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drait compte des besoins de l'avenir, s'attacherait exclusivement à le développer.

J'ai signalé toute l'importance de l'œuvre de la Conférence Africaine. La neutralisation du canal de Suez est également d'une importance de premier ordre.

Si le système de l'Act Torrens, relatif à la propriété foncière, était adopté par plusieurs pays, à titre facultatif, comme il l'est en Australie, comme il va l'être en Tunisie, le Français serait aussi facilement propriétaire en Angleterre ou en Allemagne qu'il l'est en France et réciproquement.

Si l'exécution de certains contrats et obligations avait une sanction uniforme, dans certains pays, les transactions internationales se développeraient en raison de la sécurité qu'elles auraient acquise.

Avec le libre échange, une sécurité égale assurée dans les différents pays aux individus, sans distinction de nationalité, et à l'exécution des contrats, la question de nationalité disparaît.

Elle est remplacée par la fédération de groupes conservant chacun leur autonomie, liés seulement par des rapports nettement spécifiés, ayant pour but d'assurer la liberté et la sécurité des personnes et des choses.

Voilà l'œuvre que le xixe siècle est appelé à accomplir. Ce sera la fermeture définitive du temple de Janus, toujours entr'ouvert, sinon ouvert en Europe. Avant de nous occuper si ardemment de porter la civilisation dans les autres continents, commençons par détruire chez nous la guerre, au

lieu d'en perfectionner les instruments et d'imprégner nos enfants de son esprit.

En attendant, si nous voulons que les autres pays nous ouvrent leurs frontières, ne fermons pas les nôtres.

Au lieu de vouloir faire des colons obligatoires, ne gênons pas les émigrants volontaires, et ne lions pas au sol tout Français valide jusqu'à l'âge de qua

rante ans.

Ne subventionnons pas l'émigration des capitaux dans nos colonies; mais ne décourageons pas l'immigration des capitaux étrangers, soit dans la métropole, soit dans les colonies, par nos formalités absurdes relatives aux sociétés, nos droits fiscaux et l'arbitraire administratif!

Jamais d'annexions de territoires: elles multiplient les frais de garde, les périls, et ne rapportent que des ennuis quand ce ne sont pas des hontes.

Conventions internationales semblables à celle de la Conférence Africaine relative au Congo, fondées sur les principes de libre échange et de neutralité. Mais en plus Respect des droits des indigènes, occupant le territoire.

Remplacement, auprès d'eux, des missionnaires religieux par des maîtres d'école et des médecins.

On a donné jusqu'à présent des récompenses aux soldats qui ont le plus tué d'indigènes : les unions, faites en dehors des formes du mariage, entre Français et femmes indigènes, sont dépourvues de toute sanction. Il faut que ces unions assurent aux enfants les droits spécifiés dans les contrats privés qui

auront pu intervenir, quelque forme qu'ils revêtent. Il faut transformer les types humains par les croisements et la sélection, comme on transforme les types des races ovine, chevaline ou bovine.

Il faut substituer, entre peuples habitant les diverses parties du globe, aux rapports belliqueux des rapports commerciaux, sexuels et éducateurs.

Il faut transformer les actions réflexes héréditaires par le croisement, l'éducation, l'échange, l'exemple.

Dans cette œuvre, l'observation scientifique impartiale doit remplacer la politique de rapacité et le fanatisme religieux.

Le temps doit être considéré comme un facteur dont on ne saurait faire abstraction.

Pour détruire les préjugés des autres peuples, nous devons d'abord nous débarrasser des nôtres.

Pour comprendre l'homme, nous devons commencer par le respecter, et mieux nous nous connaissons nous-mêmes, plus nous devons éprouver de sympathie pour des congénères, qui ne sont séparés de nous que par des nuances à travers lesquelles se retrouvent un Voltaire ou un Herbert Spencer!

LETTRE LXXV

LA POLITIQUE INTENSIVE ET LA POLITIQUE EXTENSIVE

Il y a deux sortes d'agricultures: l'agriculture extensive et l'agriculture intensive.

La culture extensive laisse en friche une partie du sol, cultive mal les terres auxquelles elle s'applique, a plus de bestiaux qu'elle ne peut en nourrir. Elle a un outil qu'elle n'utilise qu'au quart ou à moitié.

La culture intensive prend le sol le plus limité possible, lui donne le maximum d'engrais qu'il peut supporter, a peu de bestiaux, mais les bourre d'une nourriture poussée jusqu'à la satiété, de manière à tirer de tous ces instruments de production le maximum d'utilité.

De même, il y a deux politiques : la politique extensive ou «< politique coloniale »; elle laisse en friche les terrains à cultiver en France; elle va faire des ports, des canaux, des chemins de fer sur tous les points du monde, tandis qu'elle n'a pas d'argent pour outiller nos ports, uniformiser nos canaux, achever nos chemins de fer; elle veut nous créer des débouchés chez des gens qui n'ont pas d'argent ou n'ont pas besoin de nos marchandises; elle

ferme les nôtres par des tarifs de transport trop élevés et elle a eu soin de nous isoler par des tarifs de douanes qui, en fermant nos portes, empêchent forcément aussi bien la sortie que l'entrée; elle est très préoccupée de civiliser les Cochinchinois; mais elle manque d'argent pour payer les instituteurs; elle commence tout sans rien achever; elle est affairée et ahurie; elle masque toutes ses fautes derrière le patriotisme. Pour elle, le drapeau de la France n'est qu'un cache-pot!

Il y a, au contraire, une politique préoccupée de faire de la France la nation la mieux outillée du monde; de répartir les impôts qui nous écrasent proportionnellement aux ressources de chacun, tandis qu'actuellement ils sont progressifs à rebours. Elle pense que le rayon d'expansion du commerce extérieur est en raison de l'intensité de la production intérieure. Elle sait, par expérience, que les guerres commerciales ont toujours tourné contre le but de ceux qui les avaient entreprises. Elle pense que notre civilisation présente encore trop de lacunes pour que nous ayons le droit de forcer des gens à s'y plier, sous la menace de nos obus. Elle ne veut pas justifier des exploits renouvelés de Pizarre par de prétendues théories scientifiques qu'on revêt de noms qui ne les ont jamais patronnés. Au lieu de faire la police du Tonkin, elle désire établir une bonne police à Paris. Hostile à la politique de conquête, au nom du droit, elle l'est encore au nom de notre sécurité nationale. Il lui importe peu d'avoir à régenter quelques millions de gens à peau jaune, à

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