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courrais pas une condamnation à une peine plus forte qui l'absorbât.

Mais on n'interprète que ce qui est équivoque, et il serait bien difficile d'incorporer à la seconde condamnation les conditions et les restrictions tacites à l'aide desquelles on essaierait de la corriger.

Je crois que la plus sûre espérance du condamné serait dans la grâce, qu'il n'aurait aucun recours judiciaire.

Si l'on renversait l'hypothèse, et que la seconde Cour d'assises, dans l'ignorance d'une première condamnation à dix ans de réclusion, eût prononcé dix ans de travaux forcés, la question comporterait plus de doute, puisqu'après tout elle n'aurait fait que ce qu'elle cût dû faire si elle eût connu la véritable situation de l'agent. Avait-elle besoin de dire que la peine des travaux forcés absorberait la peine de la réclusion? De quel texte ferait-on résulter cette obligation pour elle? De ce qu'il est bien facultatif à la Cour, quand elle la connaît, d'expliquer que la première condamnation se confondra dans la seconde, peut-on légitimement conclure qu'elle a violé l'art 365, quand elle a négligé cette précaution ? Pourquoi appliquer à la seconde condamnation, prononcée dans l'ignorance du précédent judiciaire, une règle autre qu'à la condamnation prononcée en pleine connaissance de

cause?

Ces objections ne sont pas sans force; cependant je crois que si le condamné n'use pas des voies de recours, il pourra subir les deux peines..

S'il

eût fait connaître sa position, ce n'est peut-être pas dix ans, mais vingt ans de travaux forcés que la Cour eût appliqués; sa réticence ne saurait lui pro

fiter.

S'il se pourvoit, la Cour de cassation, en cassant, devra renvoyer devant une Cour d'assises qui appréciera comment elle doit mesurer la peine.

Des jurisconsultes d'une grande autorité (1) ont semblé appliquer au principe du non cumul un caractère bien différent ; ils considèrent que ce principe fait obstacle à l'exécution entière de deux condamnations successives, qui, même rapprochées et réunies, ne violent pas le principe de l'art. 365. Ils supposent qu'un agent a été d'abord condamné à huit ans de travaux forcés, puis à douze ans de travaux forcés, par un second arrêt, pour un fait antérieur à la première condamnation. La réunion des deux peines n'excède pas le maximum, vingt ans ; cependant ils professent que le condamné, et cela de plein droit, ne subira que douze ans de travaux forcés, bien que le second arrêt n'ait pas dit que la seconde peine se confondra jusqu'à due concurrence dans la pre

mière.

A plus forte raison décideraient-ils que le principe du non cumul ferait obstacle à l'exécution de deux condamnations, dont chacune prise isolément serait conforme à la loi, mais qui, rapprochées, excéderaient le maximum de la plus forte peine : exempli gratia,

(1) Théorie du Code pénal, t. I, p. 245, 3 édition.

si chacune des deux condamnations infligeait quinze ans de travaux forcés.

Dans l'hypothèse que ces auteurs prévoient, je crois que, sauf les questions d'interprétation qui pourraient s'élever, le condamné devrait subir vingt ans de travaux forcés; car il restait à la seconde Cour, pardonnez-moi le mot, un disponible de douze ans.

Dans l'hypothèse qu'ils n'ont pas prévue, de trente ans de travaux forcés. résultat de deux condamnations successives, je crois que le condamné qui ne se serait pas pourvu contre le dernier arrêt serait à la discrétion du pouvoir exécutif, qu'il ne pourrait réclamer aucun secours judiciaire.

Cette doctrine est bien dure, je ne me le dissimule pas, mais la grâce est là pour corriger les conséquences du Droit; un arrêt de la Cour d'Angers, du 25 mai 1832, a admis la solution que je vous propose (1).

Les auteurs dont je viens de combattre l'opinion reconnaissent que leur solution n'a pas la sanction de la jurisprudence, lorsqu'il s'agit de peines d'une même classe appliquées par des condamnations diverses. Je ne crois pas que la jurisprudence admette que, dans le cas même où il s'agit de peines de classes différentes, écrites dans des condamnations successives pour des faits antérieurs à la première condam

(1) Dev. 32-2-334.

nation, la plus grave des condamnations absorbe l'autre de plein droit.

Ce résultat, qui est dans la pensée de la loi, doit être consacré explicitement ou au moins implicitement par le jugement.

Si la seconde juridiction refuse sa consécration au principe du non cumul, il existe des voies de recours; elles doivent être utilisées.

Encore une fois, le principe du non cumul des peines n'est pas au-dessus de l'autorité de la chose jugée.

QUATORZIÈME LEÇON.

Transition de l'explication du premier livre à l'explication du second livre du Code pénal.-Conditions de l'imputabilité.-Art. 64 du Code pénal.— Intelligence au moment de l'infraction.-Variétés de la démence.-Démence partielle.-Ivresse.-Distinctions proposées, rejetées. -Degrés de l'ivresse.-Démence survenue depuis l'infraction ou depuis la condamnation.-Liberté.-La contrainte morale doit-elle être assimilée à la contrainte physique ?-Le paroxisme de la passion n'est jamais réputé une contrainte morale.-Art. 327, 328 et 329 du Code pénal.-Choix de quelques questions soulevées sur ces articles.-Question de l'obéissance passive.-Question du droit de légitime défense.-La nécessité actuelle de la défense des biens n'affranchit-elle jamais l'homicide de pénalité ?— C'est à l'agent qu'incombe l'obligation de renverser la présomption d'intelligence et de liberté. -Art. 1116 et 2268 du Code Napoléon.-La bonne intention soustrait-elle l'agent à la répression ?—Quid du consentement de la partie lésée ?-La loi pénale atteint-elle l'homicide exécuté par ordre de l'homicidé ?-Discussion.-Conclusion.

MESSIEURS,

L'ordre légal appellerait aujourd'hui l'explication de l'aggravation de pénalité attachée à la circonstance de la récidive, c'est-à-dire des art. 56, 57 et 58 du Code pénal. Mais la circonstance de la récidive ne se lie sous aucun rapport aux caractères et aux conséquences des peines. Cette circonstance est même

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