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détruire les effets du système ministériel, s'il tendait à l'affaiblissement de la monarchie. Dans touts les Etats, a dit Montesquieu, il y a une allure générale de qui tout le reste dépend.

M. le comte Roy, ministre en même temps

que M. de la Tour-Maubourg, était connu par sa défense généreuse des familles des fermiers-généraux si lâchement assassinés; il avait étonné Bonaparte pas sa courageuse résistance à une entreprise illégale; il avait déployé dans la Chambre de 1815 les principes décidés qu'il professait en faveur de la monarchie; et si le système suivi avait dépendu de lui, l'énergie de son caractère lui aurait imprimé une marche différente. Il fit un très-grand bien par la forme légale qu'il imposa aux emprunts, bien différente de ces emprunts inconcevables faits précédemment, et dont je parlerai bientôt.

Je supplie donc de ne pas oublier que dans tout ce que je dis du ministère, je sépare toujours les vertus publiques et privées des ministres, de la marche politique du gouvernement, et que j'en sépare surtout les ministres qui n'ont pu donner aucune direction générale au mouvement des affaires, et bien moins encore changer la direction dans laquelle on s'était enfoncé. La possibilité d'en sortir ne pouvait appartenir qu'aux

seuls ministres, ou vertement soutenus d'un crédit déclaré auprès de la couronne, et dont le caractère personnel, autant que le pouvoir, entraînait le mouvement général.

D'après le récit qu'on vient de lire de tout ce que j'ai fait pendant mon ministère, on peut juger de mes principes et de ma conduite. J'y suis entré dans des circonstances extraordinaires. Le roi revenait une seconde fois dans son royaume, mais après le renversement du dominateur qui deux fois perdait la couronne. Une faction puissante, après avoir bouleversé la France, venait de trahir Louis XVIII. A cette faction s'étaient jointes, mais par des motifs bien différents, une armée ulcérée par ses défaites, et une foule immense de mécontents; et tout cela au milieu de la nation la plus mobile. En même temps le parti royaliste se signalait par l'ardeur la plus vive en faveur du trône. Une Chambre élective se montrait dominée par les mêmes sentiments. J'ai cru qu'étant ministre du roi, je devais m'appuyer sur le parti royaliste, que toutes mes paroles, toutes mes circulaires, toutes mes actions devaient être empreintes des sentiments d'un sujet fidèle à son roi, et d'une résolution bien déterminée de combattre la faction, et de lui ôter toutes ses espérances. Telle a été le principe de ma conduite.

Avais-je raison de voir cette faction, de l'observer, de tout préparer pour la combattre? D'autres ministres avaient-ils raison de repousser mes craintes, de ne voir que les fautes du parti royaliste, et de fermer les yeux sur son dévouement? Il me semble que cette question a été résolue par les évènements.

D'abord, ce que j'ai cité de la correspondance de M. le duc d'Angoulême et de celle de M. le comte de Chabrol, prouve qu'ils avaient connu à Lyon, dès le mois de janvier 1816, les premiers mouvements des révolutionnaires. Ensuite sont venus successivement la conspiration de Grenoble, l'assassinat d'un fils de France, la conjuration du Jura, les mouvements séditieux de Brest, les tentatives d'une révolte dans Paris, qu'elles agitèrent pendant plusieurs jours; la conjuration préparée dans le sein même de l'armée; celle de Vincennes, jugée par la Cour des pairs; celle de Béfort; l'entreprise contre les jours d'une princesse dépositaire de l'espoir de la France; l'explosion hardie d'un attentat dans le palais même du roi; l'entreprise contre Saumur, les barricades en 1827 dans Paris; tout cela précédé, accompagné ou suivi des révoltes de Naples, de Turin, de Madrid et de Lisbonne, de l'ébranlement de quatre trônes où sont assis des

princes catholiques, dont deux de la maison de Bourbon.

Je ne me trompais donc pas, en voyant, dès 1815, la faction toujours agissante, toujours prête à recommencer ses attentats. Mes pensées, mes craintes précédèrent celles que manifesta la Cour royale de Paris, quand elle disait à Louis XVIII: « Les magistrats qui font une étude pénible de << la marche des passions et du crime, ont re<< connu que les coupables, déjà frappés du glaive << de la loi, n'étaient « que des agents subalternes. a Ils ont dù croire, ils croient qu'il existe des « chefs ennemis du trône, de la légitimité des «< rois et de votre auguste maison. La France, opprimée pendant vingt-cinq années, et toujours attachée à son roi, réclame toute l'action « de la puissance royale. >>

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Que signifiait cette phrase, si ce n'est: la puissance royale n'a pas assez d'action? Or, qui était chargé de l'action, si ce n'étaient les ministres?

C'était précisément cette action que j'opposais sans cesse à la faction, et pour laquelle je préparais des moyens assurés, comme on l'a vu, par mes ordres et mes circulaires; et c'était cette action continuelle qui déplaisait à M. de Richelieu, et qui inspirait à mes ennemis ce violent mécontentement qu'ils ne pouvaient dissimuler.

Les mêmes sentiments animaient le conseil municipal de Bordeaux, quand il disait au roi : « Votre bonté paternelle ne touche point cette «< faction implacable. Sa haine contre les Bour« bons s'accroît même des pardons que vous lui « accordez. Elle poursuit en vous les victimes « qu'elle a déjà faites et la vengeance des bien« faits qu'elle tient de vous. >>

La France entière exprima les mêmes sentiments, et les pages du Moniteur étaient pleines d'adresses inspirées par les craintes qui avaient motivé toute ma conduite, et par les principes que j'avais constamment suivis pour affermir l'autorité royale. La conduite des ministres qui m'étaient opposés avait dû faire renaître les espérances de la faction. La correspondance privée qui partait de Paris, allait à Londres et en revenait, était évidemment inspirée ou approuvée par des hommes puissants, puisqu'elle était faite dans leur intérêt, sans être démentie par eux. Elle a préparé et justifié tout ce que nous avons vu de plus déplorable. Il suffisait de cette correspondance pour prévoir les évènements.

J'ose croire que le plan que j'ai constamment suivi, sans violer aucune loi, aurait empêché les évènements que je viens de retracer, parce qu'il aurait enlevé toute espérance de succès à la fac

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