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tune immense, si l'emprunt avait été reconnu. On alla jusqu'à demander au roi d'Espagne de reconnaître les provinces révoltées de l'Amérique du Sud, c'est-à-dire de faire la chose la plus odieuse aux Espagnols, la plus opposée à leur caractère, une chose que les cortès avaient déclaré qu'ils ne feraient jamais.

Une suite de démarches non inspirées par d'honorables sentiments, fatiguèrent le roi d'Espagne. Il se passa avant la sédition, et après nos succès, des choses qu'il m'est impossible de me déterminer à écrire. Mais il en est une bien remarquable. Après la pacification de l'Espagne, touts nos généraux qui commandèrent nos troupes à Madrid, rapportèrent de leurs entretiens avec le roi Ferdinand, un vif intérêt pour la cruelle situation dans laquelle on le plaçait. Lorsqu'on rappela les régiments suisses qui étaient encore nécessaires à la tranquillité de Madrid et de l'Espagne entière, ce monarque s'en plaignit douloureusement à M. le général d'Arbaud de Joucques. Dans la suite de cet entretien, il ajouta : «< On veut que je donne une Constitu«tion à l'Espagne, on prétend que je suis ab« solu, on veut que je devienne un roi constitu« tionnel. On ne sait pas que j'ai au-dessus de « moi la loi la plus impérieuse, à laquelle je dois

obéir, le caractère espagnol. Si je m'écartais « des devoirs qu'il m'impose, je perdrais la con« fiance de mes sujets. » Je tiens ces détails de M. le général d'Arbaud de Joucques.

La réflexion de Ferdinand paraîtra juste et frappante aux hommes de bon sens. Mais combien elle sera ridicule aux yeux de ces hommes légers qui, sans caractère, et ne voyant parmi nous rien de ce qui manifeste un caractère décidé, croient qu'il en est de même de touts les peuples. L'Espagnol a la vertu du peuple romain dans ses beaux jours, la constance. Bonapai te l'a éprouvé. Sa puissance, son habileté, son génie ont échoué devant ce caractère inébranlable. Il l'a reconnu lui-même; et de petits esprits voulaient façonner ce caractère et lui donner l'esprit français par la puissance magique de quelques lignes écrites, voulaient lui donner pour modèles dix Constitutions que nous avons conçues, écrites, jurées et déchirées en vingt ans!

Je prie de remarquer ici cette manie de prosélytisme politique. Ce n'est plus maintenant la propagande libérale qui veut enseigner ses dogmes à touts les peuples contre les souverains; ce sont les gouvernements de l'Angleterre et de la France qui veulent convertir un souverain à la foi libérale, et qui veulent l'entraîner dans la route im

prudente des innovations, où s'est perdu Louis XVI; c'est le ministère d'un Bourbon qui fatigue un Bourbon d'instances pernicieuses et de conseils dangereux. On en parlait sans cesse alors; le vrai parti royaliste manifestait hautement son opinion. Ajoutez à tout cela la reconnaissance, dont je parlerai bientôt avec détail, des provinces américaines révoltées contre le roi d'Espagne, et dites maintenant si ce sont les peuples qui font les révolutions.

"Les tracasseries envers le roi d'Espagne furent poussées bien loin. On se rappelle les discours indécents prononcés contre lui à la tribune. Jamais ils ne furent fortement repoussés par les minis tres. Je saisis l'occasion d'un discours prononcé à la Chambre des pairs par le ministre des affaires étran gères. J'exhalai sans ménagement dans la Chambre élective mon indignation de notre conduite envers l'Espagne. Je rappelai qu'elle s'était sacrifiée pour nous, à la fin de la guerre de sept-ans, qu'elle s'était jointe alors à nous dans le moment où notre marine était écrasée, et qu'elle avait ensuite partagé notre gloire et nos succès dans la guerre d'Amérique. Je peignis le caractère espagnol, et je me plaignis des expressions du discours ministériel que j'examinais, et dans lequel je ne trouvais pas les égards dus à un roi, bien

moins encore l'intérêt respectueux que le ministre d'un Bourbon devait à un prince de cette maison. Telle fut la force de mes expressions, que je les terminai en priant la Chambre de pardonner la chaleur de mon discours aux sentiments qu'animaient de si grands motifs. Je dois ajouter que pas un murmure ne s'éleva dans le côté gauche.

Ce discours, prononcé en comité secret, fut dénaturé aux yeux du roi. Je m'en aperçus aisément, lorsque je me présentai devant lui. Je ne fis qu'une réflexion, souvent inspirée aux âmes élevées : Que les rois sont à plaindre! qu'il est facile de les tromper! Mais c'est un motif de plus pour servir avec zèle un excellent prince que ses ministres placent dans de graves circonstances.

Au milieu des discours outrageants pour la couronne d'Espagne, revenaient sans cesse les trente millions qu'on en réclamait pour le séjour des troupes françaises. Je ne crois pas qu'aucun ministre ait repoussé le ton indécent de cette exigence intéressée, indigne d'une grande nation. Loin de là, ils s'empressaient de compter au nombre de nos ressources les sommes réclamées. Combien de Français en rougissaient, en voyant dans le même temps l'Angleterre remettre à l'Autriche quarante cinq millions qu'elle lui devait encore sur un emprunt!

Je ne sais ce qu'aurait pu répondre notre ministère, si Ferdinand lui avait dit : Vous m'avez secouru, vous avez renversé une faction dans mon royaume; mais vous l'avez fait pour votre propre intérêt, parce que, cette faction menaçait votre tranquillité : c'est le grand motif que vous n'avez cessé de répéter dans vos débats avec les ministres anglais, qui désapprouvaient votre intervention. Vous avez toujours dit alors que vous étiez forcés à la guerre pour votre propre sûreté. Mais, en outre, qui porta le trouble dans mon royaume? ce fut d'abord votre empereur par ses armes; ce fut ensuite sa chute et celle de son frère. Mais, lorsque l'Espagne m'eut reçu avec tant d'enthousiasme, devenu paisible possesseur de mon trône, qu'ai-je fait pendant vos cruels cent-jours? Je vous ai offert une armée pour vous secourir; un de vos princes a rejeté mes offres. Bientôt après, c'est de votre capitale que sont partis les excitations à la révolte, les encouragements, les écrits, les passe-ports qui jetèrent le trouble dans mon royaume; ce fut surtout la conduite vacillante de votre ministère, reconnue et désapprouvée au congrès d'Aix-la-Chapelle. . Ainsi, votre armée n'a pas fait autre chose que réparer le mal que vous m'aviez fait, et assurer votre propre tranquillité. Je reconnais hautement

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