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ne sommes pas Romains! Mais ils n'avaient pas le bonheur de vivre dans le siècle des lumières, où l'on voit et entend des choses si belles, mais si niaises.

Il fallut bien que je citasse l'Angleterre, en répondant à un orateur du côté gauche qui l'avait citée. Voici ma réponse, qui, toujours improvisée, prenait sa source dans une âme alarmée des dangers qui nous menaçaient. Un général lut un discours écrit pour affaiblir le pouvoir du roi. On en demanda l'impression; je m'y opposai ainsi :

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«En contestant au roi le titre et le droit de << souveraineté, on a cité l'Angleterre. Il faut apprendre à cet orateur la définition des droits «< de la royauté, adoptée par la nation anglaise, d'après touts ses publicistes, et d'après le par<«<lement. Le roi, disent les Anglais, et c'est un principe sacramentel, le roi est le chef, le prin<< cipe et la fin.

« Je vous demande si le titre de souverain « peut présenter à l'esprit humain une étendue

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plus illimitée que la définition anglaise : Le roi « est le chef, le principe est la fin? >>

Je développai ce principe; le côté gauche me répondit par des éclats de rire, je répliquai :

«Les éclats de rire n'effaceront pas des ou

«vrages anglais la maxime que je viens d'établir; ‹‹ les éclats de rire n'empêcheront pas que l'im" mense majorité des bons Français n'adopte cette « définition, et qu'elle ne devienne aussi une « maxime française. » La droite m'approuva par un mouvement général.

C'est ici que je peux rappeler cette phrase prononcée par M. Royer-Collard, dans la discussion de ma première loi électorale. En approuvant les électeurs de droit, il dit : « Cette proposition a

l'avantage de s'écarter ouvertement du principe << de la souveraineté populaire, et de corrompre par-là la représentation démocratique à sa

(source. >>

Je répondis ensuite à tout ce qu'on ne cessait de dire contre le parti royaliste, surtout depuis plusieurs jours; je récapitulai touts ces reproches, et j'y répondis. Je prouvai que c'était l'autre parti qui sans cesse demandait des choses contraires à la Charte, et qui repoussait l'aristocratie qu'elle consacre. J'ajoutai:

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« Et quand vous venez ensuite vous élever con«tre les lois relativement à la licence de la presse, je puis m'expliquer franchement; caravant qu'on <«<eût fait ces lois contre lesquelles vous criez << sans cesse, j'ai eu l'occasion, dans un faible ou« vrage, de dire ma pensée. J'ai dit que sans lois

" d'exception, en s'appuyant sur les lois ordinaires « et surtout sur le caractère national, on pou<< vait gouverner la France, et la mettre à l'abri « des orages.

<< Mais malgré cela, je n'admettrai jamais qu'un << Etat doive, dans toute circonstance quelconque, « se priver des lois les plus rigoureuses. Il est impossible de prévoir les situations périlleuses « dans lesquelles la France peut se trouver; il en « est telle où vous seriez forcés d'imiter les lois

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anglaises contre la licence. Je vous invite à les « lire, à les méditer. Vous serez étonnés de leur <«< force; elles sont aussi sévères qu'il est possible; <<< et par elles seules ce peuple conserve sa liberté, « comme les Romains ne la conservaient que par « des dictatures temporaires. »

Je répondis ensuite à l'accusation sans cesse répétée contre les émigrés, de vouloir rentrer par des voies illégales dans la possession de leurs biens. Et après quelques raisonnements pour prouver l'impossibilité que de telles choses ne fussent pas connues, je m'écriai: Je défie d'en citer un seul exemple. Ici la droite m'appuya par ces mots : C'est cela! très bien! très bien!

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«< Au reste, ajoutais-je, il est impossible de «voir ces attaques continuelles contre le parti royaliste, sans en découvrir le but et le dessein.

« Un des orateurs que je combats s'est expliqué «<< assez clairement quand il vous a dit : Nous dé« sirons que les peuples fassent une alliance. « Je ne crois pas qu'il soit possible d'entendre «< cette phrase de deux manières. » J'expliquai ensuite tout les effets que devait produire cette provocation à la révolte, sous le nom de l'alliance des peuples.

On voit que la faction ne cachait pas ses désirs; que par eux on pouvait juger de ses projets. Telle fut sa niarche constante. Que faisaient les ministres? Avec M. de Richelieu, qui était à leur tête, ils suivaient paisiblement le beau système de la bascule; ils cherchaient un prétendu milieu, qu'on ne peut trouver en politique dans un temps d'agitations et d'orages. Après l'une des séances dont je viens de parler, M. de Serre, alors garde-des-sceaux, m'aborda, quoique je ne ne l'eusse pas vu et que je ne lui eusse pas dit un seul mot depuis plus de cinq ans. «< Vous venez, me dit-il, de nous donner un bon coup d'épaule. « Plût à Dieu, lui répondis-je, que vo<< tre marche fût si ferme, qu'on n'eût jamais be<<< soin de vous soutenir! Vous nous perdez, mon«< sieur, vous nous perdez! » Il fut attéré de ces derniers mots, prononcés avec cet accent que donne une profonde conviction.

L'acharnement s'étendait jusqu'à l'ancienne gloire de la France; je répondis: << Il semble « que vous ne puissiez louer la gloire nouvelle « de nos armées, sans déprécier l'ancienne. Vous <«< donnez ainsi un mauvais exemple. On pour«<rait, en vous imitant, déprécier la nouvelle, << en la comparant à l'ancienne. Les souvenirs

de l'une et l'autre sont dans nos fastes; pen<< dant plus de neuf siècles nos guerriers n'avaient «vu ni des Cosaques, ni des Allemands à Paris. » Je rappelai notre gloire maritime; et en prononçant le nom du plus grand des capitaines, de Turenne, je citai le mot de son adversaire, accusé devant le conseil aulique : Vous me reprochez d'avoir été vaincu par un homme qui est plus qu'homme. Je ne manquai pas d'observer que Turenne faisait de grandes choses avec de faibles moyens.

Je prie les jeunes militaires qui croient et qui disent qu'on ne connaît l'art de la guerre que depuis nos dernières années, de lire avec attention la célèbre campagne de 1674, de contempler le grand Turenne se mettant lui-même dans une position difficile, devant des forces doubles des siennes, et refusant d'obéir à Louis XIV alarmé, qui lui écrit de sa main qu'il doit se retirer. Cet homme si modeste répond à son roi :

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