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il était aussi trop marquant: il n'y vint qu'un petit nombre, et la réunion fut bientôt dissoute.

Dans la séance du 14 février 1821, une discussion sur le procès-verbal fut très-animée. Le côté libéral avait plus de quatre-vingts membres. Il essayait et augmentait ses forces dans ces sortes de discussions; il les provoquait et les suivait avec autant de chaleur que de constance. Dans celle dont je parle, j'eus l'occasion de parler de la différence des partis et des factions.

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L'esprit de parti est très-différent de ce<«<lui de faction. L'esprit de parti est inhérent << à tout gouvernement libre, à tout gouverne« ment représentatif; il peut être plus ou moins ( énergique, plus ou moins utile. L'esprit de « faction, au contraire, veut agir; il pousse à << des actions criminelles; il veut la destruction « de l'ordre établi. L'esprit de parti peut être « avoué hautement : bien plus, il est nécessaire « pour combattre l'esprit de faction. Je déclare qu'en 1792 j'étais un homme de parti ; je m'en fais gloire.» Ici je fus applaudi du côté droit. « Le parti royaliste - constitutionnel a fait alors « tous les efforts qui ont dépendu de lui pour empêcher la chute du trône. Un parti peut donc «<exister dans cette enceinte, sans qu'on doive « s'élever contre lui: mais la faction ne pourrait

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« pas y exister; et si l'on y soupçonnait son exis«< tence, ce serait à une accusation formelle qu'il << faudrait recourir.

« Ainsi donc l'esprit de parti existe et doit « exister parmi nous : l'esprit de faction, sans << doute, n'y existe pas; mais je suis fâché de << voir que toutes les fois qu'il s'agit de l'esprit « de faction, nous voyons des hommes s'alarmer, s'inquiéter, manifester de l'indignation, de la «< colère même, comme s'ils étaient accusés. Je «< crois cette conduite au moins imprudente. Vous << vous rappelez que ces mots, faction perma« nente, prononcés par M. Delalot, ont excité << une indignation, une colère extraordinaires: <«< la faction n'existant pas ici, je serai toujours « étonné de l'effet que ce mot produit sur des << membres de cette assemblée, toutes les fois qu'il est prononcé.

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<< Je pourrais à ce sujet rappeler un certain << proverbe trivial, mais d'un sens clair et juste. M. Alexandre de Lameth me cria de sa place: « Quel est ce proverbe? dites-le. » Je lui répondis : « Les proverbes sont la sagesse des peu

ples; mais celui-ci est trop vulgaire pour être « exprimé à cette tribune. On le comprend as<< sez, et il a exprimé ma pensée. Elle n'a rien << d'offensant; c'est un conseil, non une offense.

« Mais si la faction n'existe pas

dans cette en«< ceinte, elle existe au-dehors; elle est forte, « elle est unie, elle a une seule et vaste espé❝rance; et comme l'a dit il y a peu de jours le << ministre d'une nation voisine, cette faction

agit avec une sympathie redoutable. Ce mi«nistre avait réfléchi sur l'expression qu'il pro<«< nonçait. Oui, c'est une sympathie redoutable «<et terrible, qui du sein même de cette im« mense capitale s'est fait entendre et s'est mon«<trée au-delà des Pyrénées et des Alpes. Cette << faction s'augmente par ses succès, s'irrite de << ses revers; rien ne l'arrête; depuis cinq ans, « vous voyez ses progrès. Il est temps enfin de la combattre et la renverser. pour << Je l'avouerai, il fut un temps où l'on aurait «<pu l'étouffer; mais peut-être maintenant a-t« elle fait tant de progrès, qu'il sera très-difficile « d'arriver à sa destruction entière. »

<< nous unir

Toute la droite s'écria: Non! non! nous y parviendrons! Le centre gardait un morne silence. Ces bons ventrus s'effrayaient de mon hardiesse ; ils trouvaient que j'exaspérais la faction; et plusieurs me le dirent après la séance.

Je continuai : « Quand je parle ainsi, je suis « d'accord avec les hommes qui ont réfléchi mû<<rement. Oui, les racines de la faction sont pro

« fondes. Je ne veux pas dire qu'il est impossi«ble de les extirper; mais le premier moyen

pour vaincre est de ne pas s'aveugler sur les « difficultés. Vous entendez tous les jours énon"cer à cette tribune le désir du plus grand suc« cès de la révolte et de la rébellion; on fait des «< vœux pour qu'un mouvement, excité les armes «‹ à la main, et que notre armée a flétri de sa << profonde indignation, quand un très-petit nom«<bre de coupables s'est trouvé dans son sein; << on fait, dis-je, des voeux pour que la chose la «< plus destructive de l'ordre social soit suivie «< d'un entier succès; ces voeux passent les Alpes, «<les Pyrénées; ils sont dans les journaux qui proclament vos séances. Le silence qui a suivi «< ces vœux prononcés ouvertement à cette tri<< tribune, a dû produire au loin de terribles effets.

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« Vous savez quel effet extraordinaire produit << dans les pays étrangers tout ce qui part de cette <«< tribune. Le silence qui a suivi ces vœux imprudents et dangereux pouvait être interprété <«< au loin, si ce n'est comme une approbation de « votre part, au moins comme un signe de votre "faiblesse.

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<< Eh bien, chaque fois qu'on osera énoncer de pareils vœux, nous rappellerons les horreurs « de la révolution, nous dirons que des révolu

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<tions qui ont pour source première ou la rébel« lion à main armée, ou le renversement des cho«ses les plus sacrées, ne produisent que désordre, misère, carnage. Nous dirons que nous <«< avons vu sortir des prisons, des bagnes, des galères, tout ce qu'il y a de plus vil dans la société, pour égorger ce qu'il y avait de plus noble, de plus pur, de plus sacré. Nous dirons « donc aux nations: Profitez de notre exemple, « ne nous imitez pas; c'est à ceux qui ont pris « part à la révolution par des motifs honorables, qu'il appartient surtout de vous avertir des dan« gers qui suivent les révolutions. Ne croyez pas «< que nous faisons ici des vœux pour que vous << nous imitiez; ne croyez pas que nous approu<«<vons ces vœux ; non, notre mémoire est pleine << encore de tout ce que nous avons vu, entendu. << Et dans le moment où je parle, je ne sais ce «< qui me retient; ma mémoire est assez bonne « pour vous le retracer, pour vous faire frémir; << et peut-être cesserait-on ensuite ces discours « imprudents et insensés. Oui, toutes les fois « qu'on fera ici l'éloge de la révolution, nous y «< opposerons tout ce que la révolution a enfanté d'horreurs et d'infamies. » Vive adhésion à droite.

((

<< Qu'on ne dise

pas que

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