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<<< tous les yeux avec leur vrai caractère, sinon de les qualifier comme ils méritent de l'être ?

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<«< Or, son moyen de les qualifier et de les faire <«< connaître, c'est précisément de les ériger en crime, et de les frap, er d'une peine proportionnée à leur danger.

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Quand il l'a fait, nul ne peut plus en prétexter « cause d'ignorance.

« Ce n'est pas assez, dira-t-ou. On voit bien là «< comment la peine, en pareil cas, n'est pas substan« tiellement inique. Mais dans l'application, elle le

sera toujours plus ou moins. Le législateur a beau « avertir, le législateur a beau menacer, la conscience « du coupable n'étant point éveillée, à l'égard d'actes « de cette espèce, au même degré qu'à l'égard des <«< autres actes criminels, en théorie, la peine pourra <«< cadrer avec la nature de l'acte; en fait, elle sera disproportionnée à la culpabilité de l'individu. Manifestement, ceci change la thèse.

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<< Ce n'est plus la loi qui se trouve nécessairement illégitime, ce sont les jugements rendus en consé«quence de cette loi qui risquent de l'être.

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Or, ce danger d'une certaine disproportion pos«sible entre la criminalité de l'acte et la culpabilité « de l'agent, n'est point particulier à la nature de << faits qui nous occupe; la disproportion peut se << trouver dans mille autres, elle est seulement ici << plus en évidence.

« Le remède, c'est, d'une part, d'éclairer la con<< science des hommes, et c'est ce que fait merveil

«leusement, par exemple, l'éducation des camps à « l'égard des délits militaires; de l'autre, c'est de « n'appliquer, autant que possible, que des peines susceptibles de gradation.» (Revue française. 1828. n° de septembre, p. 57.)

M. de Broglie prétend, il est vrai, que l'agent, en commettant des infractions à la discipline militaire et au régime sanitaire, pourrait et devrait avoir conscience du mal qu'il s'expose à causer.

Qu'est-ce à dire ?

La punition n'a de droit que sur une intention prouvée, une volonté réalisée; elle ne saurait atteindre un agent, à raison d'une intention qu'il aurait pu ou dû avoir, mais qu'enfin il n'a pas eue. Or M. de Broglie suppose, avec nous, que l'agent a bien eu la volonté de violer la consigne ou le réglement sanitaire, mais qu'il n'a pas eu, de fait, la volonté de livrer ses compagnons d'armes à l'ennemi, ou d'apporter la contagion à ses concitoyens; la gravité de la peine ne peut donc se justifier que par l'extrême importance de la prescription. La légitimité de la sanction gît dans le caractère de l'intérêt social qu'elle est chargée de protéger.

Nous nous écartons du système de l'école éclectique, en ce que nous n'exigeons pas que la pénalité sociale ne dépasse pas le maximum d'expiation due à la loi morale, maximum qui est, pour nous, l'in

connu.

Nous exigeons seulement, comme condition de légitimité: 1° que la peine ne soit pas, en soi, dans sa

nature intrinsèque, immorale, comme serait l'obligation imposée à une femme de se prostituer; 2° qu'elle soit édictée par le dépositaire de la souveraineté sociale; 3° qu'elle sanctionne, dans l'intérêt de la société, un commandement conforme aux inspirations immédiates ou seulement médiates de l'ordre moral 4° qu'elle n'excède pas le degré d'intensité nécessaire pour assurer le respect de ce commandement.

Interrogées sur le point de savoir si une peine réunit ces quatre conditions, la conscience publique et la raison générale trouveront en elles-mêmes les éléments de réponse. Mais comment, sans être associées aux secrets de Dieu, pourraient-elles dire qu'une peine n'est pas en dehors des limites de la justice céleste ?

La solution que nous combattons semble supposer que toujours le pouvoir social, le législateur obtendra la grâce d'une révélation divine.

Tout cela découle de cette idée que le pouvoir humain est, dans la détermination et l'application des peines, le délégué, le mandaire conditionnel de Dieu; «< il n'usurpe pas sur le droit du Très-Haut, « dit M. de Broglie, en parlant du législateur, il le << sert au poste où il est placé, il avance son règne « sur la terre.» (Revue française, 1828, n° de septembre, p. 41.)

M. Rossi est encore plus explicite lorsqu'il parle de la justice humaine : « émanation de l'ordre moral, c'est à l'ordre moral qu'elle tend; c'est pour leur rappeler les principes de l'ordre moral qu'elle se

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« manifeste aux hommes, et pour leur fournir le « moyen de s'élever eux-mêmes à la source céleste « d'où elle émane.

<< Mais si telle est l'origine de la justice sociale, si << on doit voir en elle, je dirai presque, une délégaa tion de la justice éternelle, peut-on croire qu'elle puisse être excrcée par un pouvoir humain, sans «< conditions et sans règle? »

Que la justice humaine soit soumise à des conditions et à des règles, c'est ce que nous proclamons avec l'école éclectique : nous subordonnons la légitimité du commandement à la double condition qu'il n'entreigne pas la loi morale et qu'il ait un intérêt social pour fondement; mais la légitimité de la sanction n'a, pour nous, d'autre limite que la limite de l'intérêt de la société, apprécié par la raison publique dont le pouvoir est l'interprète.

4 OC 62

TABLE.

BRITIST

PREMIERE LECON

SOMMAIRE

Prolégoménes.-Objet du Cours.-Son importance.-Ses rapports.-Ses éléments Conditions de l'étude du Droit pénal.-Philosophie. -Histoire.-Utilité de l'histoire du Droit pénal.— Réfutation d'une opinion de Boitard. —Une question philosophique et deux questions historiques.-Ouvrages à consulter.

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Question philosophique. — Qu'est-ce que le Droit pénal ? — Sa définition peut-elle être séparée de la définition du Droit en général ?-Cinq définitions rejetées Définition adoptée.— En quel sens le Droit est-il éternel, immuable, nécessaire? -Le Droit, n'est-ce pas ce qui est souvent appelé le Droit naturel ? De diverses définitions du Droit naturel.— En quoi le Droit naturel se différencie-t-il de la loi morale et de la loi religieuse ? — Caractère et rôle du Droit pénal. Pages... 1-26

DEUXIÈME LEÇON.

SOMMAIRE.

Suite des Prolegomèmes.-Questions historiques.-Division en cinq périodes.

1° Sources du Droit pénal du V au XIe siècle : Élément ger

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