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franchement de cet avis. Il aurait entraîné la plus grande partie du côté gauche. Je ne crois pas que depuis la restauration, le ministère ait eu une plus belle occasion de fortifier la monarchie; il suffisait de se réunir à la commission, et d'adopter franchement la marche qu'elle indiquait.

Je prie le lecteur attentif qui lira ce récit, de se demander si c'était être ennemi du ministère que de chercher à le contraindre de prendre une mesure aussi utile qu'une loi spéciale sur les jour naux. Le rapport annonçait avec raison que cette occasion ne se présenterait plus. En effet, les journaux devinrent si puissants, qu'en 1827, on n'osa pas en chercher la répression dans une loi spéciale, mais dans une loi générale, dont l'étendue n'était pas le moindre inconvénient.

Je vous prie d'arrêter votre attention sur ces détails, et de vous demander ensuite si ce sont les fautes des ministères, ou la force des factieux qui amènent les révolutions.

En 1828, le gouvernement présenta aux Chambres l'abolition totale de la censure. Ce fut un très-grand mal. Non seulement il était inouï, comme je le démontrerai bientôt, de voir un ministre travailler diligemment à l'affaiblissement de la couronne, mais encore c'était ôter

aux Chambres un véritable privilége, un privilége essentiel. Car les ministres, lorsqu'ils demandaient la censure, provoquaient par cela même l'examen de leur conduite. C'était une chose parfaitement conforme au gouvernement représentatif, que d'examiner alors si les ministres méritaient cette marque de confiance. D'un autre côté, dans l'absence des Chambres, le roi rentrait dans la plénitude de sa prérogative, en établissant la censure, s'il la jugeait convenable. Ainsi donc, on a détruit en 1828 une chose utile au roi et aux Chambres. Nous avions considéré dans la commission la censure sous ces deux points de vue, et nous avions été unanimes dans l'opinion que je viens d'énoncer.

Si nous n'étions pas si légers, si nous étions capables de persister avec constance dans nos usages, nous aurions conservé la censure avec ses deux attributions relatives à la couronne et aux Chambres. C'était là une de ces institutions établies par la nature des choses, telles qu'il en existe en Angleterre, et qui forment bien plus une Constitution que des lignes écrites. Mais depuis quarante ans, il nous est impossible de rien conserver. Nous détruisons sans cesse.

CHAPITRE X.

Marche du nouveau ministère. Il s'attache au parti royaliste; il abandonne le funeste système de la bascule. Questions sur l'armée et ses dépenses. Congrès de Vérone. Retraite de M. Montmorenci, remplacé par M. de Chateaubriand. Guerre d'Espagne. Ses suites. Commission d'enquêtes sur les approvisionnements de l'armée. Je suis un des membres de cette commission. Conduite envers le roi d'Espagne, après son rétablissement.

Le nouveau ministère eut une marche différente de celui qu'il remplaçait. Nous ne vîmes plus de persécutions contre le parti royaliste, ni ce mouvement honteux de la bascule. Il ne chercha point par faiblesse à relever le parti démocratique. Sa marche fut franchement roya

liste; et cependant touts les symptômes d'une chute prévue continuaient à se manifester. La source du mal était profonde : la voici Les espérances données à la faction pendant dix

ans.

Ce mal était terrible; et peut-être n'était - il plus au pouvoir de l'homme de le déraciner. La faction connaissait sa force; elle l'avait éprouvée dans l'ébranlement de quatre trônes, et dans quatorze conspirations successives. Elle ne pouvait renoncer à des espérances si longtemps inspirées et encouragées; elle continua son funeste travail avec plus d'ardeur. Elle arracha les choses qu'elle voulut arracher. Je le dis avec douleur: ce fut en lui obéissant qu'on fit le traité de SaintDomingue, et que l'on reconnut les provinces de l'Amérique, révoltées contre un Bourbon. Trois grandes opérations balancèrent le mal de celles que je viens de rappeler : l'indemnité des émigrés, la guerre d'Espagne et l'expédition d'Alger. Mais la dernière cause de nos malheurs fut préparée par la division des royalistes de la Chambre élective, d'où elle s'étendit dans toute la France. Je dois m'arrêter ici. C'est en racontant les évènements que nous chercherons les causes de nos malheurs.

Dans ces temps, on parlait beaucoup dans les

Chambres des économies que l'on demandait sur les dépenses de l'armée. Le gouvernement essaya d'en faire dans quelques détails; mais ce fut en suivant ce malheureux système de tout abaisser. On manifesta une défiance honteuse envers les chefs des corps. En Prusse et en Angleterre, on leur accorde la plus grande latitude dans les dépenses de l'habillement. En Prusse, elle est portée aussi loin qu'il est possible. On y trouve sans doute une grande économie, puisqu'on persévère dans ce système. On voit dans le rapport de M. Necker, en 1788, qu'en confiant aux troupes le service du pain et celui des fourrages, on avait obtenu une économie de quatre millions six cent mille francs. On voulait aussi leur confier l'habillement. C'était dans des changements semblables qu'il fallait chercher l'économie. Mais on la chercha, sous Louis XVIII, dans des retranchements inspirés par une défiance, honteuse pour un gouvernement, outrageante pour les chefs de corps. C'était la même marche qu'on suivait envers les préfets. Les petits esprits croient toujours relever le pouvoir royal, en abaissant tout ce qui marche après lui. Il ne voient pas que cela produit l'effet opposé. Lors même que ce système réussit momentanément, il remplit les cœurs d'un mécontentement secret qui éclate

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