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sèrent les ministres, et plus encore par les citations d'un grand nombre de passages de mes ouvrages sur le commerce, et par la manière dont je prouvais dans le Journal du Nord, comment des intérêts particuliers de la capitale introduisaient des marchandises anglaises en France, et ruinaient ainsi les manufactures de Roubaix et de Turcoing, villes de ce département. Ce fut cette prévoyance qui m'inspira la comparaison que je fis alors de notre industrie à celle des temps précédents. Je les examinais sous le rapport de l'invention et de la création, parce que c'était surtout de ces deux choses qu'on louait le temps actuel. En effet, quelles sont les inventions nouvelles de cette industrie manufacturière, que l'on célébrait comme l'effort de l'esprit humain? Les étoffes de coton, inventées dans les Indes, transportées en Europe; les machines de toute espèce, presque toutes inventées dans les derniers siècles et perfectionnées en Angleterre à un degré admirable; la force de la vapeur employée à ces machines et à la navigation. Ajoutons les chemins et les ponts de fer, l'éclairage par le gaz, le sucre de betteraves, si l'on veut, et la potasse factice.

Si je fais les mêmes recherches dans les derniers siècles, je trouve l'imprimerie, la boussole,

la poudre à canon, l'artillerie, les fusils, le nouveau système de fortifications, les verres à lunettes, les télescopes, le papier, les satins, les velours, la dentelle, la batiste, les bas à l'aiguille, les grands vaisseaux substitués aux galères, l'horlogerie, les carrosses et voitures de toute espèce, la porcelaine, les glaces de grande dimension, les tapisseries de haute lisse, les galons, les broderies d'or et d'argent, la peinture à l'huile, la gravure sur bois et sur cuivre, la mosaïque, et enfin la découverte de l'Amérique.

Il suffit de comparer ces deux titres, pour voir combien est grande la différence qui sépare les inventions des derniers siècles de celles du siècle actuel. Les premières ont produit d'immenses résultats. Rien ne peut se comparer aux effets de l'imprimerie et de la boussole. Auprès de la découverte du Nouveau-Monde, tout ce que nous faisons paraît un jeu d'enfant. Un siècle où l'on faisait de si grandes choses valait bien un siècle où l'on ne fait que des révolutions, où l'on ne peut s'arrêter dans aucune, où l'on blâme et renverse le lendemain ce qu'on a construit la veille.

Il est bien certain que la faction, en dépréciant toutes les anciennes inventions industrielles pour relever l'industrie actuelle, avait un but auquel elle tendait sans cesse, c'était de se forti

fier par l'appui de cette masse d'ouvriers employés dans la capitale. Henri IV et Louis XIV avaient établi presque toutes les manufactures loin de la capitale; mais le nombre de celles placées dans son enceinte, augmentait touts les jours sous la restauration, et rassemblait ainsi des bras prêts à s'armer au signal que donnerait une audace toujours croissante. Le gouvernement ne craignait pas ce que les libéraux espéraient. Combien donc l'art d'administrer n'estil pas éloigné de l'art de gouverner!

On se félicitait de ce nombre croissant de manufactures de toute espèce, sans penser que la production devient un pesant fardeau, si elle ne trouve pas de débouchés; on jouissait de ces constructions nouvelles, de ces superbes boutiques; on ne voyait pas que tant de capitaux ainsi employés, étaient enlevés au commerce maritime; on ne voyait pas que tout cela ne faisait qu'accroître la prépondérance de la cité souveraine de la France, qui depuis quarante ans avait fait nos destinées et les ferait encore. J'entendais cependant des gens sensés répéter que toute la France ferait tout ce qu'aurait fait la capitale; je le publiais dans un ouvrage imprimé; mais dans le même temps, un ministre disait avec complaisance à la tribune, que le trésor versait

par jour dans Paris des sommes égales à celles qu'il envoyait ou faisait payer dans les provinces. Je me suis servi plus d'une fois de cette phrase, pour prouver que tout équilibre était rompu, que la circulation même était arrêtée ; je citai la disproportion immense qui se trouvait dans le Calvados, que je pris pour exemple, entre ce qu'il payait au trésor et ce qu'il en recevait, et ce que Paris payait au trésor et en recevait.

Les causes que je viens d'énumérer se joignaient à toutes celles dont j'ai parlé. D'autres encore vont s'y joindre, et rendront une catastrophe inévitable. Elle s'avançait menaçante. Les fameuses ordonnances n'en ont été que l'oc

casion.

On administrait bien. J'y consens, je l'accorde. Mais vous répéterez avec moi : Combien l'art d'administre est éloigné de l'art de gouverner!

CHAPITRE XII.

Avènement de Charles X au trône. Je suis chargé du rapport sur 1a liste civile. La division augmente entre les royalistes. Traité de Saint-Domingue. Plan proposé pour reprendre Saint-Domingue, avant le traité qui l'a cédé. La Chambre élective demande des débouchés pour le commerce C'est la révolution qui a détruit le commerce de la France et augmenté celui de l'Angleterre.

JAMAIS roi peut-être, en montant sur le trône de ses pères, ne vit auprès de lui plus d'enthousiasme, et n'entendit de plus sincères félicitations que Charles X. Il fit son entrée dans Paris, à cheval, à la tête d'une foule de généraux, et au milieu d'une tempête et d'une pluie conti

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