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10 Le Codex canonum Ecclesiæ universe. C'était une traduction latine que fit faire le pape St-Léon dans le V° siècle, de la collection grecque des conciles de Nicée, Constantinople, Ephèse, Chalcédoine, auxquels on ajouta le recueil du concile de Sardiq ue.

2o Le Corpus canonum ou vetus Codex Ecclesiæ Romanæ; c'était une collection entreprise vers la fin du même siècle par le moine Denys le Petit, mais qui ne s'est accréditée en France que dans le VIII° siècle, à la suite du don qui en fut fait à Charlemagne par le pape Adrien. Elle est devenue le code de l'église gallicane et a reçu plus tard la sanction de saint Louis, dans la pragmatique sanction. — Louis XIV l'a fait réimprimer.

Nous ne parlons pas des fausses décrétales répandues et accréditées de 836 à 857 sous le nom d'Isidore de Séville, bien qu'elles aient exercé une assez grande influence; elles paraissent être l'œuvre du diacre Benoit (Benedictus levita) de Mayence, l'auteur des faux Capitulaires.

Je vous renvoie pour les détails sur ces sources à 'Histoire civile de Rome et du Droit français de M. Laferrière, tome III, chap. Ix, p. 437-461.

Je vous ai montré plusieurs lois coexistantes; chacune de ces lois avait-elle une part d'autorité en matière pénale?

La loi salique ne régissait-elle que les Franes Saliens? La loi ripuaire, que les Ripuaires ? La loi Gombette, que les Bourguignons? La loi romaine, que les Gallo-Romains?

Pour bien comprendre cette question il faut deux notions, une notion du passé et une notion du présent.

En matière civile, vous savez que les lois du Ve au XI° siècle avaient un caractère tout personnel; que les Francs étaient régis par la loi des Francs; les Bourguignons par la loi des Bourguignons ; et les Gallo-Romains et les ecclésiastiques, quelle que fùtleur origine, par la loi Romaine. Vous savez encore que, lorsque le débat s'élevait entre deux parties d'origine diverse, c'était la loi du défendeur qui faisait la règle.

Le principe de la personnalité avait-il en matière pénale, la même portée qu'en matière civile ? Nos lois pénales actuelles ont, comme caractère prédominant, un caractère territorial; elles régissent non seulement les nationaux, mais tous ceux qui résident sur le sol français, à quelque nation qu'ils appartiennent. C'est la disposition de l'art. 3 de notre Code civil. Les étrangers sur notre sol sont protégés par nos lois pénales; ils doivent compte à la loi des actions qu'ils accomplissent sous son empire.

Ce principe de la territorialité pouvait-il être appliqué du Ve au XIe siècle ? Mais quelle était la loi territoriale ?

Les quatre éléments auxquels correspondaient les quatre lois coexistantes; l'élément Salien, l'élément Ripuaire, l'élément Bourguignon et l'élément Romain n'étaient pas parqués chacun dans un rayon déterminé; ils coexistaient un peu pêle-mêle, et l'élement romain surtout était partout en présence de chacun des autres éléments.

Mais si le principe de la territorialité était inap

plicable, le principe de la personnalité pouvait-il au moins recevoir son application? On comprendrait à la rigueur que la loi d'origine eût fait la règle quand la partie lésée et l'auteur de l'acte incriminé auraient eu une origine identique. Mais quand la partie lésée et l'auteur de l'acte incriminé avaient une origine diverse, quelle est la loi à laquelle on aurait pu s'attacher ? La loi d'origine de l'offensé? Mais c'eût été le contrepied du principe adopté en matière civile. C'était, en effet, la loi du défendeur qui faisait la règle, et ici on eût adopté la loi du demandeur. Se fût-on attaché à la loi d'origine de l'offenseur? Mais l'offensé n'aurait pas eu, pour sa garantie, la loi dont il eût subi les effets s'il l'avait lui-même violée. Est-ce que ce résultat eût été juste ?

D'ailleurs, quelle loi eût-on appliquée en matière pénale aux étrangers, à ceux qui n'étaient pas des regnicoles?

Cette grave question n'a pas été éclaircie et semble même n'avoir pas beaucoup préoccupé les savants.-M. de Savigny (Histoire du Droit romain au moyen-âge, chap. 1, t. I, p. 122) l'a soulevée; il professe, en principe, que la composition due pour un délit se réglait suivant la condition de l'offensé. C'eût été là une bien évidente dérogation à la règle du Droit civil d'après laquelle, jusqu'au Xe siècle au moins, on devait suivre la loi du défendeur.

Toutefois M. de Savigny cite un texte de la loi salique qui prouve qu'en cas de vol par un Romain au préjudice d'un Franc, l'amende était de 62 solidi,

et qu'au cas de vol par un Franc au préjudice d'un Romain, l'amende était de 30 solidi.

Ainsi la loi salique aurait été dans un cas applicable en raison de la qualité de l'offensé, et, dans l'autre cas, en raison de la qualité de l'offenseur.

Il nous paraît difficile d'admettre que le principe de la personnalité ait régi les matières pénales. Que ce principe ait réglé la forme des actes, la conséquence attachée par voie de présomption aux contrats; qu'il ait réglé l'ordre des successions, gouverné les familles et les propriétés, tout cela est conforme aux conséquences d'une conquête qui ne se proposait pas pour but la destruction des vaincus, mais réclamait seulement le partage du sol en se faisant seulement un peu la part du lion.

Nous croyons avec M. Pardessus, avec M. Aug. Thierry (1) qu'au dessus des lois spéciales de chaque race il y avait une loi commune, générale, qui régissait les habitants de tout le territoire sans aucune distinction d'origine.

Il n'est pas possible que le pouvoir, qui gouvernait les conquérants, s'en soit remis à la loi des vaincus pour déterminer ce qui leur était permis et ce qui leur était défendu.

Aussi, M. de Savigny lui-même (2) reconnaît-il que dans les Capitulaires il y en avait qui avaient un caractère général et s'appliquaient, par exemple sous

(1) Histoire du tiers-état, 2e édition. I, ch. 1, p. 6. (2) Histoire du Droit romain, t. Ier, p. 122.

Charlemagne, à l'empire tout entier sans distinction entre les peuples d'origine diverse, tandis que d'autres avaient un caractère spécial et n'étaient faits que pour s'ajouter à telle ou telle loi ou pour la modifier (1).

Mais quelle était cette loi supérieure aux autres lois spéciales ? C'était la loi de la conquête primitive; la loi salique, la LOI proprement dite. C'était, ce semble, la loi Ripuaire sous la seconde race, si l'avènement des Carlovingiens s'explique par une seconde invasion germanique.

Mais pourquoi donc avons-nous parlé des autres lois en matière pénale ?- D'abord, parce qu'il est vraisemblable qu'en thèse générale, au moins, elles étaient suivies comme loi quand l'offensé et l'offenseur avaient la même origine et qu'il ne s'agissait que de faits qui ne s'attaquaient pas à l'existence du pouvoir, ou à la répression desquels le pouvoir croyait ne pas avoir d'intérêt bien direct; -en second lieu parce que les lois spéciales, comme les éléments auxquels elles correspondaient, ont apporté chacune son contingent à l'œuvre de notre législation.

Ainsi le Droit pénal des Bourguignons dont M. Guizot (2) a constaté avec tant de soin la su

(1) Nous réjetons l'opinion de du Cange qui ne voit dans les Capitulaires que des suppléments, des appendices des dif férentes lois spéciales aux populations d'une certaine origine. -L'opinion de du Cange a été brillamment développée dans la Revue de législation, tome III de la 1" série. — Article de M. Jamet, p. 241.

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(2) Dixième leçon sur l'Histoire de la civilisation en France.

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