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dont l'exécution fictive a entraîné la dégradation civique, mourait dans les vingt ans?

Un auteur grave (1) professe que la dégradation civique est rétroactivement effacée.

Il me semble bien difficile d'accepter cette solution. L'art. 476 du Code d'instruction criminelle n'anéantit la condamnation par contumace qu'autant que le condamné se représente ou est arrêté dans les vingt ans. Si la mort réelle, dans les cinq ans de l'exécution par effigie, prévient la mort civile, c'est que la mort civile n'était pas encourue; mais la dégradation civique date du jour de l'exécution par effigie. Il n'y a qu'une condition résolutoire la représentation volontaire ou forcée.

3 L'interdiction légale. L'interdiction légale ne doit pas être confondue avec l'interdiction de la totalité ou de partie des droits civiques, civils et de famille. L'interdiction légale, en effet, est une peine accessoire d'une autre peine afflictive et infamante. L'interdiction des droits civiques, civils ou de famille, est une peine correctionnelle principale.

L'interdiction légale est une peine d'un caractère spécial; elle dure autant que la peine à laquelle elle est attachée. D'après l'art. 29 du Code pénal, elle n'était attachée qu'à des peines temporaires, à la peine des travaux forcés à temps, à la peine de la détention et à la peine de la réclusion. Aujourd'hui, en vertu

(1) M. Demante, Cours analytique de Code civil, p. 148, n° 72 bis.

de la loi du 8 juin 1850, elle est attachée à la déportation simple et à la déportation aggravée.

Cette peine accessoire ne fait pas double emploi avec la peine de la dégradation civique. Cette dernière peine, vous le savez, laisse intact le patrimoine du condamné et n'enlève pas même le droit d'administration de ce patrimoine; ainsi le condamné pourrait user de ce droit d'administration pour paralyser ou pour adoucir au moins la peine afflictive: l'interdiction légale dépouille le condamné de l'exercice de ses droits sur sa fortune; elle substitue à sa gestion une gestion étrangère.

Pour les condamnations contradictoires l'interdiction légale date du jour de leur irrévocabilité.

De ce que l'art. 29 du Code pénal dit que cette interdiction a lieu pendant la durée de la peine, gardez-vous de conclure qu'elle ne commence que du jour où la peine principale reçoit son exécution effective. Si le condamné contradictoirement s'évade, se soustrait à la peine principale, il ne conquiert pas, par sa résistance à la loi, l'exercice du droit d'administration; c'est dans ce cas surtout qu'il importe de ne pas laisser la disposition de ressources qui encourager-aient et alimenteraient sa désobéissance. Mais l'interdiction légale ne survivrait pas à la prescription de la pcine.

lui

L'interdiction légale est-elle une conséquence des condamnations par contumace à la déportation, aux travaux forcés à temps, à la détention et à la réclu

sion ?

Non, dit-on généralement (1).

Cette opinion est contraire aux termes de l'art. 29 du Code pénal, qui ne fait pas de distinction. Il est bien vrai que la dernière disposition de cet article est inapplicable, parce que l'art. 471 du Code d'instruction criminelle exclut l'organisation d'une tutelle; cet article pourvoit autrement, comme le fait remarquer M. Demante, à l'administration des biens : la loi n'a pas voulu laisser à la famille du condamné l'administration d'une fortune dont elle eût pu faire un emploi contraire aux intérêts de la justice; elle a séquestré les biens, justement pour avoir une garantie meilleure de l'interdiction qu'elle prononçait.

L'interdiction légale n'est pas attachée aux peines qui ne sont qu'infamantes.

Quel est l'effet de l'interdiction légale?

Une théorie dit que l'interdiction légale n'enlève au condamné que le droit d'administrer ses biens, qu'elle lui laisse le droit de disposition entre vifs et testamentaire (2). Le condamné alors n'aurait pas les revenus, mais pourrait se procurer le capital; il aliénerait et toucherait le prix.

Il est vrai que cette théorie n'est admise par quelques auteurs qu'avec un tempérament: les actes de disposition ne recevraient pas d'exécution au préjudice du séquestre; non, mais l'acte apparent cacherait l'acte véritable, et, si le condamné ne recevait

(1) Chauveau et Faustin-Hélie, t. I, p. 168. Boitard, no 89. (2) Achille Morin, Vo Interdiction.

pas tout le prix, il en recevrait une partie. Quel encouragement pour les simulations et les fraudes!

Une seconde théorie dit que l'interdiction enlève au condamné l'aptitude juridique pour faire tous les actes qui peuvent être faits par intermédiaire, par représentant, mais qu'elle lui laisse l'exercice des droits qui sont exclusivement personnels, le droit de se marier, de faire un testament; on ne saurait considérer ces droits comme des moyens de se créer des ressources (1).

Je crois que le condamné à une peine qui emporte l'interdiction légale est, pendant toute la durée de sa peine, incapable de tous les actes de la vie civile; si la loi n'a nulle part indiqué les conséquences de l'interdiction légale, c'est qu'elle s'est référée aux conséquences de l'interdiction judiciaire, c'est qu'elle a entendu assimiler, quant aux effets, les deux interdictions.

Quelle est la sanction de cette incapacité générale résultant de l'interdiction légale?

Une théorie dit que les actes faits par l'interdit légalement sont des actes boiteux, qu'ils sont opposables aux tiers, mais qu'ils ne sont pas opposables à l'interdit; c'est-à-dire que l'incapacité, qui est une peine, va devenir une protection: elle profiterait à celui contre lequel elle aurait été prononcée!

Une autre théorie, qui est le contrepied de la pre

(1) M. Demolombe, no 192. M. Valette sur Proudhon, t. II, d. 554. M. Demante, t. I, no 145.

mière, dit que la nullité est proposable par les tiers et non proposable par l'interdit; alors les tiers contracteront avec l'interdit, à des conditions tellement avantageuses pour eux, qu'il y aura toute certitude qu'ils n'opposeront jamais la nullité. Le but de la loi ne sera pas atteint: pourquoi donc s'écarter de l'art. 1125 du Code Napoléon?

Je crois, avec MM. Demolombe et Demante, que la nullité des actes faits par l'interdit est opposable et par l'interdit et par les tiers. La nullité est une nullité d'intérêt social; il faut qu'elle puisse être opposée par tout le monde pour qu'elle ait de l'efficacité.

J'ai dit que l'interdiction légale ne survivait pas à la prescription de la peine principale. Mais la prescription efface-t-elle l'interdiction légale pour le passé ?

Non, l'interdiction légale, comme la mort civile, comme la dégradation civique, a été subie, et on ne prescrit pas contre une peine qui s'exécute.

La mort du condamné, avant les vingt ans de la condamnation par contumace, efface-t-elle l'interdiction légale pour le passé ?

Oui, dit un savant professeur; et il applique sa théorie sur la dégradation civique (1).

Je ne puis encore accepter cette solution. La condamnation par contumace n'est pas anéantie par la mort du condamné dans les vingt ans.

Mais au moins, l'arrestation du contumax ou sa

(1) M. Demante, t. Ier, p. 148.

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