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& n'eft point détruit par elle; autrement, mettre cette chofe en cet état ce feroit la détruire, & aucune caufe étrangère ne pourroit réuffir à l'y mettre. Par conféquent quand même la cause étrangère qui a mis cette chofe en cet état viendroit à ceffer, cet état ne feroit point détruit à moins qu'il ne furvînt une caufe étrangère qui le détruisît: car pour que cette chofe ceffe d'être dans cet état ou pour que cet état foit détruit, il faut ou qu'il le foit par la chofe qui eft en cet état, ou par lui-même, ou par une caufe étrangère à cette chofe & à cet état : or il eft impof fible que cet état fe détruife lui-même, puifqu'il n'eft point contraire à lui-même & qu'il ne s'exclut point lui-même de l'exi ftence. Il y a contradiction à dire qu'un être foit la négation ou l'exclufion de foimême, il faudroit pour ce fujet qu'il fût cet être par fuppofition, & qu'il ne le fût pas en même tems, puifqu'il l'excluroit & qu'il en feroit la négation. La chofe qui eft en cet état ne peut pas non plus détruire cet état, puifqu'elle n'eft point contraire à cet état, qu'elle ne l'exclut point, que fon effence n'eft point détruite par lui, une caufe étrangère l'ayant mife en cet état fans la détruire & ayant fait fubfifter [] Par fup- cet état avec elle (/), cet état ne peut donc

pol.

être détruit que par une caufe étrangère. incompatible avec cet état; & par conféquent toute caufe étrangére étant ôtée, la chofe étant mife en cet état y demeurera toujours, fans qu'il foit befoin qu'elle foit confervée par la caufe qui l'y a mife.

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521. Pour fatisfaire à toutes ces difficultez, je remarquerai en premier lieu que l'expérience des corps jettez ne peut rien prouver contre notre propofition (m): car dans le fyftême de ceux mêmes qui ne 109. font pas de notre fentiment fur cette propofition, fi les corps jettez ayant une fois reçû le mouvement doivent le continuer, à moins qu'une caufe étrangère ne le leur ôte, fans qu'ils puiffent fe l'ôter eux-mêmes, leur mouvement doit auffi être d'une viteffe toujours égale (n), à moins qu'une [n] N. 364 caufe étrangère ne l'augmente ou la diminue, parceque ces corps devans, felon les principes de nos adverfaires, demeurer dans l'état où ils font jufqu'à ce qu'une cause étrangère les en ôte, doivent demeurer dans le degré de viteffe qu'ils ont reçû, qui eft un état du mouvement auffi bien que le mouvement un état du corps; par conféquent fi la viteffe des corps jettez augmente pendant un efpace de tems; c'eft une preuve convaincante non feulement dans notre fyftême, mais auffi dans celui de nos adverfaires, qu'il y a une cause étrangère qui aide le mouvement des corps jettez, même après qu'ils font féparez de la caufe fenfible qui les amis en mouvement. 522. Or fi-tôt qu'ils font obligez de reconnoître cette caufe étrangère, ils ne peuvent plus nous prouver par là que ce

mouvement continue de lui-même fans cause étrangère.: au contraire cette augmentation de viteffe prouve évidemment la préfence d'une caufe étrangère qu'il s'agit de rechercher, & elle montre que

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Mr Defcartes n'a pas raifon de dire qu'il faut plutôt chercher la cause qui fait ceffer, que celle qui fait continuer le mòuvemement des corps jettez.

523. Pour ce qui regarde l'axiome de ces Philofophes, favoir que chaque chofe doit demeurer dans 1 état où elle eft juf qu'à ce qu'une cause étrangère l'ôte de cet état, je dis qu'il a befoin d'explication dans les principes mêmes de nos adver faires.

524. Je leur demande en premier lieu fi felon ce principe un corps A qui étoit fphérique & qui a été contraint par une caufe étrangère de prendre une figure cubique, gardera toujours cette figure cubique jufqu'à ce qu'une caufe étrangère la détruife, ou bien fi la caufe qui lui a donné cette figure cubique venant à ceffer, il perdra de lui-même cette figure pour en prendre une autre.

525. S'ils me répondent que ce corps ne gardera pas fa figure cubique à moins que la caufe qui la lui a donnée ne la lui con ferve, voilà leur principe faux, car cette figure cubique eft un état ou une manière d'être que ce corps a reçûe d'une caufe étrangère, qui n'eft point contraire à la nature de ce corps & qui par conféquent, fuivant le principe, ne doit point ceffer jufqu'à ce qu'une caufe étrangère la détruife, quand même la caufe qui l'a produite viendroit à ceffer. Il faut donc, fuivant le principe, que ce corps garde de lui-même cette figure cubique; & cela eft fi vrai que c'est-là un des exemples dont

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Hos adverfaires fe fervent pour prouver leur principe.

526. Mais fi on me répond conformément au principe, que quoique la caufe étrangère qui a donné cette figure cubique vienne à ceffer, néanmoins cette figure doit continuer jufqu'à ce qu'une cause étrangère la détruife, je répons que cela même femble prouver évidemment la fauf, Leté du principe.

527. Car premiérement ce corps a été mis par une cause étrangère en un état de changement de figure. Ce changement de figure eft un état & une fituation de ce corps comme le mouvement ou le changement de lieu, cette fituation ou cet état ceffe fi-tôt que la caufe qui l'avoit produit vient à ceffer; s'il eft vrai que le corps ayant reçû la figure cubique là conserve jufqu'à ce qu'une cause étrangère la lui

ôte.

528. Secondement (ce qui fait encore plus à notre fujet & qui eft une fuite de ce que le changement de figure commence & ceffe avec la caufe qui le produit), ce corps A ne change de figure que parceque les parties qui le compofent & dont l'arrangement fait la figure du corps, font mifes en mouvement les unes à l'égard des autres, & ce même corps ne ceffe de changer de figure & ne conferve fa figure cubique que parceque ces mêmes parties ceffent d'être en mouvement & demeurent en repos les unes à l'égard des autres.

529. Or ce mouvement des parties du corps A est un état de ces parties: voilà

donc un état où ces parties ont été mises, lequel ceffe fi-tôt que la caufe qui le produifoit vient à cefler, fans qu'il foit be foin qu'il foit détruit par une autre cause étrangère que celle qui fait ceffer fa cause. $30. Et ce qui eft le plus admirable c'est que cet état eft le mouvement, c'est-àdire l'état même dont il eft queftion dans la propofition que nous avons entrepris N. 109. d'établir (o), lequel eft démontré devoir ceffer fans autre caufe qui le détruise, que celle qui fait ceffer la caufe qui le produit, par le principe dont on veut fe fervir pour prouver qu'il doit continuer même après que la caufe qui le produit a ceflé, jufqu'à ce qu'une cause étrangère le détruife.

531. De plus je remarque que ceux que nous avons ici principalement pour adverp] N. 378 faires, prétendent auffi bien que nous (p) 383. que tout corps en mouvement tend de luimême à décrire une ligne droite, qu'il ne fe meut en ligne courbe ou circulairement que quand des caufes étrangères le forcent continuellement à changer de direction; que fi-tôt que ces caufes étrangéres viennent à celler, ce corps s'échape & décrit la touchante du cercle qu'il étoit forcé de décrire. Tout ce qu'ils difent en cela eft très véritable, mais en même tems il paroît très contraire à leur principe ou plutôt à l'ufage qu'ils prétendent faire de [4] Dun. 509 ce principe contre notre propofition (q), puifque le principe eft très véritable.

532. Car voici un corps mis en mouvement circulaire, cfpéce de mouvement qui

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