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punirai les seconds faits de peines correctionnelles; donc je ne punirai les derniers faits que de peines de simple police ?

En quoi cette méthode, ce système de rédaction offrirait-il à la société plus d'avantages que le sys-tème qui s'est borné à dire, les faits que je punis de peines afflictives ou infamantes sont des crimes, etc.?

Est-ce que ce dernier système ne suppose pas, comme le premier, que le pouvoir a fait des efforts pour apprécier le degré et l'étendue du mal social qu'il veut punir dans chaque fait incriminé?

Qu'importe qu'il se soit livré à cette appréciation, en s'adressant cette question: tel fait sera-t-il appelé crime, délit ou contravention; ou en s'adressant cette autre question: tel fait sera-t-il puni de peines afflictives ou infamantes, ou seulement de peines correctionnelles, ou même de simple police ?

Sans doute, si le pouvoir social ne commandait pas, mais enseignait, s'il n'était pas législateur, mais professeur, il eût dû expliquer d'abord à quel caractère intrinsèque il reconnaissait qu'un fait était un crime ou un délit, ou une contravention (1).

Mais le Code pénal n'est pas une dissertation, c'est un commandement, et l'essence du commandement qui a autorité par lui-même, exclut les développements doctrinaux qui ne puisent leur autorité que dans la libre adhésion des raisons individuelles.

(1) Théorie du Code pénal de MM. Chauveau et FaustinHélie, t. Ier, p. 33.

Vous avez remarqué que le mot infraction est, dans la terminologie du Code pénal, l'expression générique qui désigne toutes les violations des devoirs sociaux, exigibles à peine de châtiment.

Antérieurement au Code pénal, le mot délit était l'expression générique qui désignait tous les faits punissables. Ainsi, nous lisons dans le titre I" de la Constitution du 3 septembre 1791: « La Constitu<<tion garantit comme droits naturels et civils, « 1°; 2°.....

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« 3° Que les mêmes délits seront punis des mêmes <«< peines, sans aucune distinction des personnes. >>

C'est ce qui résulte encore de l'intitulé de la section IV du titre I" de la 2' partie du Code pénal, du 25 septembre 1791.

Enfin, le mot délit avait la même portée, dans la terminologie adoptée dans le Code pénal, du 3 brumaire an IV.

Voici ce que nous lisons dans l'art. I de ce Code: « Faire ce que défendent, ne pas faire ce qu'or« donnent les lois qui ont pour objet le maintien « de l'ordre social et la tranquillité publique, est un « délit. »

Cette définition est incomplète; elle omet une des conditions indispensables pour qu'il y ait délit ou infraction, à savoir l'existence d'une sanction pénale.

Dans la terminologie du Code impérial le mot délit désigne une espèce particulière d'infraction, l'infraction punie de peines correctionnelles. Mais les habitudes

du langage ont une grande puissance et elles triomphent souvent des idées systématiques. Le Code pćnal qui nous régit a souvent employé le mot délit, non pas avec l'acception spéciale d'infraction correctionnelle, mais avec l'acception large de fait punissable; il l'a appliqué à des crimes proprement dits. Nous avons examiné ce qu'est une infraction et les diverses espèces d'infractions.

Dans quel lieu et par qui les infractions doiventelles être commises pour être punissables d'après la loi française?

En d'autres termes, quelle est l'étendue de la loi pénale, soit sous le rapport du lien, soit sous le rapport des personnes?

Notre loi pénale française est-elle une loi territoriale? Est-elle une loi personnelle? N'est-elle pas tout à la fois territoriale et personnelle?

La loi pénale est l'expression de la souveraineté qui l'édicte, car il est bien évident que la souveraineté régit et doit régir, sans distinction d'origine et de nationalité, toutes les personnes qui résident sur le territoire soumis à son empire; elle ne serait plus la souveraineté si, dans son sein, dans le pays qu'elle gouverne et protége, le bon ordre, la sécurité générale pouvaient être impunément troublés, s'il pouvait surgir un acte de rébellion qu'elle fût impuissante à réprimer. Ce n'est que le droit d'être maître chez soi.

Je vous ai dit comment du XIIIe au XVIe siècle, le principe de la territorialité triompha des obstacles que Jui opposa l'organisation de la féodalité, comment il

parvint à supplanter le principe que la loi pénale applicable et la juridiction compétente, étaient, sauf le cas de délit flagrant, la loi et la juridiction du domicile de l'auteur du délit. La loi romaine, comme toujours, eut son rôle dans la lutte et elle contribua puissamment à la victoire: on se fit une arme du fragm. 3, de Paul, au Dig. de Officio præsidis: - « Habet interdum imperium et adversus extra« neos homines, si quid manu commiserint: nam « et in mandatis principum est, ut curet is, qui provinciæ præest, malis hominibus provinciam « purgare, nec distinguitur unde sint. »

Le principe de la territorialité prit définitivement place dans l'art. 1", tit. I", de l'ordonnance de 1670. -Tous les auteurs qui ont écrit sur l'ordonnance l'ont facilement justifié (1).

L'art. 3 du Code Napoléon a traduit d'une manière concise cette nécessité de raison et de bon sens : « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire. » Or, le Code pénal est la loi de police et de sûreté par excellence; il saisit donc toutes les personnes françaises ou étrangères, leur résidence ne fût-elle que momentanée, et il doit dominer leurs actions. M. Portalis a justifié ce principe avec un grand bonheur d'expression : « Le pou

(1) ROUSSEAU DE LA COMBE, mat. crim., partie II, ch. 1o, no 34, p. 121.-Il cite un arrêt du Parlement de Paris de 1731. JOUSSE, Justice Crim., partie II, tit II, no 30, p. 422. Nouveau DENISART, vo Délit, § 4, no 1er.

« voir souverain ne pourrait remplir la fin pour laquelle il est établi, si des hommes étrangers ou << nationaux étaient indépendants de ce pouvoir; il << ne peut être limité, ni quant aux choses, ni quant << aux personnes. Il n'est rien s'il n'est tout; la qualité d'étranger ne saurait être une exception légitime pour celui qui s'en prévaut contre la puissance publique qui régit le pays dans lequel <«< il réside. « Habiter le territoire c'est se soumettre « à la souveraineté. »

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Je n'admets pas, toutefois, la nécessité de cette présomption de soumission aux lois du pays que l'étranger traverse ou habite. Cette présomption peut être une fiction; la souveraineté, par cela seul qu'elle est la souveraineté, s'impose et ne s'offre pas à la libre acceptation de telle ou telle volonté individuelle; le maintien du pouvoir social suppose, sans doute, l'assentiment de la raison et de la conscience publique. Mais son action, tant qu'il est debout, n'est pas subordonnée à l'adhésion de celui sur lequel elle s'exerce. J'adresserais la même objection à l'une des idées sur lesquelles un brillant et savant criminaliste a fondé le principe de la territorialité : « L'étranger, « par une sorte de convention tacite, en venant cher«< cher protection et sûreté à l'ombre des lois, est « devenu le sujet de ces lois et s'est soumis aux conséquences de leur violation; il appartient à la justice du pays (1). »

«

(4) M. Faustin-Hélie, Instruction Criminelle, t. II, p. 498.

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