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tion révolutionnaire. La France n'aurait vu alors que des partis, et point de factions; on n'aurait pas accusé des ministres d'affaiblir, de détruire l'autorité royale; accusation dont la seule idée est déplorable dans une monarchie où les serviteurs de la couronne ne sont institués par la loi, ne sont choisis par le roi que pour garantir et affermir la stabilité du trône.

Je plaignais sincèrement M. de Richelieu. J'ai fait cent tentatives pour me rapprocher de lui, verbalement, par lettres et par ses amis; mais je ne pouvais renoncer à mon principe fondamental, qui consistait à m'identifier au parti royaliste, et à ne jamais l'abandonner. C'était là ce qu'il appelait avoir une tête de fer. Je puis assurer que jamais, tant que j'ai été son collègue, je n'ai dit un seul mot contre lui, ni au roi, ni aux princes, ni à qui que ce fût, excepté ce que je dis à M. le chancelier, lorsqu'il fut témoin de l'étrange scène dans le cabinet du roi. Un moment après, je travaillai avec le roi il m'eût été bien facile de lui tout dire, et d'invoquer le témoignage de M. le chancelier; je n'en eus seulement pas la pensée. Je croyais que M. de Richelieu souffrait d'une maladie intérieure, et surtout qu'il était cruellement travaillé par la triste position dans laquelle il s'était placé. Ses

actions politiques n'étaient point d'accord avec ses sentiments; son attachement personnel à la Russie était cause que l'on faisait sans cesse intervenir l'opinion de cette puissance dans les affaires de la France; c'était un sujet continuel de conversations, révoltant pour les âmes françaises. La correspondance privée adoptait ces idées indécentes, et le Conservateur les repoussa depuis avec beaucoup de force. On ne saurait croire combien cette malheureuse idée influa sur les destinées de la France. Cela n'empêcha point cette même correspondance de dire, lorsque M. de Richelieu sortit du ministère, qu'il avait cédé uniquement au sentiment de son incapacité.

Ou M. de Richelieu était frappé d'une incapacité réelle pour gouverner, et suivait les inspirations d'une coterie; ou il avait de la capacité, conduisait et maîtrisait les évènements. S'il était incapable, le choix d'un tel ministre était bien déplorable; s'il était habile, il a donc amené volontairement l'état de choses que nous avons vu; car l'habileté consiste à prendre et suivre une marche de gouvernement qui amène inévitablement un état de choses correspondant à la marche que l'on suit : si l'état des choses est précisément l'opposé de ce qu'on a dù chercher, il y a

eu incapacité. Or, M. de Richelieu a dû chercher l'affermissement de la monarchie et l'impuissance de la faction; mais le contraire est arrivé sous ses deux ministères donc il faut en accuser son incapacité.

Dans touts les maux politiques que souffre un Etat, ou dont il est menacé, il faut toujours remonter à la source; il serait absurde de chercher le remède sans connaître la source du mal. Or, la France était cruellement travaillée par une faction; voilà une chose évidente. La restauration du trône des Bourbons était le triomphe de la monarchie contre la faction; cela est non moins évident. Mais pourquoi cette faction s'estelle réveillée, a-t-elle poursuivi ses desseins avec audace? Il y a certainement une cause particulière de son réveil et de son audace. Quelle estelle, encore une fois, si ce n'est la conduite des ministres ?

Voyez ce qui se passe en Angleterre. Qui donc a réveillé le parti libéral? Qui lui a donné de vastes espérances et promis une loi conforme à ses désirs? Qui, si ce n'est le ministère de lord Grey?

A la seconde restauration, les choses furent faites avec une débile faiblesse. On perdit le fruit de la clémence, parce qu'elle ne se mani

festa point avec grandeur; elle paraissait craindre, et non pardonner, ne pas oser se venger, et non s'élever au-dessus de la vengeance.

Il eût été facile de tout rallier sur les choses qui intéressaient l'honneur indivisible de la couronne et de la nation : il suffisait de montrer par ses paroles, par ses actions, que cette grandeur était la pensée dominante du gouvernement; elle serait bientôt devenue la pensée générale, et dès lors elle eût été le ciment qui aurait uni la couronne à la nation.

Il est facile de voir que, dans l'attaque comme dans le succès, la faction a toujours déployé, manifesté une idée principale; c'était un combat opiniâtre contre le parti royaliste. Cette idée dominante devenait une bannière sous laquelle on se ralliait, à laquelle on se reconnaissait; ce fut le vrai ciment de la faction. Mais le ministère ne conçut pas même l'ombre d'une pensée principale: que dis-je ? il eut une pensée principale; mais elle était contraire à la monarchie, puisqu'elle était contraire au parti royaliste.

A la seconde restauration, dans un moment où le cri général demandait un gouvernement fort, on vit se former et s'étendre le système le plus inconcevable. Sous un roi, des ministres se déclarèrent les ennemis des royalistes, et rani

mèrent des espérances qui s'affaiblissaient touts les jours. Etouffer les nobles pensées monarchiques, ou ranimer les pensées révolutionnaires, sont une seule et même chose. Touts les fonctionnaires royalistes, ceux qui s'étaient conduits avec le plus d'énergie furent destitués; MM. de Feltre et Dubouchage furent remplacés.

M. de Talleyrand avait eu une conduite bien différente après la seconde restauration : l'ordonnance relative à la Chambre des pairs, celle qui supprimait les journaux existants pour en créer d'autres, les fonctions électorales confiées à des électeurs nommés par le roi, la liste des hommes qui avaient le plus combattu la royauté, tout cela prouve combien alors sa marche fut monarchique et différente de celle de M. de Richelieu.

Mais encore si l'action d'accabler les royalistes avait seule relevé les révolutionnaires, si les ministres s'étaient bornés à ce jeu honteux de la bascule mais ils ont porté les choses bien plus loin; ils ont fait des lois pour les révolutionnaires; ils les ont arrachées aux Chambres; et les premières bases de ce système ont été posées sous la présidence de M. de Richelieu. La faction s'est réveillée, parce qu'on l'appelait ; elle a grandi, elle a marché de succès en succès : elle devait se conduire ainsi, puisqu'on l'a encouragée.

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