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« droit d'exiger d'eux les contraintes qui nous «< paraissent nécessaires. Nous ne blessons pas les

« droits acquis; à moins que les droits acquis

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puissent être tels, et avoir une telle puissance, « qu'ils interdisent tout remède à un mal re«< connu d'un consentement unanime.

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Avec des raisonnements abstraits, on pour<< rait encore nous mener bien loin: c'est avec «< des raisonnements abstraits qu'on est arrivé à la déclaration des droits de l'homme. Mais quand cette déclaration fut faite, on fut bien «< embarrassé de répondre à ceux qui trouvaient tyranniques les moindres entraves mises aux « droits des citoyens. Lorsqu'on fonda le droit « électoral sur quatre journées de travail, et le « droit d'élection sur un mare d'imposition, nos « démagogues furieux, la déclaration des droits (( à la main, attaquèrent l'Assemblée constituante << avec les armes qu'elle leur avait imprudem<<ment données. Vous n'avez pas besoin d'un « exemple de ce genre pour sçavoir que lors« qu'une fois on est entré dans la carrière des «‹ · subtilités et de la métaphysique, il n'est plus possible d'en sortir, surtout lorsqu'on veut appliquer des idées purement théoriques à des « nécessités politiques.

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Dans la question qui nous occupe, qu'avons

« nous à faire? Pas autre chose que de suivre le « bon sens et la justice, et de faire à la législa«<tion acuelle les changements nécessaires à la répression de la licence que vous condamnez « vous-mêmes.

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« Si la Chambre, fatiguée de tant de discus« sions, pouvait m'accorder encore quelques mo«ments d'attention, je lui montrerais jusqu'à quel point peut nous conduire l'action de cette prétendue opinion publique érigée dans la « Chambre en opinion nationale, et même en pouvoir national. Un orateur a osé l'appeler « ainsi. On a souvent invoqué ici les usages et << les lois d'Angleterre. Il s'est trouvé aussi dans « ce pays des hommes qui ont prétendu que les pamphlets et les brochures de toute espèce, <<"aussi bien que les journaux, exprimaient l'opinion publique. Or, voici ce que répondait « dans ces temps un orateur célèbre, orateur populaire, et qui défendit constamment les li«bertés publiques.

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« On nous dit (s'écriait M. Fox dans une cir« constance importante) que le mécontentement << augmente, que le peuple appréhende que nos « lois ne soient renversées. Et comment ces ora«teurs prouvent-ils ces allégations? La manière <<< en est très - extraordinaire. Ils en réfèrent à

<«<leurs propres libelles, à leurs satires infàmes, qu'ils ont eu le soin de répandre partout; ils se « regardent eux-mêmes comme la nation, et ap<< pellent modestement leurs plaintes les plaintes « de l'Angleterre.

« Pour moi, je suis loin de me sentir disposé «‹ à prendre la voix d'une misérable faction pour «< celle de mon pays.... Ici est la vraie représen«tation nationale; ici, la voix de la nation peut « se faire entendre. »

<< Voilà les vrais principes; c'est dans les deux << Chambres qu'est la véritable opinion publique; « et lorsqu'elle est adoptée par la couronne, tout << doit se taire et obéir: elle ne peut être ailleurs. « Le principe contraire est une hérésie politique

qui, si elle était adoptée, rendrait aussi impos«sible le maintien de l'ordre social, que cet autre

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principe qui autorise la désobéissance, en cons<< tituant chacun son juge particulier. »

L'orateur auquel je répondais, dans la discussion de cette loi sur la presse, s'appuyait sur des théories, pour prouver que la propriété étant un droit sacré, on a le droit de désobéir à la loi qui la blesse. C'était bien évidemment le droit de l'insurrection, puisque chacun ainsi se fait juge suprême du tort qu'il reçoit de la loi même, et se constitue en désobéissance formelle contre elle.

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J'aurais pu rappeler ce que disait M. RoyerCollard en 1815, au sujet de ma première loi d'élection : « Je crains qu'un jour la postérité ne << se donne le spectacle d'une nation qui, ayant péri par les doctrines, à peine revenue mira«< culeusement à la vie, aura pris soin de retirer « des décombres amoncelées de l'édifice social, « ces mêmes doctrines, dont l'explosion venait <<< de le renverser, pour les replacer religieuse<< ment dans les fondements mêmes du nouvel « édifice qu'elle s'occupait à reconstruire, sans « redouter, et sans méme concevoir le danger «< certain d'une nouvelle et prochaine explo

<<<sion. »

Il était impossible de se prononcer plus fortement contre ce qu'on appelle les doctrines. Et cependant il établissait une doctrine, en disant qu'on a le droit de désobéir à une loi qui blesse la propriété, et une doctrine soutenue par touts les révolutionnaires. Toujours ils ont proclamé le droit sacré de désobéir aux institutions qui blessent les droits qu'ils expliquent, qu'ils définissent, suivant leurs volontés du moment, c'està-dire suivant l'intérêt de leurs passions; car ces mêmes amis de la liberté, qui avaient, en 1789 et les années suivantes, demandé, exigé la liberté illimitée de la presse, ne manquèrent pas, quand

ils furent les maîtres dans la Convention, d'étouffer cette liberté dans le sang des girondins, de Danton et de Camille Desmoulins, ainsi que de touts les écrivains royalistes qui s'opposaient à leurs fureurs.

J'avais pris une note de ces phrases de M.RoyerCollard je fus tenté un instant de les lui opposer, mais je les trouvais trop belles, trop expressives, trop prophétiques, pour en faire une arme contre l'opinion qu'il venait d'avancer. Un sentiment rapide m'avertit qu'il serait contre les convenances d'opposer deux doctrines différentes à un homme qu'on regardait comme un des chefs des doctrinaires. Mais je prie le lecteur de relire attentivement la phrase que j'ai citée, et de remarquer combien elle était juste sur le passé, et prophétique pour l'avenir. Quand il y annonçait le danger certain d'une nouvelle et prochaine explosion, il disait ce que je n'ai cessé de dire pendant toute la restauration.

Et cependant, il eût été facile de l'empêcher; mais cette facilité dans les choses rencontrait une 'impossibilité absolue dans les caractères. Tant que notre caractère national dominera tout dans nos assemblées, tant qu'il ne sera pas contenu vigoureusement, et rapidement entraîné par le gouvernement, il ne produira que des change

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