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ment républicain, où il est souverainement important que la volonté particulière ne trouble pas la disposition de la loi fondamentale, montre les lois propres à favoriser la subordination aux magistrats, le respect pour les vieillards, la puissance paternelle, l'attachement aux anciennes institutions, la bonté des mœurs. Il règle aussi le partage des terres, les dots, les manières de contracter, les donations, les testamens, les successions, pour conserver l'égalité qui est l'âme de ce gouver

nement.

Et comme les lois romaines, malgré la révolution des empires, seront toujours à plusieurs égards le modèle de toute législation sensée, notre auteur, pour faire mieux sentir l'étroite liaison des lois de succession avec la nature du gouvernement, remonte jusqu'à l'origine de Rome pour chercher sous des toits rustiques, et dans le partage du petit territoire d'un peuple naissant, composé de pâtres, les lois civiles à ce sujet, dont le changement tint toujours à celui de la constitution'. Ici, comme partout ailleurs, on est convaincu que la politique, la philosophie, la jurisprudence, par leur secours mutuel, portent

'L'article des lois romaines sur les successions, qui seul dans l'original forme le livre XXVII, non sans interruption, trouve ici naturellement sa place après le chapitre v du livre V, où je J'ai mis.

des lumières là où l'on n'entrevoyoit que de foibles lueurs.

Les prééminences, les rangs, les distinctions, lat noblesse, entrent dans l'essence de la monarchie. C'est donc des principes de ce gouvernement qu'il fait descendre les lois qui concernent les priviléges des terres nobles, les fiefs, les retraits lignagers, les substitutions, et autres prérogatives, qu'on ne sauroit par conséquent communiquer au peuple sans diminuer la force de la noblesse et celle du peuple même, et sans choquer inutilement tous les principes.

Notre auteur est charmé de reconnoître ici l'excellence des principes du gouvernement monarchique, et ses avantages sur les autres espèces de gouvernemens : les différens ordres qui tien

nent à la constitution la rendent inébranlable au point de voir ses ressorts remis en équilibre au moment même de leur déréglement.

Il développe les lois qui sont relatives à ce mouvement de rapidité, à ces violences, à cette affreuse tranquillité, à cette léthargie, à cet esclavage du gouvernement despotique : il se déchaîne contre ces caprices, ces fureurs, ces vengeances, cette avarice, ces volontés rigides, momentanées et subites d'un visir qui est tout, tandis que les autres ne sont rien: il trace avec les couleurs les plus noires une peinture si naïve des fantaisies, des

indignations, des inconstances, des imbécillités, des voluptés, de cette paresse, et de cet abandon de tout, d'un despote, ou plutôt du premier prisonnier enfermé dans son palais, que, nous inspirant de l'horreur contre cette espèce de gouvernement, il paraît nous avertir tacitement combien nous sommes obligés de rendre grâces au ciel de nous avoir fait naître dans nos contrées heureuses, où les souverains, toujours agissant, toujours travaillant, et menant une vie appliquée, ne sont occupés que du bien-être de leurs sujets, comme un bon père de famille est attentif au bien de ses enfans.

C'est en tirant les conséquences de ces mêmes principes, par rapport à la manière de former les jugemens, qu'il sait tendre les piéges les plus adroits au despotisme, heureusement inconnu aux sages gouvernemens de nos jours, où un corps permanent de plusieurs juges est le seul dépositaire de la vie, de l'honneur et des biens de chaque citoyen; où les souverains, laissant aux mêmes juges le pouvoir de punir, se réservent celui de faire grâce, qui est le plus bel attribut de la souveraineté; et où les ministres, sans se mêler des affaires contentieuses, veillent nuit et jour aux grands intérêts de l'état, n'exigeant d'autre récompense de leurs travaux que le pouvoir de faire des heureux. Notre auteur, pour inspirer

par le contraste plus de respect pour ces corps augustes, ou, pour mieux dire, pour ces sanctuaires de justice, de vérité, de sagesse, nous rappelle avec horreur le jugement d'Appius, ce magistrat inique, qui abusa de son pouvoir jusqu'à violer la loi faite par lui-même.

Il nous met entre les mains des trésors inestimables à l'égard de l'établissement des peines. Il nous montre que la douceur et la modération sont les vertus propres des grandes âmes, nées pour faire le bonheur des peuples. Il faut en convenir, les connoissances rendent les hommes doux, la raison porte à l'humanité, et il n'y a que les préjugés qui y fassent renoncer.

Ainsi, ce n'est pas ici un de ces législateurs qui, avec un air irrité et terrible, avec des yeux pleins d'un feu sombre, lance des regards farouches, menace, tonne, et porte l'épouvante partout, et ne sachant être juste sans outrer la justice même, ni bienfaisant sans avoir été oppresseur, prend toujours les voies extrêmes pour agir avec violence au lieu de juger, pour faire des outrages au lieu de punir, pour exterminer tout par le glaive au lieu de régler.

C'est un bon législateur qui cherche plutôt à corriger qu'à mortifier, plutôt à humilier qu'à déshonorer, plutôt à prévenir des crimes qu'à les punir, plutôt à inspirer des mœurs qu'à infliger

des supplices, plutit a obliger à vivre selon les regles de la société qu'a retrancher de la société : c'est un sage magistrat qui sait distinguer les cas ou il faut être neutre, et ceux où il faut être protecteur: parce qu'il a assez d'esprit et de cœur pour saisir le point critique et délicat auquel la justice finit, et où commence l'oppression qui, étant exercée à l'ombre de la justice et de sangfroid, seroit la source la plus empoisonnée d'une tyrannie sourde et inexorable: c'est un père tendre et compatissant, qui sait trouver ce sage milieu entre lindolence et la dureté, je veux dire la clémence.

Il n'est pas indifférent que je fasse ici une remarque. Quand notre auteur parle des peines, il ne faut pas attendre de lui des interprétations, des déclarations, des axiomes, et des décisions, comme on voit dans les livres des jurisconsultes : ce seroit n'avoir pas une idée juste de son ouvrage que de le regarder dans un point de vue si borné. Notre auteur, ici comme partout ailleurs, aspire à quelque chose de plus haut, de plus noble et de plus étendu; il n'enseigne point en simple jurisconsulte qui s'arrête à examiner en détail ce qui est juste ou injuste dans les affaires contentieuses; son dessein est de découvrir tous les objets différens de législation, qu'il a dû embrasser d'une vue générale. Ainsi le grand ressort de son ou

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