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comme la faction marchait contre le trône. Ce noble combat aurait contraint la faction à renoncer à ses projets destructeurs, et à ne plus être qu'un simple parti d'opposition. Et c'est alors seulement que nous aurions été dans la véritable voie du gouvernement représentatif.

Au lieu de cette conduite, les ministres se portèrent tantôt contre les royalistes, tantôt contre les libéraux, favorisèrent aujourd'hui les premiers, demain les seconds, et suivirent enfin ce système inepte, flétri du nom de la bascule.

Nous verrons ensuite les choses changer, les royalistes triompher dans les élections, et le parti de l'opposition réduit à quinze ou dix-huit membres dans la Chambre élective. Mais alors les royalistes se divisèrent, et l'une de ces divisions forma une opposition redoutable au ministère. Nous arrivâmes ainsi à la fatale année de 1827, où une dissolution irréfléchie eut des suites terribles, autant qu'inévitables.

Ainsi, dans les années que je mets dans cet instant sous vos yeux, le parti royaliste fut toujours très fort, comme il l'était en 1789 dans les bailliages, comme il le fut en 1790, lorsqu'il protesta dans une grande partie de la France contre le système destructeur de la Constituante, et en 1792, quand il combattit les jacobins après

le 20 juin. Mais je vous supplie de ne pas oublier qu'en 1789, les ministres, par le doublement du tiers-état, et en cédant toute l'autorité d'action à la Constituante, ébranlèrent les fondements de la monarchie; qu'en 1790, les ministres dénoncèrent à la Constituante les efforts des royalistes, et qu'en 1792, non seulement les ministres ne profitèrent pas des mouvements généreux des habitants de Paris et des administrateurs des provinces, mais qu'ils allèrent jusqu'à les repousser et combattre leurs tentatives. Vous allez voir maintenant les ministres se jeter dans le système de la bascule.

Si ce ne sont pas là des causes, je ne sçais où j'en pourrais trouver. Et cependant, il en faut trouver; car il n'y a point d'effet sans cause. Touts ces ministres cependant étaient royalistes, mais faibles de caractère et de volonté.

Afin de bien juger tout ce que j'ai dit et dirai encore dans cet ouvrage, je vous prie de méditer attentivement ces phrases de Montesquieu :

« Ce n'est pas la fortune qui domine le monde: << on peut le demander aux Romains, qui eurent « une suite continuelle de prospérités, quand ils « se gouvernèrent sur un certain plan, et une <«< suite non interrompue de revers, lorsqu'ils se « conduisirent sur un autre plan

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Tout dépend donc du plan que l'on suit. Or, point de plan, sans une pensée première, sans une maxime principale, à laquelle tout se rapporte, et qui domine tout par un esprit de suite et une constance invincibles.

Dans les premiers jours de la session de 1820, dans une discussion relative aux impôts provisoires, qu'on appelait les quatre douzièmes, plusieurs députés royalistes attaquèrent les ministres. M. le général Donnadieu, célèbre par sa belle conduite à Grenoble, s'exprima avec une énergie remarquable. MM. Delalot, de la Bourdonnaye le secondèrent. D'autres orateurs soutenaient qu'il ne fallait pas s'occuper des personnes, mais des choses, et surtout des principes. Les principes étaient le mot sacramentel. M. de Villèle, non encore ministre, mais adjoint au conseil, soutint cette opinion. Je lui répondis. Je n'eus de peine, car j'avais, depuis trente ans, soutenu que les hommes sont tout dans l'Etat qu'ils gouvernent. Ce cri si souvent répété, occuponsnous des principes et non des hommes, prend sa source dans cette faiblesse de notre esprit, que j'ai souvent fait remarquer dans ces Mémoires. Le principe qui déclare la personne du roi inviolable et sacrée, a-t-il sauvé Louis XVI et empêché Louis XVIII et Charles X d'être forcés de sortir

pas

du royaume? Non; mais un vigoureux ministre aurait empêché tout cela. Quelle force a eu cette déclaration de l'Assemblée constituante qui mettait son informe ouvrage sous la protection de toutes les vertus, et qui invoquait les épouses, les mères, les hommes, les enfants? Cette niaiserie sentimentale a eu le sort qu'elle devait avoir. Quoi de plus connu, de plus répété que le principe de la discipline dans une armée? Qu'elle soit commandée par un général faible ou négligent, plus de discipline. Les officiers subalternes auront beau la réclamer, ils ne l'obtiendront pas. Envoyez un général ferme et sévère, et la discipline sera rétablie. Bien plus, la meilleure armée est battue, si elle est mal commandée; victorieuse, si elle a un grand général. Les régiments qui, sous Tallard et Marsin, furent battus au second Hochtet, avaient-ils moins de valeur, étaient-ils moins façonnés aux principes de la guerre, que les régiments qui, l'année précédente, avaient vaincu sous Villars? Non, car c'étaient les mêmes régiments. Environnés de toutes parts, placés dans une position affreuse par l'inhabileté des généraux, Navarre, Piémont, Champagne frémissaient de rage, et enterraient leurs drapeaux pour ne pas les rendre à l'ennemi.

L'histoire nous apprend à chaque page que les

hommes sont tout dans l'ordre politique. Charles V et Henri IV, après tant de malheurs, tant de désastres, furent les seuls restaurateurs de la monarchie. Et Gustave Vaza s'enfonçant dans les mines de la Dalecarlie, et de là sauvant la Suède, et relevant sa couronne! Pierre - le - Grand, qui change un vaste empire! et tant d'autres qu'il est inutile de nommer! Et dernièrement, parmi nous, Bonaparte, si fort pour le bien, comme pour le mal! Que devinrent devant lui touts ces principes d'égalité, de démocratie proclamés par la première Assemblée, et défendus .par la terreur, par le sang et les échafauds ? J'invoquai donc le témoignage de l'histoire, qui dit à chaque page ce que j'avançais.

Parmi toutes les preuves qu'elle nous présente, j'en connais peu d'aussi frappante que celle-ci. L'empire romain était parvenu au dernier degré de sa décadence, lorsqu'il fut rétabli sous quatre empereurs qui se succédèrent : Claude, Aurélien, Tacite et Probus.

Montesquieu avait dit : « Une des causes de « la prospérité de Rome, c'est que ses rois furent << touts de grands personnages. On ne trouve point « ailleurs, dans les histoires, une suite non in<< terrompue de tels hommes d'Etat et de tels capitaines. >>

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