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<< de la révolution, parce qu'elle est venue après <«<elle. Non; et c'est ici le moment de procla<< mer une grande vérité. Une révolution insen<«<sible et prudente se faisait dans toute l'Europe «< au dix-huitième siècle. J'en atteste les mânes <«< du malheureux prince qui a péri sur l'écha« faud. Faut-il vous rappeler tout ce qu'il a fait << pour la liberté des Français, ses lois, ses or« donnances, qui toutes tendaient à nous rendre «< une véritable et sage liberté? Eh bien, c'est << du moment qu'il l'a rendue, qu'elle a commencé «< à produire des fruits amers. C'est en le procla<< mant le restaurateur de la liberté française, <«< qu'on lui a fait faire le premier pas vers l'é« chafaud.... » Une très vive sensation se manifesta dans la Chambre.

« Disons donc aux souverains: Vous n'êtes sur

la terre que pour maintenir votre autorité. << Maintenez-la dans l'intérêt de l'humanité; car il n'y a point d'humanité sans une fermeté in<< vincible.

« Je finirai par supplier le ministère d'adopter «< cette maxime : Une ligne droite, décidée; et «< nous serons à vous, et nous vous seconderons « de toutes nos forces, et vous n'entendrez plus « des vœux semblables à ceux qu'on a osé «férer à cette tribune. »

pro

Je descendis de la tribune au milieu des témoignages d'adhésion de toute la droite, de la droite seulement. Elle était nombreuse, mais elle n'était pas la majorité. J'avais déplu au centre. S'il avait osé, il m'aurait crié : Du repos, du repos! Nous ne vous demandons que du repos. Vous venez le troubler.

́Je demande pardon de citer ainsi mes paroles; mon excuse est dans le désir bien légitime d'attacher à ma mémoire l'estime du parti royaliste, de montrer que les avertissements n'ont pas manqué au gouvernement, de prouver que lui seul a causé son renversement par sa mollesse envers la faction. Je suis bien loin de mettre une sotte vanité dans ce que je dis de moi, puisque j'ai dit et prouvé dans les pages précédentes, que les femmes voyaient très-bien les évènements et la conduite des ministres, les jugeaient et annonçaient nos malheurs. D'ailleurs, tout le côté droit exprimait les mêmes sentiments; et dans ces citations, je montre sa conduite comme la mienne; ainsi celle de MM. de la Bourdonnaye, Agier,

que

Delalot, Hyde de Neuville et beaucoup d'autres.

Je suis profondément convaincu que dans quelque situation que soit la France, tant qu'elle aura un gouvernement représentatif quelconque, elle ne pourra maintenir l'ordre social, et se

préserver de l'horrible anarchie

que par

le noble

esprit de parti. Je prie donc de me permettre d'ajouter quelques réflexions à celles que j'ai présentées à la tribune sur ce sujet important.

Dans tous les pays anciens et modernes, quand les institutions ou des agitations politiques portent tous les citoyens à s'occuper de la chose publique, on a vu des partis et des factions. Le parti a un but louable, avoué ouvertement, et d'accord avec ses sentiments; la faction a des sentimens publics et d'autres secrets; elle tend à un but qu'elle n'ose avouer; il faut alors opposer un parti à la faction.

Lorsque les Gracques demandaient à Rome le partage des terres, ils ne parlaient que du désir de soulager le peuple. C'était là le sentiment avoué, et le but ouvertement déclaré; mais le but secret était de troubler la république, d'enlever au sénat son autorité, et de la transporter au peuple le sénat leur opposa le parti qu'il avait sçu se former dans le peuple même. S'il était resté inactif, en n'opposant que la sainteté des lois à la faction, il aurait succombé.

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Parmi nous, la ligue était une faction. Son but déclaré était le maintien de la religion; son but secret le renversement des Valois, et le couronnement des Guises. Le parti royaliste, au

contraire, avait un but déclaré; il s'opposait à l'usurpation des Guises. Catherine de Médicis fit un mal affreux à la France en excitant les Condés contre les Guises, ceux-ci contre les premiers, et en les favorisant tour à tour. C'était ce misérable jeu de la bascule que nous avons vu dans ces dernières années. Elle aurait dû s'unir étroitement, et toujours aux princes de Condé et au roi de Navarre, père d'Henri IV; ils étaient protestants, mais royalistes. Leur nom et leur intérêt leur en faisait un devoir et une nécessité. Alors on aurait vu non pas le parti des Condés, opposé à la faction des Guises, et l'autorité royale tantôt d'un côté, tantôt de l'autre; mais le parti du roi, suivi de touts les royalistes, opposé à la faction des Guises. C'est ce qui arriva, lorsqu'Henri III s'unit à Henri IV, alors roi de Na

varre.

Cette incroyable bascule employée par Catherine a toujours été et sera toujours le dernier degré de l'imbécillité politique. Elle seule, depuis la restauration, a desséché dès leur naissance les heureux fruits que la France devait en attendre.

Le roi Guillaume n'avait pas compris la nécessité de ce principe; il avait créé une administration mixte, composée d'hommes des deux partis

qui divisaient l'Angleterre, les wighs et les torys. Il est essentiel d'observer d'abord qu'ils ne différaient que par des nuances d'opinion. Les uns voulaient une monarchie plus restreinte par les lois; les autres une monarchie plus absolue; mais tous voulaient également l'autorité royale dans toute sa grandeur. On voit combien ces partis étaient différents de ceux qui divisent la France.

Le roi Guillaume tenta l'essai dangereux d'une administration mixte; et malgré tous ses talents, il éprouva de si cruels dégoûts et des oppositions si mortifiantes, qu'il menaçait d'abandonner le gouvernement; il avait même préparé un discours qu'on a conservé, et qui annonçait cette résolution. Elle prouve que son dessein de neutraliser les partis, en les balançant l'un par l'autre, était mauvais, puisqu'il ne put réussir, malgré ses grands talents, la force de son esprit et sa profonde habileté.

Le roi Georges Ier suivit une marche entièrement opposée. Les wighs, bien éloignés de ressembler alors à nos libéraux, avaient tout fait pour lui; il fit tout pour eux. Il leur confia les honneurs, les places et sa personne. Les torys en furent repoussés. Les hommes faibles blâmèrent cette conduite. Ils dirent que le roi se faisait ainsi le roi d'un parti. Mais les évènements prouvèrent

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