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la responsabilité ni de leur conservation ni de leur destruction.

Nous, au contraire, nous voulons dépenser 120 millions dans un chemin de fer au Sénégal; nous faisons des expéditions onéreuses pour « être les premiers maîtres du Niger afin d'empêcher toute autre nation de s'établir sur ses rives ». L'Allemagne achète, de son côté, tous les terrains qu'elle trouve plus ou moins disponibles sur les côtes ouest et est de l'Afrique.

Ici, les Européens cherchent à s'exclure réciproquement des nouveaux pays par la force ou par des intrigues; dans l'autre système, ils s'aident réciproquement.

Mais ce dernier état de choses implique qu'aucun pays n'aie prétention à un monopole.

On a beau essayer de dissimuler, d'équivoquer, de se perdre dans toutes sortes de considérations accessoires, la question du libre échange, et elle seule, se pose toujours et partout.

Les partisans de la politique coloniale se donnent beaucoup de mal pour s'annexer quelques milliers d'hectares de territoire malsain, quelques milliers de gens sans industrie, sans pouvoir d'achat, alors qu'au point de vue de l'échange, des débouchés, il leur suffirait de supprimer leur tarif de douanes pour s'annexer le monde !

La conquête d'un nouveau territoire recule la frontière; le libre échange la supprime.

L'Angleterre l'a compris depuis trente ans de là, sa grandeur!

Elle s'est ouverte à tous les produits; ils sont venus se rencontrer dans cette matrice. Arrivés à l'état brut, ils se fécondent à leur contact réciproque, et là, ayant reçu une nouvelle forme, de nouvelles qualités, de nouvelles aptitudes, ils sont projetés sur le monde avec une force d'expansion proportionnelle à leur abondance et à la chaleur du foyer!

Avec le libre échange, peu importe à quel groupe ethnique appartient tel ou tel pays: vous lui donnez, il vous rend. Vous mettez en pratique volontairement la magnifique apologie de Panurge sur les «debteurs et emprunteurs ! » La division du travail guide l'échange; vous donnez votre produit et vous recevez le produit dont vous avez besoin. Tout le monde est content, tout le monde y gagne; toutes les forces employées, dans le système guerrier, à détruire, sont employées à produire. Cela ne vaut-il pas mieux? En agissant autrement, n'agissez-vous pas comme ces sauvages que vous prétendez civiliser? Quand vous détruisez quelques huttes, si misérables qu'elles soient, vous avez fait de la misère, vous avez aggravé la situation des gens que vous avez ainsi traités. La destruction est facile et rapide; la production difficile et lente. Commencez donc par ne pas

détruire!

La spoliation ruine certainement le spolié et souvent le spoliateur; l'échange enrichit tout le monde. Substituez donc la solution pacifique à la solution. violente, le contrat à la spoliation!

LETTRE LXIV

LA CONFÉRENCE AFRICAINE

Autant que le peu de recul nous permet de voir l'événement, je considère que la Conférence africaine, tenue à Berlin, est, au point de vue historique, un fait d'une importance équivalente au traité de Westphalie et à la Déclaration du Congrès de Vienne, relative à la traite des nègres.

J'en résume les dispositions les plus importantes :

L'article 1er dit :- Le commerce de toutes les nations jouira d'une entière liberté.

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Art 2. Tous les pavillons, sans distinction de nationalité, auront libre accès à tout le littoral des territoires énumérés ci-dessus, aux rivières qui s'y déversent dans la mer, à toutes les eaux du Congo et de ses affluents, etc. Ils pourront entreprendre toute espèce de transport et exercer le cabotage maritime et fluvial, ainsi que la batellerie, sur le même pied que les nationaux.

Art. 3. Les marchandises de toute provenance impor tées dans ces territoires, sous quelque pavillon que ce soit, par la voie maritime ou fluviale ou par celle de terre, n'auront à acquitter d'autres taxes que celles qui pourraient être perçues comme une équitable compensation de dépenses utiles pour le commerce et qui, à ce titre, devront être également supportées par les nationaux et par les étrangers de toute nationalité.

Tout traitement différenciel est interdit à l'égard des navires comme des marchandises.

Art. 4. Les marchandises importées dans ces territoires resteront affranchies de droits d'entrée et de transit. Les puissances se réservent de décider, au terme d'une période de vingt années, si la franchise d'entrée sera ou non maintenue.

Art. 5. Toute puissance qui exerce ou exercera des droits de souveraineté dans les territoires susvisés ne pourra y concéder ni monopole ni privilège d'aucune espèce en matière commerciale.

Les étrangers y jouiront indistinctement, pour la protection de leurs personnes et de leurs biens, l'acquisition el la transmission de leurs propriétés mobilières et immobilières et pour l'exercice des professions, du même traitement et des mêmes droits que les nationaux.

L'art. 6 proclame la liberté de conscience et la tolérance religieuse pour les indigènes comme pour les étrangers. Les missionnaires chrétiens, les explorateurs seront l'objet d'une protection spéciale.

L'art. 7 porte que l'union postale est applicable aux territoires du Bassin du Congo.

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Art. 9. Les puissances qui exercent ou qui exerceront des droits de souveraineté ou une influence dans les territoires formant le bassin conventionnel du Congo déclarent que ces territoires ne pourront servir ni de marché ni de voie de transit pour la traite des esclaves de quelque race que ce soit.

Art. 10. Les hautes parties signataires du présent acte s'engagent à respecter la neutralité des territoires ou parties de territoire dépendant desdites contrées, y compris les eaux territoriales, aussi longtemps que les puissances qui exercent ou qui exerceront des droits de souveraineté ou de protectorat sur ces territoires, usant de la faculté de se proclamer neutres, rempliront les devoirs que la neutralité comporte.

Art. 11. Dans le cas où une puissance exerçant des droits de souveraineté ou de protectorat dans les contrées mentionnées à l'article 1er et placées sous le régime de la liberté commerciale serait impliquée dans une guerre, les hautes parties signataires du présent acte et celles qui y adhéreront par la suite s'engagent à prêter leurs bons offices pour que les territoires appartenant à cette puissance et compris dans la zone conventionnelle de la liberté commer

ciale soient, du consentement commun de cette puissance et de l'autre ou des autres parties belligérantes, placés pour la durée de la guerre sous le régime de la neutralité et considérés comme appartenant à un Etat non belligérant.

Art. 12. Dans le cas où un dissentiment sérieux, ayant pris naissance au sujet ou dans les limites des territoires mentionnés à l'article premier et placés sous le régime de la liberté commerciale, viendrait à s'élever entre des puissances signataires du présent acte, ou des puissances qui y adhéreraient par la suite, ces puissances s'engagent, avant d'en appeler aux armes, à recourir à la médiation d'une ou de plusieurs puissances amies.

Pour le même cas, les mêmes puissances se réservent le recours facultatif à la procédure de l'arbitrage.

Art. 13. La navigation du Congo est et demeurera entièrement libre pour les navires marchands de toutes les nations, tant pour le transport des marchandises que pour celui des voyageurs.

Les sujets et les pavillons de toutes les nations seront traités, sous tous les rapports, sur le pied d'une parfaite égalité.

En conséquence, sur tout le parcours et aux embouchures du Congo, il ne sera fait aucune distinction entre les sujets des États riverains et ceux des non-riverains, et il ne sera concédé aucun privilège exclusif de navigation, soit à des sociétés ou corporations quelconques, soit à des particuliers.

Art. 14. La navigation du Congo ne pourra être assujettie à aucune entrave ni redevance qui ne seraient pas expressément stipulées dans le présent acte. Elle ne sera grevée d'aucune obligation d'échelle, d'étape, de dépôt, de rompre charge, ou de relâche forcée.

Dans toute l'étendue du Congo, les navires et les marchandises transitant sur le fleuve ne seront soumis à aucun droit de transit, quelle que soit leur provenance ou leur destination.

Il ne sera établi aucun péage maritime ni fluvial basė sur le seul fait de la navigation, ni aucun droit sur les marchandises qui se trouvent à bord des navires. Pourront seuls être perçus des taxes ou droits qui auront le caractère de rétribution pour services rendus à la navigation même, savoir :

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