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mentale, l'arranger, la combiner, produira toujours un ouvrage informe et sans consistance.

D'un autre côté, examinez dans les détails cette même question; vous y verrez encore la faiblesse des choses écrites.

A l'avènement de Charles II, un bill confirma, étendit toutes les prérogatives de la couronne par les expressions les plus fortes, les plus expressives. Il ne dit pas avec notre laconisme: La personne du roi est inviolable ct sacrée; il emploie des pages entières pour prévenir tout attentat contre elle. Eh bien! ce même parlement qui avait écrit ces belles pages, s'éleva contre le roi avec la plus extrême violence.

Lorsque Jacques II monta sur le trône, l'Angleterre, fatiguée de ses discordes, courut audevant de l'autorité. Elle manifesta le désir d'une royauté forte. Le parlement lui assigna un revenu fixe et considérable. Les communes s'exprimèrent de la manière la plus respectueuse. Jamais, peut-être, Louis XIV n'entendit un langage aussi soumis. Vous savez si ces belles pages écrites préservèrent Charles II de bien mauvais jours, et Jacques II de sa chute et de la ruine de sa maison. Vous me parlerez de leurs fautes; je vous répondrai, d'après vous-mêmes: Donc tout dépend de la conduite des monarques, donc les

lignes écrites ne servent à rien. Bien plus, les Constitutions écrites sont un piége pour le monarque, parce qu'elles sont sujettes à mille interprétations de sa part et de celle de ses ennemis.

Remarquez que les faibles souverains de quelques parties de l'Allemagne, qui ont fait de ces petits livres, sont en proie à des secousses continuelles, et que la sage Autriche, qui n'a rien fait de semblable, maintient ses nombreuses provinces dans une paix profonde, contre laquelle ne peuvent prévaloir les rêves de quelques cerveaux brûlés.

Remarquez que les pages écrites pour la Pologne par l'empereur Alexandre ont servi de texte à l'insurrection de ces contrées, et que les provinces polonaises, auxquelles l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse n'ont tits livres, sont restées tranquilles.

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En 1817, lorsque le prince de Hardenberg médita un petit livre pour la Prusse, une personne de ce pays me demanda mon opinion; je l'écrivis. La première ligne disait : Si le roi de Prusse donne une Charte à son royaume,

perdu. Je développais cette opinion.

Vous

remarquerez aussi que don Pedro a succombé sous les deux petits livres qu'il a faits,

l'un pour le Brésil, l'autre pour le Portugal. J'ai dit que ces petits livres étaient des piéges tendus sous les pas des inonarques. En effet, on exige d'eux de jurer le maintien de leurs pages. Mais que contiennent-elles? des articles sur lesquels personne ne peut s'accorder, que chacun interprète différemment. Vous avez vu cette différence dans toutes nos assemblées. On n'en hurlait pas moins: La Constitution! toute la Constitution! rien que la Constitution! Ensuite, les mêmes cris pour la Charte ; et puis est venue la Charte-vérité. D'honnêtes gens mettaient à tout cela un respect religieux, tandis que d'autres, criant encore plus fort que ces braves gens, se moquaient de leur sotte crédulité religieuse. La Charte, à laquelle se cramponnaient les hommes de bien, les livrait désarmés à leurs ennemis, trop furieux ou trop habiles la pour respecter.

Je ne connais rien de plus cruel que la situation d'un prince forcé de jurer le maintien d'un acte sur lequel il sçait d'avance que tout le monde disputera sans cesse, ministres,. députés, pairs, jurisconsultes.

Il serait temps, enfin, d'imposer aux rois un autre serment : « Je jure de maintenir mon au« torité, et de ne jamais laisser flétrir le pouvoir qui m'est confié. » La magistrature, l'armée,

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les administrateurs répondraient : « Le roi ju* rant de maintenir son autorité, nous jurons de « la défendre. »

Je concevrais un pareil serment; il est clair, il impose des devoirs réciproques. Et si les serments peuvent avoir quelque pouvoir dans les temps où nous vivons, ces simples mots : Je maintiendrai mon autorité, nous défendrons votre autorité, retraceraient du moins des devoirs positifs; mais, quelque positifs qu'ils puissent être, ils ne peuvent enseigner l'art de gouverner; et tout est là.

D'après toutes ces remarques et bien d'autres encore que je pourrais appuyer de faits positifs, je suis convaincu que si Louis XVIII, en 1814, s'était borné à placer près de lui la Chambre des pairs et celle des députés, avec une bonne loi d'élection, les trois pouvoirs se seraient mieux entendus et auraient mieux marché, parce qu'ils auraient été promptement avertis par leur expérience journalière de l'inconvenance ou du danger de leurs démarches, et les auraient corrigés d'eux-mêmes, tandis qu'avec une Constitution écrite, on ne pouvait rien corriger sans la changer. Tout se serait modifié insensiblement sans secousse. Mais, lorsque tout est réglé par des lignes écrites, chacun les interprétant suivant

ses passions du moment, il en résulte un état contraint, fatiguant pour touts, et dont on ne sort que par la violence. Et c'est toujours par la violence que nous avons déchiré nos pages sacramentelles.

Vous en voyez bien la preuve dans l'histoire de nos quinze dernières années. On n'a cessé d'interpréter la Charte de cent façons différentes, de s'accuser mutuellement de la violer. Et toujours mille protestations des libéraux, comme des royalistes, d'un attachement religieux à la Charte! On publiait donc son respect pour une loi qu'on ne comprenait pas; car ce n'est pas comprendre une loi, que de l'interpréter sans cesse, d'avoir des querelles sur le sens des paroles, et enfin d'arriver à une telle situation, que la couronne ayant invoqué l'article 14, on lui a répondu par la résistance; le parti triomphant a regardé comme le plus grand attentat le recours à cet article, et a commis lui-même, quatre jours après, la plus grande inconséquence, en réformant cet article. Rappelez-vous tout ce qu'a dit sur cet article M. le duc de Fitz-James, dans le beau discours prononcé à la Chambre des pairs. Il y parle de la profonde conviction de Charles X sur le sens de cet article. Qui plus que ce prince avait le droit de l'interpréter, comme l'interprétaient des mil

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