De ce faux caractère on en voit trop paraître. Org. Monsieur mon cher beau frère, avez-vous tout dit? Org. (s'en allant.) Je suis votre valet. Clé. Qui. De grâce, un mot, mon frère. Laissons là ce discours. Vous savez que Valère, Org. Oui, Clé. Vous aviez pris jour pour un lien si doux. Org. Peut-être. Cle. Org. Je ne dis Clé. Pourquoi donc en différer la fête > Auriez-vous autre pensée en tête? Vous voulez manquer à votre foi? pas cela. Nul obstacle, je crois, Ne vous peut empêcher d'accomplir vos promesses. Org. Selon. Clé. Pour dire un mot faut-il tant de finesses? Org. Adieu. Cle. (seul.) Pour son amour je crains une disgrace, Et je dois l'avertir de tout ce qui se passe. Molière. Scène du Joueur. VALERE, joueur qui a perdu son argent, HECTOR. Hect. Le voici. Ses malheurs sur son front sont écrits: Il a tout le visage et l'air d'un premier pris. Val. Non, l'enfer en courroux, et toutes ses furies, N'ont jamais exercé de telles barbaries. Je te loue, ô destin, de tes coups redoublés; Je n'ai plus rien à perdre, et tes vœux sont comblés. Tu ne peux rien sur moi; cherche une autre victime. Val. (Il prend Hector à la cravate.) Parle. As-tu jamais vu le sort et son caprice Vingt fois le coupe-gorge, et toujours premier pris? Hect. Et tu ne me flattais que pour mieux m'étouffer. Dans l'état où je suis je puis tout entreprendre; Confus, désespéré, je suis prêt à me pendre. Hect. Heureusement pour vous vous n'avez pas un sou Val. Que la foudre t'écrase! Ah! charmante Angélique, en l'ardeur qui m'embrase, Hect. (à part.) Notre bourse est à fond; et, par un sort nouveau, Notre amour recommence à revenir sur l'eau. Val. Calmons le désespoir où la fureur me livre. Approche ce fauteuil. (Hector approche un fauteuil.) Val. (assis) Hector sort, et rentre tenant un livre. Hect. Voilà Séneque. Que je lise Séneque ? Hé! vous n'y pensez pas; Val. Oui. Ne sais-tu pas lire ? Je n'ai lu de mes jours que dans des almanachs. Val. Ouvre, et lis au hasard. Hect. Val. Lis donc. Hect. (lit.) Je vais le mettre en pièces. "CHAPITRE VI. Du mépris des richesses. La fortune offre aux yeux des brillans mensongers : Il avait, comme vous, perdu tout son argent. Val. (se levant) Vingt fois le premier pris! Dans mon cœur il s'élève (il s'assied) Des mouvemens de rage. Allons, poursuis, achève. Hect. "L'or est comme une femme; on n'y saurait toucher Que le cœur, par amour, ne s'y laisse attacher. L'un et l'autre en ce temps, sitôt qu'on les manie, Val. De mon sort désormais vous serez seule arbitre, Hect. Que faut-il Val. Hect. "Que faut-il à la nature humaine? Val. Non, il était de Rome. Dix fois à carte triple être pris le premier! Hect. Ah! monsieur, nous mourrons un jour sur un fumier, J'ai cent moyens tout prêts pour m'empêcher de vivre, Hect. Si vous vouliez, monsieur, chanter un petit air; Peut-être calmerait cette humeur frénétique. Hect. Val. Monsieur Que je chante, bourreau! Je veux me poignarder: la vie est un fardeau Qui pour moi désormais devient insupportable. Hect. Vous la trouviez pourtant tantôt bien agréable: Qu'un joueur est heureux! sa poche est un trésor, Sous ses heureuses mains le cuivre devient or, Disiez-vous. Val. Ah! je sens redoubler ma colère. Hect. Monsieur, contraignez-vous; j'aperçois votre père. Regnard. Scène du Légataire. M. SCRUPULE, GERONTE, ERASTE, LISETTE, CRISPIN. CRISPIN, valet d'ERASTE, neveu de GERONTE, s'est enveloppé dans la robe de chambre de ce dernier, et a dicté un faux lestament souș le nom de ce vieillard. GERONTE, qui paraît, apprend ce qui s'est fait sous son nom. On veut lui persuader qu'il a dicté lui-même cẹ testament, et qu'une léthargie lui en a fait perdre la mémoire. Gér. Ici depuis long-temps vous êtes attendu. M. Scru. Certes, je suis ravi, monsieur, qu'en moins d'une heure Vous jouissiez déjà d'une santé meilleure. Je savais bien qu'ayant fait votre testament Vous sentiriez bientôt quelque soulagement. Le corps se porte mieux lorsque l'esprit se trouve Dans un parfait repos. Gér. Tous les jours je l'éprouve. M. Scru. Voici donc le papier que, selon vos desseins, Je vous avais promis de remettre en vos mains. Gér. Quel papier, s'il vous plaît? pour quoi, pour quelle affaire? M. Scru. C'est votre testament que vous venez de faire. Gér. J'ai fait mon testament! Oui, sans doute, monsieur. Je frissonne de peur. M. Scru. Gér. Eh! parbleu, vous rêvez, monsieur; c'est pour le faire M. Scru. Je ne rêve, monsieur, en aucune façon ; Er. (bas) Que dire? Lis. (bas) Cris. (bas) Juste ciel! Me voilà confondu. Gér. Eraste était présent? M. Scru. Oui, monsieur, je vous jure. Gér. Est-il vrai, mon neveu? parle, je t'en conjure. Er. Ah! ne me parlez pas, monsieur, de testament; C'est m'arracher le cœur trop tyranniquement. Gér. Lisette, parle donc. Lis. Crispin, parle en ma place; Je sens dans mon gosier que ma voix s'embarrasse. Cris. (à Gér.) Je pourrais là-dessus vous rendre satisfait; Cris. On ne peut pas vous dire Qu'on vous l'ait vu tantôt absolument écrire ; Je n'assurerai pas que ce fût vous: pourquoi? C'est qu'on peut se tromper; mais c'était vous, ou moi. M. Scru. (à Ger.) Rien n'est plus véritable; et vous pouvez m'en croire. Gér. Il faut donc que mon mal m'ait ôté la mémoire, Et c'est ma léthargie. Cris. Oui, c'est elle, en effet. Lis. N'en doutez nullement ; et, pour prouver le fait, Ne vous souvient-il pas que, pour certaine affaire, Vous m'avez dit tantôt d'aller chez le notaire? Gér. Oui. Lis. Qu'il est arrivé dans votre cabinet; Qu'il a pris aussitôt sa plume et son cornet; Lis. C'est votre léthargie. Cris. Ne vous souvient-il pas, monsieur, bien nettement, Qu'il est venu tantôt certain neven Normand, Et certaine baronne, avec un grand tumulte Et des airs insolens, chez vous vous faire insulte?— Gér. Oui. Cris. Que, pour vous venger de leur emportement, Vous m'avez promis place en votre testament, |