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voisins de la période précédente pour ne pas être des témoins importants. Ce sont: 1° les établissements et coutumes, assises et arrêts de l'échiquier de Normandie. On discute sur la date à laquelle remontent ces établissements.

Quant aux assises, elles ont été tenues de 1234 à 1236 à Caen, à Falaise et à Bayeux.

Les arrêts de l'échiquier de Normandie ont été rendus à Rouen, à Caen et à Falaise, de 1207 à 1245. Toutes ces pièces sont rédigées en vieux français : M. Marmier les a publiées en 1839.

2° Le Conseil de Pierre de Fontaines à son ami et à tous les autres: cet ouvrage date de 1254 à 1270. Pierre de Fontaines fut bailli de Clermont et maître des requêtes sous saint Louis.

3° Les Etablissements de saint Louis: cet ouvrage est plutôt une compilation sur ces établissements que la reproduction de ces établissements eux-mêmes; il date de 1270.

4° Les Coutumes de Beauvoisis, par Philippe de Baumanoir: cet ouvrage date de 1283. M. le comte Beugnot en a donné une nouvelle et excellente édition en 1842.

Ces trois derniers monuments scientifiques n'ont pas pour objet de reproduire, et ne reproduisent pas, en effet, le Droit féodal dans toute sa pureté. Leurs auteurs, sous les inspirations du Droit romain, modifient et amendent le Droit objet de leur étude.

Pendant cette période au moins, il est certain que les Compilations de Justinien s'étaient répandues en

France, comme le prouvent et le decretum d'Yves de Chartres, l'élève de ce Lanfranc qui dirigea avec tant d'éclat l'enseignement en Normandie, dans l'abbaye du Bec et dans le monastère de St-Etienne de Caen, et le recueil de Pétrus, intitulé Petri exceptiones legum romanorum, ouvrages qui tous deux ont préparé en France l'action, ou plutôt, comme l'a si bien dit M. Laferrière l'apostolat juridique de l'école de Bologne (1).

Le Droit canonique eut un monument pendant cette période : la collection des Décrétales faite par Gratien en 1151; elle est appelée Décret.

2° J'ai dit que le fractionnement et l'éparpillement de la souveraineté expliquent comment prévalut en matière pénale un principe de nivellement et de fusion, le principe que la justice compétente et la loi applicable, sauf le cas de délit flagrant, étaient la justice et la loi, non du lieu du délit, mais du domicile de l'auteur du délit.

J'ai dit que la souveraineté était subordonnée à la propriété et en dérivait; la loi et la justice étaient donc l'expression de la propriété. Chaque souveraineté locale avait par suite le droit de revendiquer les hommes qui lui étaient soumis pour les juger, c'est-à-dire pour les proclamer coupables ou

innocents.

(1) Voir M. de Savigny, histoire du Droit romain au moyenâge, traduction de Guenux, t. II, p. 82, édit. de 1839; et l'Histoire du Droit français, de M. Laferrière, t IV, p. 277.

Les serfs étaient jugés par le propriétaire auquel ils appartenaient; les colons par le maître, le seigneur de la propriété qu'ils cultivaient; « entre eux et leur seigneur il n'y a pas de juge fors Dieu, » dit Pierre de Fontaines (1).

Les hommes libres étaient jugés savoir :-les bourgeois, par la justice de la commune dont ils faisaient partie;-les nobles, par le seigneur dont ils relevaient, mais par le seigneur présidant un certain nombre de leurs pairs, leurs égaux dans l'échelle féodale. L'origine individuelle s'effaçait devant la loi personnelle au souverain.

3 J'ai dit que le fractionnement et l'éparpillement expliquent le principe en vertu duquel s'est faite plus tard la division de la France en Pays de Coutumes et en Pays de Droit écrit.

On comprend que les usages qui prévalaient dans chaque agrégation féodale s'imprégnaient plus ou moins de l'élément germanique ou de l'élément romain, suivant l'importance comparative de nombre et d'influence des races. Au nord l'élément germanique était prédominant; au midi l'élément galloromain était prédominant; de là, plus tard, au nord les pays de Coutumes, ei au midi les pays de Droit écrit.

Quel est le principe qui domine le Droit pénal peudant cette période ? Le système des compositions, ce

(1) Voir M. Guizot, Histoire de la civilisation en France, 8o leç.; M. Laferrière, Histoire du Droit français, t. IV, p. 476-495.

système, si profondément empreint de l'idée de vengeance individuelle à laquelle il porte cependant une première atteinte, est grandement entamé et tend à disparaître.

Les crimes désignés sous la dénomination de trahison et de foi mentie, les attentats aux liens hiérarchiques de la féodalité sont punis de mort et de la privation, sous le titre de commise, du fief ou de la subdivision du fief, source du droit violé. Cette peine, spéciale aux rapports féodaux, n'est pas seulement un accessoire de la peine de mort, elle est aussi édictée comme peine principale. Les atteintes moins graves aux devoirs de la féodalité sont punis d'amendes.

Les crimes d'assassinat, de viol, de rapt, d'incendie, de vol, de recel sont, en général, punis de mort; toutefois, le consentement de la partie lésée, avec l'adhésion du seigneur direct et de sou suzerain, pouvait convertir la peine capitale en peine pécuniaire.

Les délits moins graves n'entraînaient que des réparations en argent au profit des parties lésées, et des amendes au profit du seigneur justicier (1).

M. Ortolan considère qu'à cette époque le principe de la vengeance seigneuriale a remplacé le principe de la vengeance individuelle. Deux motifs nous portent à penser que le principe de la vengeance seigneuriale était bien loin de constituer un principe exclusif et même un principe prédominant.

(1) Theorie des lois politiques, deuxième partie, liv. Ier, chap. I, I, I et IV, p. 17 et suiv.

des

1° C'est d'abord la persistance du combat judiciaire, de bataille;

gages

2° C'est le fait que la partie lésée conserve le droit de réclamer l'application de la pénalité, qu'elle dispose de l'action répressive et que la poursuite d'office à la requête du juge n'est qu'une exception, que cette poursuite n'a lieu qu'à défaut de poursuite individuelle.

J'arrive à la période du XIII' au XVI siècle, et je m'adresse encore ces deux questions :

1° Quelles sont les sources du Droit pénal du XIII au XVI siècle ?

2° Quels principes ont animé ces sources?

I.-Je veux d'abord jeter avec vous un regard sur le mouvement politique qui caractérise cette période. Nous avons vu, dans la période précédente, la féodalité partout victorieuse et partout morcelant avec la souveraineté, la loi et la justice.

C'est à une réaction que nous allons assister; c'est un effort vers l'unité, c'est une œuvre de centralisation qui vont se développer devant nous.

La féodalité avait construit la royauté capétienne à son image et avait cru la condamner à n'être qu'une haute et suprême seigneurie.

A partir du XIII' siècle, la royauté ose être infidèle aux traditions de son origine; aidée des souvenirs et des notions du Droit romain, qu'elle veut faire revivre et propager, elle revendique un rôle plus

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