée; et s'il a la science de lire dans les astres la for tune m desommes, j'ai celle de lire dans les yeux le nom personnes qu'on aime. Tenez-vous un peu, et ouvrez les yeux. E, par soi, é, r, i, ri, éri; p, h, i, phi; eriphi; 1, e, le; Eriphile. Vous êtes amoureux de la princesse Eriphile. SOSTRATE. Ah! Clitidas, j'avoue que je ne puis cacher mon trouble, et tu me frappes d'un coup de foudre. CLITIDAS. Vous voyez si je suis savant! SOSTRATE. Hélas! si par quelque aventure tn n'as pu découvrir le secret de mon cœur, je te conjure au moins de ne le révéler à qui que ce soit, et surtout de le tenir caché à la belle princesse dont tu viens de me dire le nom. CLITIDAS. Et, sérieusement parlant, si dans vos actions j'ai bien pu connaître depuis un temps la passion que vous voulez tenir secrète, pensez-vous que la princesse Ériphile puisse avoir manqué de lumières pour s'en apercevoir ? Les belles, croyez-moi, sont toujours les plus clairvoyantes à découvrir les ardeurs qu'elles causent; et le langage des yeux et des soupirs se fait entendre, mieux qu'à tout autre, à celles à qui il s'adresse. SOSTRATE. Laissons-la, Clitidas, laissons-la voir, si elle peut, dans mes soupirs et mes regards, l'amour que ses charmes m'inspirent; mais gardons bien que par nulle autre voie elle en apprenne jamais rien. CLITIDAS. qu'appréhendez-vous ? Est-il possible même Sostrate qui n'a pas craint ni Brennus ni tous les Gaulois, et dont le bras a si glorieusement contribué à nous défaire de ce déluge de barbares qui ravageraient la Grèce; est-il possible, dis-je, qu'un homme si assuré dans la guerre, soit si timide en amour, et que je le voie trembler à dire seulement qu'il aime? SOSTRATE. Ah! Clitidas, je tremble avec raison; et tous les Gaulois du monde ensemble sont bien moins redoutables que deux beaux yeux pleins de charmes. CLITIDAS. Je ne suis pas de cet avis; et je sais bien, pour moi, qu'un seul Gaulois, l'épée à la main, me ferait beaucoup plus trembler que cinquante beaux yeux ensemble les plus charmants du monde. Mais, ditesmoi un peu, qu'espérez-vous faire? L'espérance est belle ! Allez, allez, vous vous môquez; un peu de hardiesse réussit toujours aux amants: il n'y a en amour que les honteux qui perdent; et je dirais ma passion à une deesse, moi, si j'en d venais amoureux. SOSTRATE. à de Trop de choses, hélas! condamnent mes feux un eternel silence. |