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teur est lié à l'infraction par le même lien, bien que ce lien puisse avoir moins d'énergie et d'intensité. Le lien qui unit le complice à l'infraction n'est pas, lui, un lien de cause à effet; c'est un lien indirect, médiat; l'œuvre du complice a consisté dans des faits accessoires qui ne sont pas, par eux-mêmes, constitutifs de l'infraction, mais qui l'ont excitée, favorisée, avec l'intention qu'elle s'accomplit. Considérés en eux-mêmes et isolément de l'infraction à laquelle ils se rattachent, ils ne seraient pas punissables; ils sont, en effet, extrinsèques à l'infraction et ne la constituent pas; ils ne deviennent punissables que par le résultat auquel ils ont servi, par la part d'influence qu'ils ont exercée.

Voilà des principes dont la formule peut varier, mais sur lesquels, au fond, on est à peu près d'accord. Les difficultés et les controverses ne surgissent que lorsqu'on veut arriver à l'application.

L'agent qui provoque au crime, qui le commande ou qui donne mandat de le commettre, et paie l'exécuteur, l'agent, en un mot, qui trouve un bras pour l'accomplissement de sa résolution, à lui, est-il auteur principal, coauteur de l'agent, son instrument, ou n'est-il que le complice de cet agent?

L'agent moral et l'agent physique, dit-on, doivent être placés sur la même ligne; ils sont des codélin– quants. La participation morale, quand elle est directe, quand elle est la vraie cause impulsive, ne saurait être regardée comme une participation accessoire: l'auteur de la résolution criminelle est toujours aussi

met ensuite un délit; l'art. 58, quand l'agent, condamné par la juridiction militaire ou maritime à plus d'une année d'emprisonnement, pour un délit punissable en vertu de la loi pénale ordinaire, commet un second délit.

Ce paragraphe parle, en effet, non seulement des crimes, mais des délits; il eût été, ce semble, mieux placé à la suite de toutes les dispositions qui concernent la récidive.

C'est au juge chargé de l'application de la peine, et non au juge du fait, qu'appartient le droit de statuer sur l'existence de la récidive; la jurisprudence et la doctrine ont considéré qu'il s'agissait d'un élément extrinsèque à l'infraction, d'une qualité de l'agent, qui appelait une répression plus forte, mais qui ne se rattachait pas au fait..

DIX-HUITIÈME LEÇON.

COMPLICITÉ: degrés dans l'association à l'infraction.-Participation directe, immédiate à la violation de la loi. Participation indirecte, médiate, secondaire à cette violation.-Différence entre les coauteurs ou codélinquants et les complices.-Caractères essentiels des faits de complicité.-Droit rationnel.-L'ordonnateur du crime doit-il être considéré comme auteur principal, comme coauteur de l'agent d'exécution?-Dissidence sur ce point avec les théories en crédit.-Pourquoi la résolution et les actes préparatoires, qui ne sont pas punis, en général, chez l'agent principal, sont-ils punis chez l'agent secondaire ?-Pourquoi le complice doit-il bénéficier du désistement de l'agent d'exécution ?-Le complice est-il responsable de toutes les chances attachées à l'exécution de l'infraction ?-Distinctions. - Dissidence avec des auteurs graves.-Le désistement du complice avant la consommation de l'infraction l'abrite-t-il contre la pénalité ?-N'est-il efficace qu'à la condition d'avoir été notifié à l'agent d'exécution ?-Discussion.-Rejet d'une solution trop absolue.-Le désistement postérieur à l'accomplissement de l'infraction serait sans valeur.-Les faits postérieurs à l'infraction peuvent-ils être considérés comme des faits de complicité ? -Le complice et l'auteur principal doivent-ils être punis du même genre de peine? Historique de la complicité.-Loi Romaine: Trois complicités complicité réelle, complicité présumée, complicité spéciale — Quelques questions résolues par la loi romaine. -Lois barbares.-Ancien Droit. -Loi des 19-22 juillet 1791.-Code pénal des 25 septembre-6 octobre 1791.-Code de 1810.-Trois complicités : complicité réelle, complicité présumée, complicité résultant de faits postérieurs à l'infraction, recel.—Questions diverses.-Définition limitative des faits de complicité.-Conséquence. -Les faits élémentaires de la participation comme coauteur ne sont pas définis.-Conséquence.

MESSIEURS,

Je n'ai, jusqu'ici, mis en présence de la loi et de la pénalité que l'agent auteur du fait ou de la tentative

J'insiste sur cette observation, parce que, d'une part, elle est de nature à défendre notre loi contre des critiques qu'on a peut-être trop multipliées, et que, d'ailleurs, elle est de nature à bien vous faire comprendre la différence qui existe, et que j'ai toujours signalée, entre la justice morale et la justice sociale. L'auteur d'une résolution criminelle qui la fait partager à son instrument, tandis qu'il ne s'associe pas à l'exécution, ne pourrait être juridiquement puni, à titre d'auteur principal, qu'autant que la société, en principe, voudrait frapper la volonté arrêtée lorsqu'elle aurait des moyens de constater son existence. Or tel n'est pas le principe de notre Droit pénal.

La loi, en général, ne punit pas la résolution, l'acte préparatoire; pourquoi les punit-elle chez l'agent qui, dans notre terminologie, n'est qu'un agent secondaire?

La loi punit la résolution et l'acte préparatoire chez l'agent principal, quand ces éléments ne restent pas isolés, quand ils sont suivis d'une infraction ou même d'une tentative qui n'a manqué son effet que par une circonstance indépendante de la volonté de son auteur; elle doit également les punir chez l'agent secondaire, sous les mêmes conditions, quand l'infraction a été commise ou tentée. L'agent secondaire, en effet, a contribué à la violation du commandement

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social; son concours, pour être moins direct, n'est guère moins dangereux.

De ce que le complice supporte la responsabilité d'un fait qui, légalement, n'est pas le sien, qu'il est seulement réputé avoir voulu s'approprier, il suit qu'il profite du désistement de l'agent d'exécution, d'une bonne pensée, d'une pensée de repentir ou d'une pensée même de crainte à laquelle il ne s'est pas associé (1). Que l'inexécution soit ou ne soit pas pour lui un mécompte, une déception, elle lui profite et le dérobe à la pénalité. Mais par contre ne doit-il pas courir toutes les chances attachées à l'exécution?

Oh! sans doute, s'il n'a voulu qu'un vol, il ne sera pas responsable d'un meurtre; s'il n'a commandé qu'un enlèvement, il ne sera pas responsable d'un viol (2); mais ne sera-t-il pas responsable des moyens employés à l'accomplissement du but final, par exemple, de l'escalade, de l'effraction qui auront été commises pour la perpétration du vol?

Oui, il les a prévus ou a dû les prévoir, par cela seul qu'ils sont en rapport avec le but. La loi doit présumer qu'il a donné une sorte de blanc-seing à l'agent

(1) L'ordonnateur du crime, s'il était considéré comme un coauteur, ne devrait être affranchi de pénalité qu'à la condition. que le désistement lui serait personnel.-La conséquence serait qu'une résolution, dont l'accomplissement n'aurait pas même été tenté, tomberait sous la répression sociale. C'est dans ce dernier sens que la question est tranchée par les art. 58 et 81 du Code de Bavière.

(2) Sic, Faustin-Hélie et Chauveau, t. I, p. 391 et 392.

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