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réjouit de cette déclaration : elle produisit un effet remarquable sur l'armée ; les députés de la Convention concurent des inquiétudes, et les témoignèrent par leurs lettres au terrible Sénat. Mais bientôt ils furent rassurés par un ordre de la cour d'Autriche : le prince de Cobourg publia une déclaration contraire à la première. L'armée ne vit plus alors qu'un devoir, la défense de la patrie, et fut encore plus animée à combattre pour elle.

Lorsque je sortis du ministère, l'un des rois de l'Europe parla de ma retraite au secrétaire de l'ambassade française; l'ambassadeur était absent. Le secrétaire exprima quelques regrets. « Il est vrai, dit le roi, il avait des talents; mais il allait trop loin. » Si l'on avait pu l'interroger, et lui demander en quoi j'allais trop loin, il aurait répondu d'après les inspirations de cette diplomatie qui nous a fait tant de mal, et autant de mal à l'Europe. En parlant ainsi, ce monarque obéissait à cette opinion impolitique dont il ne se rendait pas compte, qui consistait à craindre la prétendue exagération des royalistes, et l'exaspération de l'autre parti. Cet aveuglement était dans toutes les cours, comme dans les têtes de nos ministres on en voit les suites.

Cet aveuglement datait de loin : l'exemple en

avait été donné par l'impératrice de Russie. A la fin de 1788, elle osa faire remettre par son ambassadeur en Suède, une note par laquelle elle séparait la personne de Gustave III de la cause de l'Etat voilà comment les souverains don

:

naient aux peuples les conseils de la révolte. Catherine ne s'arrêta point à une pensée si indigne et si impolitique; elle sema dans la noblesse suédoise les germes de la révolte, en même temps qu'elle faisait à son roi une guerre acharnée : elle le plaça ainsi dans une position terrible, et dans deux espèces de dangers qui s'augmentaient l'un par l'autre.

En août 1788, et au milieu de la guerre, une partie des officiers de l'armée suédoise formèrent une conjuration : elle tendait à traiter, avec l'impératrice, de la paix et d'une nouvelle forme de gouvernement. On ne conçoit pas comment de pareils évènements, dont la cour de France était promptement instruite, ne lui inspiraient pas de sérieuses réflexions sur les chan-gements qu'elle allait provoquer elle-même, en convoquant les Etats Généraux.

Lorsque la conspiration éclata dans l'armée suédoise, Gustave écrivit à un de ses généraux: « Je ne vous dis rien de ma douleur et de mon « désespoir; vous les partagez. C'est aux carac

miens, en disant : «Vous parlez comme si nous étions en révolution; mais nous ne sommes pas en révolution. » Cette dame lui répondit avec beaucoup de bon sens : « Si nous étions en révolution, je parlerais de ce qu'elle aurait déjà fait et de ce qu'elle pourrait faire encore; je ne vous ai pas dit un seul mot de tout cela. Je vous parle des éléments d'une catastrophe, des causes qui nous en menacent depuis quatorze ans, des fautes qui fortifient ces causes touts les jours, des progrès du parti qui en profite: prouvez - moi que tout ce que j'avance n'existe pas; mais si tout cela existe, laissez-moi mes alarmes. »

Chez cette même dame, dans l'hiver de 1830, tandis qu'elle annonçait nos malheurs avec certitude et une véritable éloquence, j'entendis un ambassadeur qui cherchait à la rassurer : il lui disait que la pairie prendrait de la force, en acquérant des richesses; que les fils de pairs épouseraient des héritières, et qu'ainsi la pairie deviendrait puissante. Ce raisonnement présentait un remède ridicule autant qu'éloigné à des maux qui nous menaçaient dans le moment même. C'était ainsi, ou à peu près, que raisonnaient les ambassadeurs étrangers, en 1816, sur les affaires de la France.

Pour être bien certain que la monarchie fran

çaise devait périr, il suffisait de remarquer que touts les actes contraires à l'honneur, et toutes les lois contraires à la monarchie, émanaient de la volonté et de la proposition des ministres, et toujours en opposition aux principes de la Charte. Elle n'avait point conseillé cette proclamation, datée de Cateau-Cambrésis, empreinte d'une mollesse qui faisait peine aux uns et réjouissait les autres, ni ce traité de Paris, dont j'ai démontré l'inconcevable pusillanimité : elle n'avait point dit qu'un régicide entrerait dans le conseil; qu'on donnerait une amnistie aux militaires qui avaient suivi le roi à Gand; que le roi se déclarerait contre les royalistes; qu'il dissoudrait une Chambre toute royaliste; qu'il s'unirait aux ennemis de son frère, en lui ôtant le commandement général des gardes nationales de la France. Tel fut cependant le début à la seconde restauration. On a dit qu'un général anglais avait conseillé une de ces choses; on le répète touts les jours : on ne voit pas que cette excuse rend la faute encore plus honteuse. En effet, elle concernait éminemment l'honneur de la couronne cet Anglais était-il gardien de cet honneur?

Si l'on examine toutes les lois proposées ou consenties par le trône, on verra qu'elles étaient toutes plus ou moins contraires à l'affermissement de la

monarchie, et par conséquent à la Charte, puisque la monarchie est la base de la Charte.

En 1819, on s'aperçut que la nouvelle loi électorale pouvait servir la faction. M. Barthélemy fit dans la Chambre des pairs une proposition qui tendait à supplier le roi d'ordonner à ses ministres d'y faire quelques changements. Les craintes des libéraux furent extrêmes; ils s'effarèrent; ils crièrent le ministère cria comme eux; et dans son effroi, il sauva la patrie par une création de soixante pairs.

Il faut remarquer que dans le même temps on accablait de destitutions touts les royalistes soupçonnés d'être ce qu'on appelait des ultrà; épithète qu'on ne pouvait bien comprendre, et qui par cette raison même était fort commode pour commander des destitutions. Cette marche du gouvernement enfantait une guerre véritable en France. Les projets sinistres s'annonçaient; l'animosité, allait toujours croissant; et ce fut cet état violent qui inspira à M. de Chateaubriand cette phrase dans le Conservateur : « Mettez à « la tête du ministère une vertu active et vigouet vous verrez s'évanouir devant elle <«<l'audacieuse lâcheté du crime. » De telles phrases étaient alors criminelles aux yeux de Louis XVIII et de son ministère.

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