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"Çes hommes n'existaient pas dans un siècle de lumières, ni ceux-ci non plus, qui se sont succédé, Pepin d'Héristal, Charles Martel, Pepinle - Bref, Charlemagne. Comment la terre qui porta de tels hommes s'est-elle si souvent et si long-temps reposée? Et pourquoi ces royalistes, si passionnés pour les principes, bien plus passionnés pour des hommes médiocres, n'étaient-ils pas éclairés par la constance et la chaleur des libéraux à nommer et soutenir les hommes forts de leur parti? Pourquoi ? parce que les hommes que nous appelons honnétes gens ont souverainement le défaut d'être envieux de toute supériorité de talents politiques, et qu'ils l'abhorrent.

Dans un temps où les discussions politiques ouvrent une large carrière à toutes les passions, on ose présenter des principes comme une barrière insurmontables; des principes politiques, c'est-à-dire la chose qui enfante le plus de disputes interminables. Ce n'est pas avec des principes et des déclarations qu'on gouverne les hommes; c'est par d'autres hommes qui ont dans la tête les bonnes maximes de gouvernement. Encore faut-il qu'ils aient le talent d'en faire l'application. Certes, M. Fox a eu bien raison de s'écrier dans son histoire des Stuarts:

<< Combien est vaine, combien futile, combien

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présomptueuse l'opinion que les lois font tout! « Combien faible et pernicieuse la conclusion qu'on en tire, qu'il faut s'occuper des choses " et non des hommes!» Et dans la même histoire, il dit : « Rapin-Thoiras fait très-habile« ment sentir l'extrême folie de se reposer sur « des mesures décrétées, sans faire attention au caractère des hommes chargés de l'exécution. » En réfléchissant sur la source de l'opinion que je combats, je ne peux la trouver que dans l’intérêt personnel des hommes médiocres. Ce sont eux qui ont préconisé cette opinion, parce qu'elle leur est favorable; et lorsque, malgré eux, on a reproché à un homme d'Etat de manquer de talents, ils se sont écrié : C'est un honnête homme, il a les meilleures intentions. Ensuite est venu ce bel axiome union et oubli, et puis le peuple a donné sa démission, et puis encore, il ne faut pas exaspérer les libéraux, et d'autres niaiseries. Je les examinerai avec attention, car toutes ont influé sur nos quinze malheureuses années ; elles ont amené la catastrophe qui les a terminées, parce qu'elles ont influé sur le choix des ministres. M. de Chateaubriand a peint à grands traits la médiocrité, ses avantages pour être vantée par la tourbe qui la suit, et sa funeste influence.

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Dans ce même discours, j'ai relevé la Chambre autant que je l'ai pu; je lui ai démontré que Charte la plaçait dans une position éminente, qu'il fallait s'attacher à la conserver. Et comme il était évident que les ministres gouvernaient avec ce malheureux système qu'on flétrissait du nom de bascule, je m'élevai contre cette déplorable faiblesse, et j'ajoutai :

« Entre deux partis, il n'y a de milieu que « la timidité. Le gouvernement représentatif exige une action ferme, décidée, ouverte et « déclarée. Et, chose remarquable, ce qu'il de<< mande est de toute antiquité. C'est dans les « livres saints que je trouve cette maxime que « réclame impérieusement le gouvernement re

présentatif. Ecoutez Bossuet. » Ces paroles excitèrent beaucoup d'étonnement, ensuite un rire prolongé, et puis ces mots : Écoutons, écoutons.

Je prononçai ces phrases fortement articulées : « Ceux qui songent à contenter tout le monde, «< et qui se tournent tantôt vers l'un, tantôt vers <«<l'autre, sont ceux dont il est écrit: Le cœur << qui entre dans deux voies aura un mauvais « succès; il n'aura ni amis fidèles, ni alliance "assurée; il mettra à la fin tout le monde contre « lui. (On rit en regardant les ministres.) C'est « à de tels esprits que le sage a dit: Ne tournez

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pas à touts vents; n'entrez pas en toutes voies; « que vos démarches soient fermes, que votre << conduite soit régulière, et que la sûreté soit << dans vos paroles.

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Certes, voilà une bonne et une excellente maxime de gouvernement!

J'avais parlé, je n'avais pas lu. M. de **** après quelques compliments, me dit: Vous aviez appris par cœur. Je lui répondis, non point par cœur, mais par téte, car j'ai tout cela dans ma tête depuis trente ans. Je rapporte cette demande, pour montrer la manie de ces hommes qui, voulant entrer dans l'examen des choses qu'ils n'ont pas méditées et ne connaissent pas, et ne pouvant en parler, veulent absolument qu'il en soit de même des autres hommes. Je lui demandai s'ils ne se rappelait plus ce ministre qui, ayant appris un discours par cœur, sentit que la mémoire lui manquait, s'arrêta, mit sa main sur son front, se tourna vers le président, convint que sa mémoire avait failli, se remit un peu, et acheva péniblement son discours; et un autre, M. de Serre, dans la même session, simple député, arrêté tout à coup, cherchant péniblement ses idées, ou plutôt les mots qu'il avait oubliés, descendant de la tribune d'un air effaré, restant debout à sa place, comme frappé de stupeur; et

enfin remontant à la tribune, après les invitations polies qu'on lui adressait. Il faut être bien hardi, ou bien imprudent, pour parler de mémoire. Il n'est pas un prédicateur qui n'ait derrière lui un homme qui le snit, le cahier à la main, à moins qu'il ne parle d'abondance, et pas un acteur qui ne se repose sur le souffleur. On a dit souvent que le général Foy apprenait ses discours par cœur. Je ne l'ai jamais cru, parce que j'en connais les inconvénients. Quand on a bien réfléchi, bien médité son sujet, on parle sans crainte, certain qu'on est que les idées amènent les expressions. Il faut donc réfléchir pour parler en public. Boileau a dit:

« Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
« L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
« Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
<< Et les mots pour le dire arrivent aisément. »

Voilà tout le secret de l'orateur. Il réfléchit avant de parler; il ne parle que des choses qu'il connaît par la réflexion, par l'expérience, et l'étude de toute sa vie. souvent par

Je prie de me permettre de revenir encore sur ce malheureux système du milieu en politique; c'était alors la vertu par excellence, c'était par elle que brillaient nos ministres de ces temps, d'un éclat qui ravissait leurs partisants. On a

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