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Le plus souvent, quand la loi veut atteindre un acte préparatoire, elle fait de cet acte l'objet d'une incrimination spéciale; elle le punit comme infraction sui generis.

Est-ce un acte préparatoire que notre Code pénal frappe ainsi, à l'aide d'une incrimination exceptionnelle, dans les art. 132, 147 et 150, quand il punit la fabrication de monnaies fausses et le faux en écriture authentique ou privée ? Le véritable crime n'est-il que dans l'usage de la monnaie et de la pièce fausses?

Oui, ont dit de savants criminalistes (1).

Comment donc ! Est-ce que le fait duquel résulte la possibilité du préjudice n'est pas consommé? Est-ce qu'il y a certitude que la monnaie et la pièce fausses ne serviront qu'autant que l'infracteur ne se désisterait pas de son acte criminel et n'en abandonnerait point le profit? Non, le faussaire peut mourir, et son héritier, dans l'ignorance du crime, en parfaite bonne foi, mettrait peut-être en circulation les monnaies contrefaites ou se prévaudrait de l'acte faux. Le faux et l'usage du faux sont deux crimes distincts. Si le faux n'était que l'acte préparatoire de l'usage du faux, il n'offrirait, considéré isolément, et abstraction faite de son but, aucune chance de danger à la société. Ce qui caractérise, en effet, l'acte préparatoire, c'est qu'il ne devient dangereux que par l'ac

(1) MM. Chauveau et Faustin-Hélie, Théorie du Code pénal, tome Ier, p. 404, 2° édition.

complissement de l'œuvre coupable vers laquelle il est un acheminement.

Je ne vous entretiens pas des exceptions que reçoivent les art. 2 et 3 du Code pénal, parce que je dois me borner à l'explication des principes géné– raux (1).

(1) Voir, en sens contraire de l'arrêt cité page 218, un arrêt d'Agen, du 8 décembre 1849.-Journ. du Pal., 1852-1-657.

DIXIÈME LEÇON.

ART. 5.-Le Code pénal ne régit pas les infractions militaires.—Transition des dispositions préliminaires au premier livre du Code pénal.--Ordre rationnel des matières.-Ordre légal.-Droit philosophique. - De la pénalité En quoi elle consiste.-Pour savoir quels biens elle peut entamer, faut-il distinguer entre les biens acquis et les biens naturels?— Réfutation de la théorie qui fait cette distinction.- La peine de mort est-elle illégitime? Principales objections des adversaires de la peine de mort.Réponse.-Historique de la question.-Législation. -Division des peines en peines applicables aux crimes, en peines applicables aux délits, en peines applicables aux contraventions, en peines applícables à plusieurs classes d'infractions et même à toutes les classes d'infractions. -- Peines afflictives et infamantes.-Peines infamantes.-Le Pouvoir a-t-il le droit de déclarer certaines peines infamantes?

ART. 7 ET 8 DU CODE PÉNAL.-Peines afflictives et infamantes.--- Peine de mort (art. 12 et 13).-Travaux forcés à perpétuité (art. 15).—Déportation. -Code de 1810.-Loi du 28 avril 1832 (art. 17.)-Loi du 9 septembre 1835. -Loi du 8 juin 1850, déportation simple et déportation aggravée.—Travaux forcés à temps (art. 19).-Détention (art. 20).-Réclusion (art. 21). -Peines infamantes.-Bannissement (art. 32 et 33).—Dégradation civique (art. 34 et 35).

MESSIEURS,

Toutes les infractions aux commandements protégés par des sanctions d'ordre public, ne sont pas régies par le Code pénal; ainsi les infractions que j'appellerai militaires ne sont pas soumises à la loi et aux ju

ridictions de droit commun; elles subissent une loi et une juridiction exceptionnelles. C'est ce qu'indique l'art. 5 de ce Code. Les infractions sont déclarées militaires par la loi, soit à raison de la qualité des infracteurs, c'est la règle générale, soit à raison de leur caractère spécial, et quelle que soit la qualité des agents. Les lois du 30 septembre 1791, du 12 mai 1793, du 21 brumaire an V et du 15 juillet 1829, sont les lois principales qui déterminent les infractions militaires. Je ne mentionne cette spécialité que pour vous avertir qu'elle ne rentre pas dans le cadre de mon enseignement. J'ai donc épuisé l'explication des dispositions préliminaires du Code pénal.

Vous connaissez le caractère de la loi pénale et l'étendue de son empire, le caractère que doivent avoir les faits pour tomber sous la répression. L'ordre logique appellerait l'examen des conditions que doivent remplir les agents, pour que les infractions et tentatives d'infraction leur soient imputables; mais les questions d'imputabilité ne sont pas résolues dans le premier livre; elles sont l'objet du second livre. Le premier livre traite des peines. Je ne veux pas intervertir, sans nécessité absolue de méthode, l'ordre adopté par le législateur.

La loi, l'infraction, l'agent, la pénalité, voilà l'ordre qui eût eu mes préférences; la loi, l'infraction, la pénalité, l'agent, tel est l'ordre légal.-C'est à cet ordre qu'en général je me conformerai. J'examine donc aujourd'hui quelle est la nature de la pénalité.

La pénalité est un mal attaché comme conséquence

à l'infraction de la loi. En quoi doit consister ce mal? Il doit consister dans la privation ou dans la diminution perpétuelle ou temporaire d'un bien ou d'un avantage auquel, dans l'opinion commune, on attache de l'importance.

Mais quels sont les biens dont l'homme peut être privé d'une manière totale ou partielle, temporairement ou perpétuellement, à titre de punition? Des criminalistes ont voulu distinguer, et ils ont divisé en deux classes les biens qu'un homme peut posséder; les biens de la première classe seraient appelés naturels, ce sont la vie, la liberté, l'intelligence. La seconde classe se composerait de biens acquis; ce sont les droits de propriété, les droits de cité, les droits de famille. Suivant ces criminalistes, le pouvoir social ne pourrait anéantir ou entamer que les biens acquis ; il ne pourrait anéantir ou même entamer les biens naturels.

Cette théorie suppose qu'il existe pour l'homme des biens indépendants de la société, des biens qui ne relèvent pas d'elle, des biens qui sont au dessus de ses lois et de ses conditions. C'est là une supposition que j'ai combattue et qu'on ne saurait trop combattre.

Les biens que l'on appelle naturels, la vie, la liberté, l'intelligence de l'homme, ne peuvent se développer que dans l'état social. Pourquoi donc ces biens qui sont sans doute de la nature de l'homme, mais de l'homme sociable, au même titre qu'il est libre et intelligent, ne pourraient-ils pas être sacrifiés avec justice, dans certains cas, à la cause de la société ? Est-ce

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